La particularité d'une telenovela mexicaine, c'est que si on ne prend pas l'histoire depuis le début, on n'y comprend rien. Alors pour toutes celles et ceux qui n'ont pas suivi le feuilleton du «bordel mexicain» de notre ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi, je vous préviens tout de suite que vous ne comprendrez rien à ce qui suit. Les histoires sentimentales entre Guadalupe et Alfredo ont dû traumatiser Mustapha El Khalfi. Notre ministre de la Communication ne veut pas que le Maroc devienne «un bordel du Mexique» ou «un bordel au Mexique», selon les versions. Nos chaines télévisées nationales seraient-elles devenues des concurrentes des chaînes pornographiques à péage telles que Dorcel TV ou XXL ? Notre gouvernement a-t-il reçu des plaintes de téléspectateurs émoustillés par le fil blanc de Nassima El Horr ou le regard coquin de Ouadih Dada ? Al Aoula érotique ? Comment peut-on accuser des chaînes télés aussi frigides que Bardot, d'incitation au «bordel» ? On est tout de même l'un des rare pays où lorsqu'on diffuse le célèbre film Basic Instinct avec Sharon Stone, il passe automatiquement au format court métrage. Rassurons notre ministre de la Communication, les télés marocaines sont souvent rasoir, pathétiques ou même comiques sans le vouloir, mais pas vraiment érotiques et encore moins pornographiques. Les feuilletons mexicains ou turcs ou même les téléfilms marocains racontant des histoires sentimentales sont des fictions au même titre que les films d'action ou les drames. Le téléspectateur marocain a la capacité intellectuelle pour faire la part des choses et si ce n'est pas le cas, la responsabilité est à chercher au niveau de notre système éducatif défaillant. Pourquoi avoir du ressentiment à l'égard d'un feuilleton sentimental alors que la vie politique de notre pays est devenu une longue et frustrante telenovela. Les histoires amour-haine entre Benkirane, Mezzouar, Chabat, Louafa, et un nombre incalculable de personnages secondaires n'ont rien à envier aux rebondissements de l'histoire de Guadalupe et Rodrigo. Vers un savon diplomatique ? Le souci c'est que cette déclaration du ministre de la Communication s'est faite en plein parlement et avec retransmission en direct sur une des chaines du PAM (paysage audiovisuel marocain qui ressemble lui aussi à un vieux tracteur). La guéguerre entre les directeurs des chaines publiques et le ministre de tutelle, prend ainsi une dimension extranationale avec la mise en cause du Mexique. ¡Ay, caramba! Voilà que d'une telenovela mexicaine, on se retrouve à toucher à l'image d'un pays. Un peu comme l'ancien ambassadeur de France auprès des Nations Unies qui avaient comparé –en off- le Maroc «à une maitresse» et qui a ainsi perdu son poste après avoir été balancé par l'acteur espagnol Javier Bardem. On peut donc tout à fait s'attendre à une réplique diplomatique du Mexique. On serait un peu dans l'histoire de l'arroseur arrosé, un vaudeville bien marocain pour le coup. Mais on peut comprendre qu'un anglophile comme Mustapha El Khalfi n'ait pas beaucoup d'atomes crochus avec la culture hispanophone. Pourtant, il y a un parallèle à faire entre la telenovela mexicaine est son jumeau américain appelé soap opera. Le terme un peu barbare (roman-savon au Québec) désigne un feuilleton sentimental qui à son origine avait la particularité d'être sponsorisé par des fabricants de savons ou de produits d'hygiène. Et justement, à vouloir trop nettoyer nos chaînes télés, le ministre vient de glisser sur le savon. Zdeg ! … A suivre !