La passe d'armes, publique, entre le chef du gouvernement et le ministre de l'Education nationale a été largement commentée. Mais il parait plus utile de poser le débat de fond. C'est celui du rôle de l'école et des missions qu'on lui assigne. Si la constitution prévoit un Conseil supérieur de l'enseignement, c'est dans cet état d'esprit. Celui de faire des grandes orientations de l'école, non pas un objet des débats politiques, des luttes électorales, mais des voix représentatives de l'ensemble de la société, d'où la présence de tous les courants, toutes les sensibilités, y compris les islamistes au sein de ce Conseil. Or, c'est ce Conseil qui a émis une recommandation sur le sujet des langues de l'enseignement, et ce à l'unanimité. L'arabisation fait débat depuis l'indépendance. Elle a été très mal menée, a tiré l'enseignement vers le bas et a été incohérente. Est-il normal d'enseigner les matières scientifiques en arabe au lycée et de les franciser au supérieur alors que les étudiants ne maîtrisent en aucun cas la langue de Molière ? Le Conseil a tenté d'être en cohérence avec les orientations du Royaume. Nous sommes une économie ouverte, qui cherche à attirer les investissements étrangers, dont les entreprises ne fonctionnent qu'avec des langues étrangères, le français, mais aussi l'anglais et l'espagnol. L'arabisation généralisée est un vrai handicap pour les élèves de l'école publique, à la fois pour l'accès aux formations de haut niveau et pour l'emploi. Il ne s'agit là nullement de questions identitaires, mais de faits, de stratégies de développement visant une plus grande intégration à l'économie mondiale globalisée. Sur le plan politique, ce qui s'est passé devant la représentation nationale est un anachronisme honteux. Le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, devant les élus, veut, une nouvelle fois et de manière ostentatoire, instiller l'idée de l'existence d'une main invisible qui l'empêcherait d'exercer ses prérogatives. Ce qui est une vue d'esprit par rapport à la constitution. Par ailleurs, Rachid Belmokhtar aurait dû défendre son projet et non pas faire cavalier seul, comme il a procédé. Par dignité, il aurait dû répondre, séance tenante, à son chef de gouvernement et déposer sa démission, parce que Benkirane n'a respecté aucune règle de bienséance. Mais l'aspect politique, sur cette question, n'a qu'une importance subalterne. Abdelikah Benkirane lui-même reconnaît que l'échec de l'école politique est total au point qu'il a appelé au retrait de l'Etat, et à la privatisation de ce qui devrait être le creuset de l'intégration sociale, de l'égalité des chances et de la transmission des valeurs fondatrices de la Nation, selon le triptyque consensuel du développement, de la démocratie, du respect du patrimoine. Ce blocage signifie d'abord que nous n'avons pas réussi collectivement à faire de l'enseignement un enjeu sociétal. Alors que nous sommes unanimes à faire le même constat. L'argent dépensé pour l'école, l'est en pure perte, parce que des enjeux politiciens la tiennent en otage.