Le 10 octobre, le ministre de l'Education nationale annonçait le retour du français dans l'enseignement de quelques matières scientifiques. Cela avait provoqué l'ire des islamistes et des défenseurs de l'arabe. Le chef du gouvernement semble s'être rangé du coté de ces derniers en suspendant brutalement la décision de Belmokhtar et en le critiquant ouvertement sans ambages. Le chef du gouvernement a publiquement tancé son ministre de l'Education nationale. Profitant de son passage à la Chambre des conseillers diffusé en direct sur Al Aoula, dans l'après-midi du 1er décembre, Benkirane a critiqué sans ménagement la décision de Rachid Belmokhtar d'enseigner des matières scientifiques en langue française lors de la prochaine rentrée scolaire. Le PJDiste a annoncé avoir suspendu la mesure et a envoyé un message d'avertissement très clair à son ministre. S'adressant directement à Rachid Belmokhtar, présent dans l'hémicycle, il lui a demandé d'éviter de toucher aux «dossiers sensibles» et de se consacrer plutôt à «l'organisation et à la gestion quotidienne» de l'enseignement au Maroc. Ce sont ces questions «qui risquent de mettre le feu dans le pays», a ensuite renchéri Benkirane expliquant qu'ils étaient de son ressort exclusif. «C'est pour cette raison que le roi m'a choisi chef du gouvernement et non Belmokhtar même s'il le connaissait avant moi», a-t-il ajouté. Pourquoi cette «violence verbale» ? Depuis que le premier gouvernement Benkirane a été nommé en janvier 2012, jamais le SG du PJD n'avait employé un tel ton avec l'un de ses ministres, du moins publiquement. Même avec Aziz Akhannouch, et malgré le revers de la perte de la tutelle du fonds de développement rural, il a gardé son calme et n'a aucun moment enfreint les règles de la «bienséance gouvernementale». Avec Belmokhtar, le chef du gouvernement vient de franchir un cap. Il faut d'ailleurs rappeler que la relation entre les deux hommes a toujours été froide voire même conflictuelle. Ils appartiennent à des camps complétement opposés : l'un est très conservateur et grand partisan de l'arabe alors que le second est un francophile moderniste. Par ailleurs, le ministre de l'Education a souvent tenu à rappeler que sa nomination à l'occasion du remaniement du 10 octobre 2013 était une volonté de Mohammed VI et non de Benkirane. Elle faisait en effet suite au discours très critique du roi du 20 août 2013 consacré exclusivement aux défaillances de l'enseignement marocain. Tous ces facteurs peuvent expliquer la réaction de Benkirane. Mais les propos tenus par Belmokhtar, la semaine dernière, devant une commission de la Chambre des conseillers sur les décrets concernant les enseignants-stagiaires pourraient avoir été la sortie de trop pour le chef du gouvernement. Le ministre avait confié aux conseillers qu'il n'était pas à l'origine des mesures controversées, renvoyant la balle dans les camps de Benkirane et du ministre des Finances. Le PJDiste a semble-t-il trouvé un moyen de riposter.