L'ATMF parle d'un «coup de poignard des autorités marocaines dans le dos des vieux migrants», et elle n'a pas tort. En fournissant des dates d'entrée et de sortie de retraités marocains au Maroc, la police des frontière du Royaume aide la CAF à fragiliser ces chibanis. Depuis décembre 2009, ils ne percevaient plus leurs aides personnalisées au logement (APL), et ce n'est qu'en avril 2010 que sur intervention d'un avocat, la Caisse d'Allocations Familiales de Perpignan informait certains d'entre eux de leur situation. L'information qui leur a été donnée, c'est qu'ils ne passaient pas suffisamment de temps en France pour pouvoir bénéficier de l'APL. De plus, certains ont été sommés de rembourser les «indus» perçus durant les 3 dernières années. Deux procès ont été entamés par la suite, tout comme une procédure auprès de la CAF. Cette dernière a consenti, en novembre 2010, a reprendre les paiements de trois retraités. Mais la chose surprenante dans ce dossier reste que la CAF était au courant des déplacements des retraités. Vérifier les passeports : une pratique discriminatoire, selon la HALDE La CAF ne dispose d'aucun moyen propre d'obtenir des informations sur les entrées ou sorties du territoire des bénéficiaires de l'APL. Mais pour se renseigner, la CAF (et d'autres caisses) demandaient dans un premier temps aux retraités de montrer leurs passeports. Ainsi, elle pouvait vérifier les tampons et les dates d'entrée et de sortie des personnes concernées. Mais cette pratique a été jugée discriminatoire par la Haute autorité de lutte contre la discrimination et pour l'égalité (HALDE). Dans un avis rendu en avril 2009, la HALDE estime que cette procédure visait uniquement les vieux migrants et ne devait pour cela plus être appliquée. La police marocaine vient à l'aide de la CAF Toutefois, ce n'était pas le dernier moyen de la CAF pour surveiller les bénéficiaires de l'APL. Jeudi 9 décembre, la CAF de Perpignan a surpris les défenseurs de retraités marocains. Dans le procès entamé devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) à son encontre, elle a présenté au juge des documents de la police aux frontières marocaine, détaillant avec précision les entrées et sorties des retraités marocains sur le territoire marocain. L'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) a obtenu une copie d'un tel document (voir photo). Entre juillet 2005 et février 2010, on y retrouve tous les passages frontières de la personne. Alors que la défense se basait sur le fait que la CAF n'avait aucun moyen légal de connaître la durée de résidence exacte de ces personnes dans leurs logements à Perpignan, ces documents viennent poser une nouvelle menace sur les retraités marocains. En plus de ne plus recevoir d'APL, d'être sous la menace de devoir rembourser 3 ans d'APL, les retraités marocains risquent d'être attaqués pour escroquerie, ce qui peut leur valoir la prison. Les retraités marocains, pire que des narcotrafiquants ? L'ATMF ne se prive pas de critiquer cette collaboration inhabituelle. L'association «dénonce cet excès de zèle de la part des autorités marocaines qui participent à la criminalisation des vieux migrants et à la chasse aux pauvres.» Qu'il y ait une collaboration pour arrêter des narcotrafiquants, des terroristes, ou à la rigueur des immigrés clandestins, cela se comprend. Mais quel intérêt la police marocaine peut-elle avoir à transmettre ces informations et à donner ce coup de poignard dans le dos des retraités marocains ? L'avocat des retraités se demande surtout, par quels moyens la CAF a pu avoir ces documents, par quels services ils ont transité. A noter que ces documents ne comportent aucune signature, pas de tampon ni de cachet... Au delà de cette question, l'affaire illustre l'urgence de réformer la législation en vigueur. Elle doit être rendue plus souple et respectueuse envers ces retraités, un objectif qui ne serait pas si difficile à atteindre.