L'Espagne va permettre aux descendants des juifs séfarades ibériques de bénéficier de la naturalisation. Le nouveau ministre de la Justice, Rafael Catala, prépare en effet un projet de loi pour mettre en application cette décision. Mais si le gouvernement Rajoy entend accorder cette faveur aux juifs séfarades, il oublie les Marocains d'origine andalouse (Morisques), qui ont aussi des liens historiques avec l'Espagne. Le journaliste d'El Mundo, Ignacio Cembrero, livre les raisons sur son blog. Comme annoncé il y a plusieurs mois, les descendants des juifs séfarades expulsés d'Espagne et du Portugal en 1492 pourront postuler à la nationalité espagnole. Le ministre de la Justice, Rafael Catala, a annoncé, lors de sa dernière apparition à la Chambre des représentants, un projet de loi permettant aux juifs séfarades, dont certains vivent aujourd'hui en Israël, aux Etats-Unis, en Amérique Latine, en Turquie ou encore dans les Balkans, d'obtenir la nationalité espagnole. Catala a expliqué que l'Espagne veut renouer avec son passé et ses liens historiques. Pour obtenir la naturalisation, les postulants devront "prouver leur statut de descendants de séfarades d'Espagne" et "démontrer aussi un lien particulier avec l'Espagne", selon le ministre, cité par Ignacio Cembrero dans son blog. Les descendants de séfarades devront justifier leur statut devant un "notaire" et passer un "test de langue dans un institut Cervantès" s'ils ne résident pas dans un pays dont la langue officielle est l'Espagnol. Une politique à deux vitesses Mais si l'Espagne reconnait aujourd'hui le "droit" à la nationalité des séfarades sans vouloir en faire bénéficier les Marocains d'origine andalouse, cette décision passe mal chez certains partis politiques. Ces derniers ont pointé du doigt cette politique à deux vitesses, demandant à ce que le projet de loi soit amendé pour inclure "les Sahraouis, les petits enfants d'Espagnols qui ne sont pas en Espagne ainsi que les Morisques". Selon Cembrero, ils ont également mentionné les habitants de Sidi Ifni, ville dont l'Espagne s'est retirée en 1969, avant d'y renoncer. Environ au nombre de 300.000, les morisques avaient été expulsés d'Espagne un siècle après les juifs. Leurs descendants vivent aujourd'hui principalement au Maroc avec des noms tels que Bargach, Piro, Molato, Sordo, Moulin…. Cembrero dénonce ainsi une politique "sournoise" des Affaires étrangères, qui prétend que les morisques ont perdu les liens culturels et linguistiques avec l'Espagne. Pour lui, ces liens demeurent encore. Et même si la grande majorité de ces musulmans ne parle pas espagnol, des centaines de familles de Fès, Rabat ou Tanger conservent toujours les traditions musicales, culinaires et architecturales espagnoles. En outre, estime-t-il, la proximité géographique avec l'Espagne, fait qu'ils connaissent mieux le pays de leurs ancêtres que les séfarades d'Istanbul ou de Los Angeles. Réparer le vote favorable à la création un Etat palestinien? Le journaliste révèle qu'au-delà du prétexte de l'absence de liens avec l'Espagne, il y a d'autres raisons qui ont poussé les ministères de la Justice et des Affaires étrangères à "prendre parti" pour les séfarades. Citant un député de Madrid de la Gauche Unie, Gaspar Llamazares, Cembrero souligne que l'Espagne agit ainsi afin de "compenser son vote favorable à la reconnaissance de la Palestine aux Nations Unies". Autre raison avancée, le gouvernement ibérique veut attirer quelques séfarades qui pourraient investir dans le pays afin de donner un nouveau souffle à son économie, ce que n'offrent pas forcément les descendants morisques. Pour sa part, le Marocain Bayib Loubaris, président de l'Association La Mémoire des Andalous, avait déclaré à EFE que le gouvernement espagnol doit "reconnaître le même droit pour le reste des expulsés" et pas seulement pour les juifs séfarades. "Sinon, la décision serait sélective si elle n'est pas raciste".