Les investissements dans l'éducation au Maroc - autant de l'Etat que des parents - ont explosé ces dernières années. Et pourtant 70% de la population n'est jamais allé au collège, a révélé hier le Haut Commissariat au Plan. La part des adultes (plus de 25 ans) qui ont atteint le collège représentait 14% de la population en 1990 contre 30% en 2013. «Une augmentation assez faible au regard de ce qui s'est passé dans les autres pays comparables au Maroc en termes de développement», estime Abdelkader Teto, ingénieur au HCP, chargé d'élaborer un indice composite du capital humain. Il a présenté hier après-midi, mercredi 3 décembre, au siège du HCP à Rabat, les résultats de ses recherches. Pourtant, entre 1999 et 2013, l'Etat a multiplié par trois ses dépenses dans l'éducation et la formation. Ces investissements ont-ils seulement couvert la croissance naturelle de la population ? Non, car dans le même temps, le budget consacré à l'éducation d'un enfant a été multiplié par 2,4 sous les efforts conjugués de l'Etat et des familles elles-mêmes. En Jordanie, près de 75% des personnes ont dépassé le primaire Beaucoup d'investissements, mais peu d'effets. Le nombre moyen d'années d'études de la population active occupée est de 5 ans en 2013. La très grande majorité des personnes entrant sur le marché du travail a donc seulement un niveau de fin de primaire. Seuls 23% des plus de 15 ans ont atteint le secondaire (collège et lycée) et 9,6% ont poursuivi des études supérieures. «En Jordanie, qui est un pays au niveau de développement comparable au notre, 25% de sa population a un niveau d'études supérieures et 51,9% un niveau d'études secondaires», rapporte Abdelkader Teto. Les investissements de l'Etat ne sont pas parvenus à corriger les inégalités de départ entre les enfants. «11,7% des enfants dont le père n'a jamais été à l'école atteindront l'enseignement secondaire, tandis que 90% des enfants dont le père a lui-même atteint un niveau d'éducation supérieure pourront atteindre le secondaire», révèle l'ingénieur du HCP. La préscolarisation divise également par 3 la déperdition scolaire Pour lutter contre ces inégalités, le HCP insiste, comme le PNUD et bien d'autres institutions internationales, sur la préscolarisation aussi appelée la maternelle. «Les enfants qui sont préscolarisés ont plus de chance d'être scolarisés par la suite que les autres. La préscolarisation divise également par 3 la déperdition scolaire et améliore la réussite scolaire. Un enfant préscolarisé a ainsi une espérance de vie dans le système scolaire de 14 ans, contre moins de 10 ans pour les autres. La préscolarisation fait donc une différence de 5 ans dans le nombre d'années d'études qu'atteindra ensuite un enfant, soit l'équivalent de 50 ans d'investissement dans l'éducation ! », insiste Mohamed Douidich, directeur de l'Observatoire des conditions de vie des ménages au HCP. Au Maroc, la préscolarisation atteint des niveaux corrects par rapport aux pays comparables, mais les inégalités d'accès sont considérables. Le milieu urbain préscolarise trois fois plus ses enfants que le milieu rural. Les ménages pauvres ont un taux de préscolarisation trois fois plus faible que les autres, révèle ainsi le HCP. Le meilleur niveau d'éducation atteint grâce à la préscolarisation est pourtant essentiel, ne serait-ce que pour assurer un meilleur revenu et donc de meilleures conditions de vie aux individus. Des études dans l'enseignement supérieur, si elles s'accompagnent de l'augmentation du taux chômage lorsque les étudiants choisissent les sciences sociales et humaines, assurent toutefois en moyenne un meilleur revenu. La rentabilité d'une année d'études supplémentaire augmente ainsi avec le niveau d'étude. «Ainsi, un an de scolarisation supplémentaire au primaire permet une augmentation de 0,8% du revenu, un an de scolarisation supplémentaire au collège permet une augmentation du revenu de 2,4% et un an de formation dans l'enseignement supérieur en plus augmente le revenu de 11% en moyenne», détaille Abdelkader Teto.