C'est une visite qui revêt plusieurs symboliques. Au-delà de l'importance économique qu'elle affiche, la visite de trois jours (du 30 mai au 1er juin) de Sa Majesté le Roi Mohammed VI en Tunisie est aussi politique et hautement stratégique. En effet, à l'invitation du président de la République tunisienne Moncef Marzouki, cette rencontre au sommet entre Rabat et Tunis survient à un moment où les deux pays sont conscients de l'urgence de passer à un type de partenariat économique et politique plus diversifié et plus solide. Cela passe d'abord par la signature de nouvelles conventions de coopération bilatérale. Il faut dire qu'au vu du potentiel d'affaires entre les deux pays, les échanges commerciaux restent en deçà de ce qui devrait lier Rabat et Tunis. Il faut aussi préciser que le Maroc, qui réalise une grande percée en Afrique subsaharienne, par le biais d'accords solides avec des pays comme le Sénégal, le Mali, le Gabon et le Burkina Faso, entre autres, n'est que le troisième partenaire économique de la Tunisie. Toujours derrière l'Algérie et la Libye, le Maroc compte changer son fusil d'épaule. Sa Majesté le Roi, dans le cadre de sa vision stratégique pour le leadership marocain au continent africain, a consolidé les assises de la présence marocaine en Afrique subsaharienne et s'est engagé dans une nouvelle phase qui vise les pays africains anglophones et là, revient à un projet crucial pour le Maroc, à savoir la construction d'un Maghreb solide autour de l'axe Rabat-Tunis, puisque les alliances économiques et politiques avec Alger butent sur les positions hostiles de l'Algérie. Pour arriver à reconstruire le Maghreb Arabe, le Maroc doit faire évoluer ses volumes d'échanges avec la Tunisie, qui ne sont aujourd'hui que d'environ 500 millions de dinars (MD). Ce sont là des chiffres qui peuvent être multipliés par dix. Surtout que la Tunisie a plié la page de Zine El Abidine Ben Ali. C'est aujourd'hui un pays en pleine transition démocratique, qui se reconstruit une santé économique. Il a donc besoin de l'expertise du Maroc, qui affiche l'un des taux de croissance les plus stables dans tout le continent. Quand on sait que le nombre d'entreprises marocaines ou à participation marocaine installées en Tunisie ne s'élève qu'à environ 22 entreprises, on saisit tout le travail qui reste à faire pour le patronat marocain dans sa conquête diversifiée de la région. Cela transparaît aussi dans les secteurs d'activités entre les deux pays. Industries agroalimentaires, électrique, textile et habillement, cuir et chaussures, télécommunications et services agroalimentaires. Mais il reste d'autres domaines où le Maroc peut faire beaucoup plus. La banque, les finances et le bâtiment demeurent les secteurs clefs pour une meilleure pénétration d'un marché en friche, demandeur d'investissements et créateur d'offres à saisir. Dans l'optique de la reconstruction du Maghreb Arabe, la Tunisie offre le meilleur cadre de collaboration pour le Maroc. C'est une évidence. L'Algérie, quant à elle, fait cavalier seul et contrecarre toutes les initiatives marocaines. Ensuite, la Libye traverse la pire crise politique de son histoire. Quant à la Mauritanie, le Maroc s'active pour dissiper les malentendus et faire réchauffer les relations avec un voisin du Sud qui est une porte d'entrée pour Rabat vers un marché très demandeur. Dans cet esprit, la vision de Sa Majesté le Roi ne souffre d'aucune ombre. Le Maghreb et l'Afrique sont l'avenir du Maroc. Le Royaume fructifie, certes, ses relations avec l'Union européenne et les USA, mais une approche multidimensionnelle qui place d'ores et déjà Rabat comme leader régional offrant à ses partenaires africains du concret et un développement à moyen et long termes sans faille, est un atout de la stratégie marocaine de développement régional. Avec cette visite, Sa Majesté le Roi rend concret son engagement pour aider la Tunisie. On s'en souvient, à l'occasion de la visite du chef de gouvernement, Mehdi Jomaa, au Maroc les 12 et 13 février 2014, le Souverain avait insisté sur «la détermination de son pays à soutenir le peuple tunisien à prendre part aux différents domaines et à impulser la coopération économique et commerciale entre les deux pays frères». C'est donc un nouveau chapitre qui s'ouvre entre Rabat et Tunis, nourri de la volonté du Maroc de saisir toutes les opportunités de développement dans un Maghreb à la traîne mais au potentiel énorme.
Forum économique Maroc-Tunisie Le Forum économique tuniso- marocain s'est tenu, jeudi 29 mai 2014, à Tunis. Pas moins de 100 hommes d'affaires marocains ont fait le déplacement en Tunisie pour booster les échanges entre Rabat et Tunis. Ils ont rencontré autant d'investisseurs tunisiens et des responsables gouvernementaux des deux pays, qui veulent faire de cette rencontre au sommet entre les deux pays, à travers la visite d'Etat de Sa Majesté le Roi en Tunisie, une véritable réussite à la fois économique et politique. Ce forum est organisé par l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA) et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Cette rencontre s'est tenue sous le thème «Des synergies à bâtir au service de la croissance et l'emploi». Elle comprend trois axes majeurs liés au développement de l'échange commercial, les incitations à l'investissement, sans oublier le renforcement de la complémentarité bilatérale. Dans ce sens, le premier vice-président de l'UTICA, Hichem Elloumi, a précisé que la Tunisie et le Maroc sont déterminés à renforcer les échanges commerciaux pour atteindre, au cours des prochaines années, 800 millions de dinars.
Le Maroc et la reconstruction du Maghreb La naissance de ce rêve régional qu'est l'Union du Maghreb Arabe en 1989, sous l'initiative de Feu SM le Roi Hassan II, aurait pu amorcer, il y a déjà plus d'un quart de siècle, une autre vision de la politique et de l'économie entre Rabat, Alger, Tunis, Tripoli et Nouakchott. Mais l'obstination algérienne à faire du conflit du Sahara l'incarnation du blocage régional a précipité ce rêve dans un statu quo stérile. Aujourd'hui, Sa Majesté le Roi Mohammed VI reprend cette idée historique pour redonner un nouveau souffle à un projet de développement régional de grande envergure. Que l'on ne s'y trompe pas, le Maghreb est une zone économique de grande importance pour la Méditerranée. Elle est la zone tampon entre l'Union européenne et l'Afrique, mais aussi une porte vers les pays du Golfe et le Moyen-Orient et un hub vers les Amériques. Le Maroc a pris la pleine mesure d'une telle situation géographique et compte bien passer à la vitesse supérieure, faisant l'impasse sur les positions d'Alger. Aucun attentisme dans l'attitude marocaine, mais une offensive diplomatique, politique, accoudée à une véritable offre économique pour faire de cet espace maghrébin une grande zone d'influence régionale, dans un partenariat Sud-Sud, initié par SM le Roi Mohammed VI.