La Cour d'appel de Casablanca abritera deux audiences décisives cette semaine dans le cadre des affaires Thuillier et Brissot. Mais, le sort d'un citoyen «innocent» selon ses avocats, face au cerveau d'un réseau organisé de spoliations immobilières suscite l'inquiétude. Un collectif qui suit de près ces affaires fait appel au roi Mohammed VI. La journée de mercredi 24 juin va être source de beaucoup d'angoisse pour Zoubir Sefri. Cet instituteur d'éducation physique va comparaitre devant la Cour d'appel après une condamnation à 30 ans de prison en première instance pour le meurtre de Christian Thuillier - lequel a coïncidé avec la spoliation de la villa à Casablanca- risque de rester derrière les barreaux au cours des trois prochaines décennies. Durant la même audience comparaitra également Mustapha Him. Ce cerveau du réseau, déjà au pénal pour la spoliation de la villa de Thuillier, devra répondre devant les juges, car soupçonné d'être impliqué dans le meurtre. «A qui profite le crime ?» Dans cette affaire, Zoubir Sefri a toujours clamé son innocence. Rappelons qu'il avait fait la connaissance du Français sur internet, alors que celui-ci cherchait un professeur de sport pour du coaching à domicile. Homosexuel, Christian Thuillier avait fait des avances à M. Sefri que ce dernier avait repoussé en prenant la fuite. Mais après cela, le Français a été retrouvé mort dans sa villa. Aussitôt une certaine Emilie Sakellaris s'est accaparée de la maison, faisant valoir à la police que le propriétaire lui en avait fait don de son vivant. Elle l'a ensuite vendu à Mustapha Him à un prix dévalué. L'action en justice de la famille pour le meurtre et la spoliation de la villa à donner lieu à l'arrestation de M. Him, nouveau détenteur, ainsi qu'à celle de Zoubir Sefri accusé du crime. Pendant l'évolution du dossier cependant, même la famille du défunt a commencé à douter de la culpabilité du l'instituteur. Et là-dessus, la société civile garde le même ton qu'il y a quelques mois. «Comment accepter qu'un enseignant qui n'a aucun antécédent, deux enfants, puisse être l'assassin ? C'est inadmissible», estime Mohamed Moutazaki, à la tête du collectif de lutte contre les spoliations immobilières qui suit cette affaire. «A qui profite le crime ?» s'interroge-t-il dans un entretien avec Yabiladi. Des «choses inacceptables» en première instance Même son de cloche chez son avocat, Me Abou Al Hassan qui ne cesse de proclamer l'innocence de son client. «J'y crois formellement aussi», appuie Me Leghlimi Messaoud qui, dans ce dossier, défend la famille de Christian Thuillier. D'après ses déclarations à Yabiladi, les faits tels que décrits par Zoubir Sefri «ne prouvent pas qu'il est l'auteur du crime, comme soutenu par la justice en première instance. «Sur les lieux, la police a trouvé tous les objets de valeur du défunt, y compris son argent ainsi que son passeport. M. Sefri l'aurait donc tué pour quelle raison ? ça ne tient pas», argue-t-il. Et ce qui dérange encore Me Leghlimi, c'est que son collègue n'a pas vraiment eu l'occasion de défendre correctement son client en première instance. «On ne lui laissait pas le temps de plaider pour prouver que M. Sefri est innocent. Tous les gens qui étaient présents étaient étonnés. On le gênait, on le stoppait à tout bout de champ, il y avait des choses inacceptables à la Cour», se désole cet avocat qui s'occupe de plusieurs affaires de spoliations immobilières dont l'affaire Brissot qui sera également traitée à la Cour d'appel mercredi prochain. A noter que Mustapha Hlim y est aussi impliqué, ainsi que d'autres personnes liées aux affaires de spoliations : Belkacem Laghdaich et Lofti Benzakour. Appel au roi Actuellement, le sort de Zoubir Sefri inquiète. Ses avocats espèrent que le traitement de l'affaire en appel «devant de nouveaux juges» lui donnera la chance de s'en sortir. Surtout que marié et père de trois enfants, sa famille est anéantie par cette histoire. «J'ai vu sa femme et ses enfants, vraiment c'est tragique. Ces barons de la mafia ont démoli la vie d'une centaine de familles à Casablanca. Et il y a une implication des juges et avocats qui sont à leur service», déclare Mohamed Moutazaki. Dans une vidéo publiée sur Youtube, il lance un appel au roi Mohammed VI pour l'ouverture d'une «enquête approfondie». «Si on lui confirme les 30 ans, c'est fini», s'inquiète-t-il.