Après le Mali, la Tunisie est devenue le nouveau terrain où le Maroc et l'Algérie se livrent concurrence. Même si le royaume n'a pas les moyens financiers de son grand rival régional, il a certaines cartes à jouer. Explications. Le roi Mohammed VI se rendra, le jeudi 29 mai, en Tunisie pour une visite de trois jours. C'est le premier voyage qu'il effectue dans ce pays depuis la chute du régime Ben Ali, le 14 janvier 2011. Un déplacement qui intervient juste trois semaines après celui, début mai, du premier ministre Mehdi Jomaâ dans la capitale algérienne. Lors de cette rencontre, le pouvoir algérien s'était montré "généreux" avec le pays de la révolution de jasmin, et ce, en lui accordant un prêt de 100 millions de dollars, un dépôt de 100 millions de dollars de la Banque d'Algérie auprès de la Banque centrale de Tunisie et enfin un don de 50 Millions $. Le Maroc bénéficie du soutien du président Marzouki Les ressources financières de l'Etat marocain ne lui permettent pas de jouer sur le même terrain. Toutefois, le royaume n'est pas dépourvu de cordes à son arc à même de lui permettre de livrer concurrence à son grand adversaire régional. En effet, Rabat bénéficie jusqu'à présent de l'appui de Moncef Marzouki. Le président tunisien demeure un grand fervent de la construction maghrébine et du retour du Maroc au sein de l'Union africaine, une position qu'il avait d'ailleurs exprimée lors du sommet de l'UA en 2011. Si Marzouki joue la carte du Maroc, c'est surtout pour éviter que son pays ne tombe définitivement dans le giron algérien. Il souhaite pour cela instaurer un équilibre entre les deux grands du Maghreb. Ce qui n'est pas le cas par contre, pour ses rivaux politiques : le chef du parti islamiste Annahda, Rached Ghannouchi et le président de la formation Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, ont un faible pour Alger. D'ailleurs, les deux hommes avait rendu visite à Abdelaziz Bouteflika, respectivement les 10 et 11 septembre 2013. Mais malgré la générosité algérienne, le don de 50 millions de dollars et un dépôt de 100 M$ restent insuffisants face à la crise financière qui frappe la Tunisie depuis trois ans. Le gouvernement Jomaâ a grandement besoin des pétro-dollars des monarchies du Golfe pour assurer une relance de l'économie locale. Rabat tente de rapprocher Tunis et Ryad D'ailleurs, trois mois après sa nomination pour former son cabinet, Mehdi Jomaâ effectuait une tournée aux Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite, Qatar, Bahreïn, Sultanat d'Oman et au Koweït. Un geste de bonne volonté destiné essentiellement à rassurer Ryad. Les relations avec le royaume wahhabite ne sont pas encore remises des conséquences de l'octroi de l'asile politique à Ben Ali et de la proximité politique du parti Annahda avec le Qatar. Aujourd'hui, Tunis est consciente de la nécessité de tourner la page. Est-ce le cas pour les Saoudiens ? Rien n'est moins sûr. Les aides des monarchies du Golfe à la Tunisie se font encore attendre. Les Tunisiens espèrent au moins bénéficier d'une attention particulière comme celles accordées au Maroc et à l'Egypte. Sur ce point le royaume, fort de ses liens privilégiés avec l'Arabie saoudite et les Emirats, a une occasion idéale de jouer les bons offices entre la Tunisie et ces deux pays grands bailleurs de fonds, et tourner enfin la page des tensions.