La jeunesse des camps de Tindouf est désespérée et le statu quo profite au Maroc et non au Polisario, constate M'Hamed Khaddad, le coordinateur du Polisario avec la Minurso. C'est ce que révèle, entre autre, un nouveau document marocain confidentiel publié sur Twitter. Mais surtout, la publication vise essentiellement à discréditer des relais du Maroc au sein d'organisme de l'ONU. Son timing n'est pas fortuit, elle intervient juste après celle qui a visé, Anders Kompass, directeur des opérations sur le terrain au Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme. Un autre document confidentiel du ministère des Affaires étrangères, datant du 31 août dernier, a été récemment publié sur Twitter par un certain "Chris Coleman". Il concerne une lettre de Omar Hilale, à l'époque représentant permanent du royaume aux Nations-Unies à Genève, adressée à son ministre de tutelle. Elle concerne une rencontre, un déjeuner de travail à Genève, entre le diplomate marocain et Athar Sultan Khan, le chef du cabinet du directeur du Haut-commissariat aux réfugiés, un homme que le même Hilale n'hésitait pas à qualifier, dans une correspondance datant du 1er mai 2012, qu'il «a d'énormes gages de sympathie à l'égard du Maroc et une profonde compréhension de la complexité de l'affaire du Sahara». Les discussions ont porté essentiellement sur la question du Sahara occidental. Le statu quo profite au Maroc Selon la même source, le chef de cabinet d'Antonio Gutteres a détaillé à Hilale une réunion qu'il a tenue, récemment, avec M'Hamed Khaddad, le coordinateur du Polisario avec la Minurso, en déplacement en Europe. Ce dernier a confié à Athar Khan que «la situation de crises politiques et de guerre en Afrique du Nord et dans la région sahélo-saharienne, couplée avec les incertitudes politiques en Algérie, préoccupent profondément les responsables du Polisario», ajoutant que «la stagnation du processus de négociation politique alimente le désespoir chez les jeunes dans les camps». Des observations déjà exprimées par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, dans ses rapports de 2012 et 2013 sur le Sahara. Khaddad, d'origine mauritanienne, et très proche des services algériens de renseignements, a confié à son interlocuteur du HCR que «le statu quo actuel est à l'avantage du Maroc et que Ross mène une mission impossible. Pire, il est devenu un problème pour le processus. Le Polisario a des doutes sur ses chances de faire avancer les négociations». Athar Khan a soulevé, écrit Hilale, que c'est «la première fois» que Khaddad adopte «un langage plus réaliste» et de soutenir que le polisarien s'est «métamorphosé en négociateur pragmatique et capable de voir la situation avec lucidité et courage». Khaddad serait-il prêt à accepter un plan Baker II modifié ? Le chef de cabinet du directeur du HCR a déduit de la nouvelle position du Khaddad qu'il «serait suffisamment mûr pour accepter le Plan Baker II, sans sa période transitoire, ni l'option de l'indépendance», écrit Hilale à son ministre des Affaires étrangères marocain. Le Plan Baker, proposé en janvier 2003 par l'ancien envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, prévoyait l'organisation d'un référendum visant à déterminer le statut définitif du Sahara occidental au plus tôt quatre ans et au plus tard cinq ans après la date d'entrée en vigueur du plan. Le Maroc avait rejeté la proposition du médiateur américain. En revanche le Polisario et l'Algérie avaient, dans un premier temps, adopté la même position avant de se raviser et l'accepter. Par ailleurs, la déduction d'Athar Khan est un peu hâtive. La marge de manœuvre des cadres du Polisario sur le processus des négociations est très limitée par rapport à la grande influence de l'Algérie. Sachant qu'en agissant de la sorte, M'Hamed Khaddad s'exposerait à de lourdes sanctions, ou pire encore, un sort similaire à celui réservé à Mhafoud Ali Beiba, décédé en juillet 2010, dans des conditions non-encore élucidées, alors qu'il projetait de rallier le Maroc.