Hicham Alaoui pronostiquait une révolution du cumin au Maroc. «Lawah Zaâtar !» dirons les nombreux journalistes qui ont enfin pu repérer leur colonne vertébrale. Nous assistons depuis quelques semaines à une révolution de l'encre. Armés de leurs stylos BIC, des journalistes plus divers que variés, ont décidé dans un mouvement massif de ne plus se contenter de la réécriture de communiqués de presse. «Aujourd'hui, le Maroc va changer, en commençant par sa presse, un virage à 360°» ont-ils déclaré. Ayant fait le tour d'eux-mêmes, ils ont décidé de s'attaquer au plus grand des tabous du journaliste chérifien : la famille royale. «Gloups !», s'est écrié l'estomac, troué par des années d'alcoolisme, d'un journaliste connu pour être fort qu'avec les faibles. Mais celui qui avait le plus grand stylo BIC ne se laissa pas démonter et repris à son compte une citation du Cid de Corneille, lue sur Wikipedia : «A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire !» A coups d'articles signés ou non, plusieurs médias, tels des taureaux, se sont donc lancés dans une violente charge contre un prince qui agitait son chiffon rouge. Le premier coup de corne sera donné bien avant la sortie du livre. Hicham Alaoui le fortuné qui investi aux Emirats arabes unis, se serait ainsi fait expulsé tel un philippin sans papier à Abu Dhabi. Un journaliste anonyme a donc révélé que «le prince Moulay Hicham semble avoir cherché à maintenir secret ce "bannissement"». Les Marocains prennent le maqui-llage Banni ! Un terme bien choisi. Une prémonition de notre journaliste aussi inconnu qu'un soldat qui aurait déserté avant la guerre. Comme en hommage à cette douloureuse expérience d'expulsion, le prince utilisera le terme pour titrer son livre, sorti le 9 avril. Bien mal lui en a pris, puisque de nombreux écrivains publiés par Facebook Editions ou des journalistes aux 140 caractères officiant sur Twitter Press, lui reprocherons avant même d'avoir ouvert le bouquin royal, la manipulation éhontée de l'auteur. «Banni d'où le prince qui revient sans cesse au Maroc ?» argumentera Banni Ouriaghel, un rifain fan de pâtes épaisses. «Banni ? Et les milliards investis dans d'autres pays que le Maroc ? Et l'argent que vous devez au peuple marocain, monsieur le champion de l'évasion fiscale ?», ajoutera le pseudo Chi Banni, un Marocain vivant en Chine. La révolution de nos médias avait donc réussi à imprégner le maquis social marocain. De nombreux Che Guevara du clavier se sont ainsi fait l'écho des révélations tonitruantes sur le «nègre» du prince pas vraiment écrivain. Ahmed Réda Benchemsi est devenu blanc : «Moi nègre ?», s'écria le fassi offusqué. Ne supportant pas la calomnie, il lancera avec quelques amis qui distribuent des papiers pour tous, la fameuse campagne «Je ne m'appelle pas Azzi !». Malheureusement pour lui, des Africains moins friqués, ont détourné sa campagne à d'autres fins. Du rouge au noir, certains y verront un hommage à Stendhal, d'autres à Jeanne Mas. Mais nos valeureux journalistes ne vont pas «exiler leur peur» pour autant. Ainsi Abir Al Maghribi, un pseudonyme révolutionnaire pour un pseudo-révolutionnaire, osera une chose inédite avant le printemps de l'encre : publier des citations de la réaction tonitruante du journaliste Ali Lmrabet contre les mensonges à son égard dans le livre de «Moulahoum Hicham et son nègre». Ainsi, un média qui ne fait pas de grève symbolique pour Ali Anouzla et Lakome, se solidarise avec un journaliste qui avait fait de la prison et entamé une grève de la faim pour défendre son droit à la liberté d'expression. Quand je vous disais que tout a changé ! Qui n'est pas allé à l'école ? Mais déjà bien inspiré, Abir n'a pas arrêté sa violente charge contre ce membre de la famille royale, n'hésitant pas à traiter Hicham Alaoui de menteur. En exclusivité, nous avons pu obtenir le brouillon de son article avant publication : «Hicham t'es qu'un menteur, t'es même pas allé à l'école !» Finalement, un adulte gêné, lui soufflera : «Abir, t'es pas sur twitter, t'as droit à plus que 140 caractères.» Ce fût une révélation pour le petit Abir Al Maghribi qui découvrit les qualités antimonarchiques de sa plume. Il a même réussi à trouver des antimonarchistes au sein même du sérail royal. Il écrit : «Une autre source familière du Collège royal précise à Le360 que "Moulay Hicham était incapable de suivre la cadence du Collège royal et n'avait pas le niveau requis pour y être accepté"». Moi qui pensais que les princes et princesses étaient admis d'office au sein du Collège royal, je découvre qu'ils sont en réalité soumis aux mêmes critères de sélections que le commun des mortels. Heureusement pour Hicham, le fainéant royal, il trouvera une place, au fond d'une classe à l'école américaine dont le niveau est beaucoup plus accessible. Il devra par la suite se contenter d'études bas de gamme à Princeton aux Etats-Unis, d'où il décrochera en 1985, un diplôme même pas légalisé par la moqataâ du quartier Souissi à Rabat. C'est vous dire le peu d'estime qu'on peut prêter à ce bout de papier américain. La boîte de Pandore est donc ouverte, et contrairement à ce que croient tous les fêtards casablancais, ça ne sera pas pour danser. Les journalistes les plus décaféinés du royaume ont décidé de corser leur plume. Déjà, un média enquêterait sur les diplômes d'une princesse qui auraient été en réalité achetés à Derb Ghallef. Aujourd'hui Hicham Alaoui, demain une princesse, et après ? Le résultat est sidérant et plus rien ne sera comme avant. 1 an plus tard En un an, beaucoup de choses ont changé. Ce 9 avril 2014 sera en quelque sorte le 20 février que le Maroc a raté, la naissance d'un mouvement de révolte au sein des médias d'abord et des citoyens ensuite a transformé l'exercice du pouvoir. Même les plus durs à cuire sont devenus tendres. Boubker Jamaï a annoncé sur Twitter sa reconversion en strip-teaser dans une boite de nuit de Copenhague. Ahmed Réda Benchemsi dépité, a décidé de devenir nègre à plein temps en peignant son visage en noir. Désormais, quand il passe dans le ghetto, tout le monde l'appelle Uncle Ben's. Ali Lmrabet, décontenancé par la large reprise de ces propos anti-makhzen sur des supports mainstream a décidé de s'exiler. Il a choisi de vendre des rochers Suchard à quelques brasses de son Rif natal, sur l'îlot Leïla. Ali Anouzla quant à lui s'est reconverti avec succès dans la revente de chemises à fleurs. Tous les commerçants de Derb Omar l'appellent désormais Ali Marguerite. Enfin, Abir Al Maghribi qui a eu son heure de gloire avec son hichamophobie n'a pas été oublié. Il a été "remercié" et dirige aujourd'hui l'Instance Equidés et hiérarchisation à Dar Essalam. Rien à voir avec Dar Essalam de Rabat, il s'agit de la capitale de la Tanzanie. Hicham Alaoui, désormais réintégré dans la famille royale, rigole de son petit tour de passe-passe rhétorique de l'année dernière. Un succès dans les librairies avec dès sa parution, un classement en tête des ventes de sa catégorie sur le site de la FNAC et sur Amazon. Le titre de son livre s'est donc révélé des plus pertinent. Le journal d'un prince banni a déclenché une pluie de propos calomnieux de la part de journalistes révoltés. Etait-ce un mouvement réfléchi dans une stratégie globale ou tout simplement un réflexe pavlovien de quelques journalistes au sang chaud ? Nul ne le sait. Ah j'oubliais mon scoop exclusif : le prince Hicham s'apprête à sortir un second livre intitulé cette fois : CQFD !