L'injustice fiscale au Maroc est une réalité souvent occulté. Une tribune d'un haut fonctionnaire du ministère marocain des Finances publiée sur le site français Les Echos l'a remis en lumière. Salariés et consommateurs moyens étant toujours les premières victimes du système fiscal marocain, l'économiste Najib Akesbi alerte sur l'urgence. Explications. «La pression fiscale au Maroc : étreinte, coercition et écran de fumée !». Ainsi s'intitule la tribune de Mustapha Maghriti, inspecteur divisionnaire en chef au ministère des Finances, publiée ce lundi sur le site français Les Echos. Rappelant que cette pression fiscale oscille autour de 23% du PIB depuis une décennie, le haut fonctionnaire évoque de manière détaillée cette réalité qui pèse principalement sur le consommateur et le salarié marocains. Il est vrai qu'en 2015 le Maroc a gagné douze places dans le classement réalisé par la Banque mondiale et PricewaterhouseCoopers (PwC) sur la lourdeur fiscale dans le monde, bondissant au 66ème rang, alors qu'il était 78ème en 2014. Mais la réalité reste tout de même interpellative, car son taux d'imposition total est de 49,3%, si on inclut les cotisations sociales (soit 22,7%). M. Maghriti revenant sur ce rapport, cite également un mémorandum de la Banque mondiale datant de 2006 qui présentait le Maroc comme l'un des pays ayant l'Impôt sur le revenu (IR) le plus élevé au monde, au-dessus du taux correspondant au revenu par habitant. A noter que ¾ des recettes de l'IR au royaume sont uniquement générées par les revenus salariaux, le reste regroupant l'imppôt sur les revenus professionnels, immobiliers, fonciers, alors que l'agriculture reste exonérée. D'après le haut fonctionnaire, un allégement de cette pression fiscale sur le salarié et le consommateur s'avère primordiale. Une fiscalité sur les épaules de la classe moyenne Cependant, force est de constater que ce n'est pas n'importe quel salarié ou consommateur qui subit cette pression fiscale, mais principalement celui issu de la classe moyenne, laquelle regroupe 53% de la population selon les statistiques de 2013. «Le système fiscal repose à 60% sur des impôts indirects (taxe, TVA, …) et leur caractéristique commune est qu'elles sont aveugles. Elles sont cachées dans les prix, du coup, que vous soyez pauvres ou riches, vous payez le même montant», explique l'économiste Najib Akesbi dans un entretien avec Yabiladi. Ce fait met en évidence l'injustice à laquelle est sujette une frange de la population seulement. Idem pour l'IR. «C'est le salarié moyen qui paye le plus d'impôt au Maroc», insiste l'économiste qui refuse de considérer comme victimes l'ensemble des salariés. En effet, le taux maximum de l'IR appliqué sur la tranche du salaire annuel supérieure à 180 000 dirhams est de 38%. «Ce n'est absolument rien», clame-t-il. Par ailleurs, ce déséquilibre n'épargne pas l'impôt sur les sociétés (IS). «L'injustice est également marquée à ce niveau, puisque 2% des sociétés payent 80% d'impôt et 67% des sociétés déclarent des déficits depuis 10 ans», remarque M. Akesbi. D'après lui, cette réalité est une preuve de l'ampleur de la fraude et de l'évasion fiscale au Maroc. «Cela veut dire qu'on a une structure où trop de gens peuvent passer outre la loi en toute impunité», souligne-t-il. Hauts revenus et fortunes, toujours à l'aise D'après l'économiste marocain, le recours de plus en plus fréquent de l'Etat à l'endettement à l'international est une résultante de l'inefficacité du système fiscal, profitant aux plus riches. Najib Akesbi l'a déjà dit à plusieurs reprises et il le répète : «les recettes fiscales n'arrivent pas à combler les dépenses de l'Etat, tout simplement parce que les hauts revenus restent soumis à de faibles taux d'impôt». Il regrette également que les fortunes soient «presque défiscalisées», alors que l'Etat puise chez ceux qui n'en ont pas assez. A fin décembre 2014, les recettes fiscales se sont établies à 177,4 milliards de dirhams contre 180,1 milliards prévues dans la loi de Finances, soit un écart négatif de plus de 2 milliards. Et tout comme les années précédentes, ces entrées n'ont pas pu couvrir les dépenses de l'Etat. En 2015, rebelote bien sûr. «Dans le budget de cette année, seules 58% des recettes fiscales couvrent les dépenses de l'Etat. Admettons qu'on arrive à monter jusqu'à 60% dans les réalisations, il restera un trou béant de 40% qui ne pourra être comblé que par l'endettement», explique l'économiste. «Le Maroc est en plein dans ce cirque malheureusement», ajoute-t-il rappelant ce qu'il a toujours dit : «En jouant les bons élèves du Fonds Monétaire International, l'Etat marocain a perdu sa souveraineté». Aujourd'hui d'ailleurs, de nombreuses voix s'élèvent pour dire que Rabat doit récupérer cette souveraineté. Nécessité d'un impôt sur la fortune Pour le bien du salarié et consommateur marocain moyen, il est impératif - selon Najib Akesbi - que l'Etat procède à un meilleur équilibrage des impôts. L'économiste propose également de repenser le barème d'imposition de l'IR en adoptant la progressivité fiscale pour les hauts revenus, comme c'est le cas dans plusieurs économies du monde ces dernières années. De plus, il appelle à la révision de l'assiette de l'IS et l'instauration d'un impôt sur les grandes fortunes et les successions. «On n'en a pas au Maroc, ce n'est pas normal», dénonce-t-il. L'amendement pour la création d'un impôt sur la fortune avait pourtant été adopté en mai 2012 par le Commission des finances de la Chambre des conseillers. Mais alors que certains économistes applaudissaient déjà l'initiative, il avait finalement été annulé. La même année, le gouvernement avait préféré instaurer, de manière temporaire, une taxe de solidarité sur les hauts revenus. Le ministre de l'Economie et des Finances Mohamed Boussaid a confirmé que cette taxe prenda fin en 2015.