A Rabat, la décharge Oum Azza est en train de donner le ton pour une nouvelle révolution dans le domaine de la croissance verte inclusive. Elle dispose d'un centre de tri faisant travailler une coopérative de trieurs qui recyclent des déchets ménagers qui sont ensuite transformés en électricité tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Un projet exclusif au Maroc qui a attiré l'attention de la Banque mondiale. Détails de ce qui ce qui se fait dans la plus grande décharge moderne du Maghreb. Une meilleure gestion des déchets ménagers au Maroc peut permettre de stimuler l'économie nationale et réduire l'impact environnemental. Et le système de recyclage des déchets à la décharge d'Oum Azza à Rabat en donne un exemple salué jusque dans les instances de la Banque mondiale (BM). Située près des rives du fleuve Bouregreg à Rabat, la décharge d'Oum Azza était il y a quelques années, une ancienne carrière désaffectée qui a servi de dépotoir d'ordures entre 1980 et 2007. « La puanteur était terrible, des coulées de produits toxiques gagnaient le fleuve Bouregreg qui traverse Rabat. Parfois, des murs de mousse noire ou blanche bloquaient la route », confie Gérard Prenant, président du groupe gérant Oum Azza. A partir de 2007, les choses changent radicalement. L'ancienne carrière désaffectée devient, grâce aux financements de l'institution de Bretton Woods, la plus grande décharge moderne de tout le Maghreb. Ce changement radical et positif est parti de la volonté des autorités qui ont mis en place, le Programme national des déchets ménagers. Celui-ci ambitionne de porter la collecte et le recyclage des matériaux de 5 à 20% d'ici 2022. Le programme reçoit l'appui de la Banque mondiale via des financements destinés à la gestion des déchets solides municipaux. Résultat : une société privée est désignée pour transformer l'ancienne carrière désaffectée en un site d'enfouissement qui absorbe 850.000 tonnes de déchets par an. On n'a pas réussi à faire mieux ailleurs dans le Maghreb. L'estuaire du Bouregreg qui accueille la marina de Rabat et d'autres infrastructures comme le Grand Théâtre ou le Pont à Aubans, est devenu plus propre, accueillant même des pêcheurs et des touristes. Une coopérative inclusive faisant sortir les trieurs de l'informel Question de taille cependant : que fera-t-on des chiffonniers qui gagnaient leur pain sur la carrière en recyclant toutes sortes de matériaux ? Et c'est là qu'intervient la portée sociale du projet. Dans son exécution, la coopérative «At-Tawaffouk» est créée et récupére presque tous les trieurs travaillant dans des conditions précaires autour d'un centre de tri et recyclage. Plus organisés et travaillant dans des conditions plus sécurisées, ils peuvent produire plus et s'assurer un revenu. La coopérative regroupe près de 150 membres dont 22 femmes. « Nous touchons chacun un salaire mensuel de 2 620 dirhams et les bénéfices excédentaires sont répartis une fois par an, selon le nombre d'heures travaillées par chacun», explique Yassine Mazzout, président de la coopérative At-Tawaffouk. Mais ce salaire est accompagné d'avantages que les membres de la coopérative ne pouvaient avoir s'ils étaient restés dans l'informel. En effet, tous les membres sont couverts par une assurance-santé, disposent d'un compte bancaire et de possibilités de prêt immobilier. Du recyclage à la production d'électricité Mais c'est le modèle économique choisi qui est le plus attrayant. Via le centre de tri mis en place par la société gestionnaire d'Oum Azza, 2200 tonnes de déchets solides sont revendus chaque année et 100.000 tonnes de déchets verts sont compostés, ce qui permet de réduire le volume de déchets destinés à l'enfouissement. D'un autre côté, la décharge Oum Azza valorise les déchets organiques (60% des ordures ménagers) dans un processus de décomposition pour produire du biogaz. Une sorte de pipeline devrait acheminer le biogaz pour alimenter une cimenterie r'batie. L'excédent d'électricité issu du biogaz devrait être vendu pour être intégré dans le réseau national. Au niveau écologique, le torchage sur site du méthane libère du dioxyde de carbone moins polluant. De plus, le captage des gaz issus de la décharge devrait permettre de diminuer 500.000 tonnes d'émission de CO2. Le centre prévoit de créer un compost de qualité avec les déchets verts et de vendre des déchets broyés à des cimentiers. L'innovation écologique fera d'Oum Azza le premier centre d'enfouissement au Maroc à vendre des unités de réduction certifiée des émissions de carbone Quand la croissance rencontre l'écologie… « Notre métier, c'est la gestion des déchets, et notre intérêt, c'est d'avoir le moins de déchets possible à enfouir », assure Gérard Prenant. « L'approche marocaine est exemplaire. Le pays conçoit ses déchets comme une ressource à valoriser. Le centre d'Oum Azza est un modèle prometteur qui devrait être reproduit dans d'autres décharges, au fur et à mesure de la mise en place du programme gouvernemental. Marier recyclage, chaînes de valeur et emploi est une formule gagnante pour sortir du tout-déchet », plaide pour sa part Maria Sarraf, économiste principale pour les questions environnementales à la Banque mondiale. Multiplier le modèle de cette décharge écologique à l'échelle nationale permettra de promouvoir les emplois. Une belle manière d'associer développement et écologie.