Neuf ans après avoir fait leur réservation et verser individuellement des acomptes de 300 000 à plus de 1 million de dirhams, des MRE attendent toujours la livraison de leur appartement dans le cadre du projet «Paradise et Golf Beach Resort» à Tanger. Alors que les travaux devaient prendre fin en 2011, ils sont en arrêt depuis. Fatigués des promesses du promoteur, ils vont manifester à Londres. Photo du site prise en avril 2015 Photo du site prise en avril 2015 Photo du site prise en avril 2015 Photo du site prise en avril 2015 Une copie de la brochure présentée aux clients en 2007 pour les convaincre. Une copie de la première page de la convention présentée aux clients en 2007. Une copie des signatures de ministres présentées aux clients en 2007. Une copie de l'avenant prorogatif de la convention signés, selon le promoteur, par les actuels ministres. Une copie de l'avenant prorogatif de la convention signés, selon le promoteur, par les actuels ministres. Les mésaventures des investisseurs dans l'immobilier au Maroc n'en finissent pas. Cette fois, des MRE et Européens montent au créneau à Londres en raison des retards de livraison du projet «Paradise et Golf Beach Resort» lancé en 2007 par Atlantic Beach Paradise (ABP), une SARL dirigée par un ancien MRE d'Angleterre, Larbi Tadlaoui. Le collectif de clients va manifester le 25 janvier prochain devant l'Ambassade du Maroc, estimant ne pas avoir d'autres choix. «Nous avons frappé à toutes les portes au Maroc, mais nous n'avons rien obtenu. C'est pourquoi nous avons décidé de manifester», indique à Yabiladi le porte-parole dudit collectif, Zakaria Maghraoui qui a déposé une plainte contre le promoteur en octobre 2013 sans suite. «La corruption est partout au Maroc. Ce n'est pas bien», regrette-t-il. Le piège d'un supposé soutien du gouvernement Selon le récit de ce groupe d'environ 300 personnes sur 1000 clients au total, le projet avait été lancé de manière très alléchante et présenté comme «soutenu par le gouvernement» via une convention signée avec la société promotrice afin de lui permettre de bénéficier d'exonérations en termes de droits de Douane, en raison de l'importance du projet. «Ils avaient fait une grosse pub. On nous avait montré des signatures des ministres censées marquer l'engagement de l'Etat dans le projet», explique l'investisseur MRE. La livraison était prévue en 2011. Mais à cette date, pas moyen pour les clients de récupérer leurs clés. Un différend opposant le fournisseur d'eau Amendis au promoteur avait bloqué le chantier. Alors que les choses semblaient repartir dans le bon sens le projet connaitra un autre mésaventure en octobre 2014, lorsque la Compagnie générale immobilière (CGI), alors maitre d'ouvrage délégué, se retire suite au scandale d'Al Hoceima. Et depuis, les clients n'ont que promesses sur promesses. «C'est frustrant. C'est de l'argent jeté par les fenêtres», se désole Claire Panay, une Française de 40 ans née au Maroc qui y a vécu pendant 20 ans avant de s'installer en Angleterre. Elle avait versé 23 000 livres sterling d'acompte, soit 331 500 dirhams. «J'aime le Maroc, c'est le pays de mon enfance. J'y ai beaucoup d'attache. C'est vrai que ma mère y a une maison, mais je voulais avoir mon propre pied-à-terre», confie-t-elle, avant d'ajouter : «avec les autres, nous sommes tombés dans le piège du soit disant soutien gouvernemental». Confrontations De son côté cependant, le promoteur se défend. «Le problème d'infrastructures hors site - c'est-à-dire eau, électricité, assainissement et eau d'irrigation- est la principale raison des retards», explique à Yabiladi Larbi Tadlaoui. «J'insiste là-dessus, car nous avions été nous aussi surpris. Au moment où nous engagions le projet, Amendis ne nous avait pas dit que les infrastructures étaient inexistantes. Nous nous en sommes rendus compte au moment où nous en avions besoin pour terminer le chantier», ajoute-t-il. Un chantier où le m2 était vendu entre 1 000 et 1 000 livres sterling, soit 14 000 à 15 000 dirhams. L'avocat du collectif au Maroc dit avoir fait d'autres découvertes. Selon lui, les travaux n'avanceraient pas parce que le terrain n'appartiendrait pas à ABP. «Quand je montais le dossier de plainte en 2013, j'ai voulu savoir déjà si le promoteur disposait de la propriété pour prétendre construire et vendre des appartements. Je suis allé à la Conservation foncière, et j'ai découvert que le terrain était enregistré en tant que "bien privé de l'Etat". Il n'est donc ni au nom de M. Tadlaoui, ni au nom de sa société, mais appartient au gouvernement», explique Me Maghraoui Aziz, avocat au barreau de Salé. Une thèse complètement réfutée par le promoteur qui nous a fait parvenir une copie de son certificat de propriété. «Comment aurais-je pu démarrer la construction si je n'avais pas acquis le terrain ?», demande l'homme d'affaires qui aurait acquis un peu plus de 32 ha à 437 500 000 dirhams. L'acte de vente avait été signé par «un représentant du chef du gouvernement», dit-il, préférant garder ce papier confidentiel. Pour Me Maghraoui en revanche, «ces documents ne sont pas authentiques». C'est également son avis au sujet des documents présentés aux clients MRE et Européens témoignant du soutien de l'Etat dans ce projet. «Ils avaient montré aux clients deux feuilles comportant des signatures, sans aucun contenu. Ce sont des signatures tirées d'un projet de l'Etat», juge l'avocat. «Les citoyens vivant à l'étranger ne comprennent pas les magouilles faites au Maroc. Quand on leur dit qu'un ministre a signé, ils acceptent», ajoute Me Maghraoui. L'avocat confirme que la plainte déposée en 2013 «pour escroquerie avait été classée sans suite». «Récemment, un confrère qui s'est présenté en tant que Me Farissi m'a contacté de la part de M. Tadlaoui. Il m'encourageait à régler le problème à l'amiable. J'ai refusé», déclare Me Maghraoui. Et d'ajouter : «Ce que je dis est vrai. J'en suis responsable». Nouvelles promesses Larbi Tadlaoui pour sa part dénonce des «accusations diffamatoires». Il nous a fait parvenir la page de garde ainsi qu'une copie des signatures de la convention de 2007, paraphées par les ministres des Finances, de l'Investissement, du Tourisme, ainsi que le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Affaires économiques et générales de l'époque. Pour ce qui est du contenu de la convention, «les textes restent confidentiels entre l'investisseur et le gouvernement», indique M. Tadlaoui. Le promoteur nous a également fait parvenir une copie de l'«avenant prorogatif» de cette convention paraphé le 2 avril 2015 par les actuels ministres de l'Economie, de l'Industrie ainsi que celui du Tourisme. Selon le contenu, le gouvernement accorde un «délai supplémentaire de 24 mois» à la société pour achever son «programme d'investissement». Nous avons tenté en vain de joindre les officiels pour obtenir des explications quant à tout ce qui leur est attribué dans cette affaire. La semaine dernière, il a contacté ses clients à Londres leur promettant que les travaux redémarreraient d'ici fin janvier. «Tout est prêt. Amendis a terminé les infrastructures. Les premières livraison sont prévues pour l'été 2016», indique M. Tadlaoui, optimiste. «C'est vrai qu'il y a beaucoup à faire, reconnait l'entrepreneur. Mais tenons à tout faire pour apaiser nos clients surtout qu'ils attendent depuis longtemps. Mais ces retards sont indépendants de notre volonté», ajoute-t-il. Les clients se tournent vers le roi Ses clients cependant n'y croient pas. «Je crois qu'il a peur qu'on manifeste», estime Mme Panay. «Rien ne nous empêchera de le faire lundi prochain, surenchérit Zakaria Maghraoui. Il y a des clients qui avaient avancé jusqu'à 100 000 livres sterling [soit plus 1 million de dirhams, ndlr], vous vous rendez-compte ? Certains sont morts sans pouvoir profiter de leur bien. Au point où nous en sommes, seul l'intervention du roi peut changer les choses». Le collectif a lancé une pétition dans laquelle ils sollicitent l'intervention du monarque.