Le procès d'Aziz Lahlou, un médecin de la ville de Meknès poursuivi pour pratique d'avortement, suit toujours son cours. Le gynécologue condamné le 6 juin dernier par le Tribunal de première instance à dix ans de prison passe devant la Cour d'appel. Ses avocats ont soulevé le problème qui entoure la question de l'avortement hier durant l'audience au Tribunal. L'affaire risque de créer des remous car plus d'une dizaine de condamnations ont été prononcées. La question de l'avortement reste un sujet très épineux au Maroc. Hier, elle a même été au cœur des débats au Tribunal de première instance de Meknès, lors du procès d'Aziz Lahlou. Ce gynécologue a été condamné en juin 2013 par le Tribunal pour avoir pratiqué l'avortement sur plusieurs patientes et ce, sans autorisation. La sentence prononcée en première instance a été lourde : 10 ans de prison, 5 000 dirhams d'amende pour pratique d'avortements et 1 million de dirhams pour l'ouverture d'une clinique sans autorisation. Les autres accusés dans ce procès sont ses patientes et leurs accompagnatrices, selon EFE. Elles ont été laissées en liberté conditionnelle, sauf une d'entres elles condamnée à une année de prison. Près de dix audiences en appel ont été tenues et quelques 16 avocats ont défendu le médecin ainsi que les autres accusés. Le Tribunal a décidé hier d'ajourner une nouvelle fois l'audience. Celle-ci aura finalement lieu le jeudi prochain. Condamnations à la pelle Les condamnations dans ce procès sont nombreuses. Au total, 14 personnes ont été confrontées au tribunal. Le médecin, père de trois enfants, est définitivement disqualifié pour l'exercice de sa profession. Son anesthésiste a lui été condamné à quatre ans de prison, alors que sa secrétaire, son infirmière et la femme de ménage ont chacune été condamnées à un an et demi de prison. Selon les avocats, les personnes liées à ces avortements ont été obligées de signer des déclarations à l'issue de leur arrestation. Ce que confirment les accusés. Les avocats soutiennent que les arrestations ont été effectuées «illégalement» car n'ayant jamais eu «l'approbation du procureur». Ils accusent la police d'avoir «enfreint la loi» et soulignent que «le procès n'aurait donc jamais dû se tenir». En outre, ils estiment que ces condamnations sont «extrêmes», d'autant plus dans d'autres cas de pratiques illégales d'avortement, dont une a même causé un décès, «les sanctions ne sont pas si excessives». «Si personne n'a déposé de plainte, pourquoi une peine de dix ans ?», se demande l'un des avocats. Le médecin aurait été averti à quelques reprises Un des avocats qui défendent le Dr Lahlou, Driss Bouziane, a demandé l'annulation de la peine lors du procès. Il a estimé que la sentence prononcé conte le médecin était une «condamnation à mort» et déploré, au passage, le fait que les demandes de tests médicaux ont été refusées en première instance et en appel. Une chose est sûre, certaines voix ont un peu plus enfoncé le médecin. Elles ont fait savoir que certains avortements ont été effectués à un stade avancé de la grossesse. Pire, le médecin aurait même reçu des avertissements qui l'auraient poussé à arrêter cette pratique pendant une période. Mais deux de ses avocats ont botté ces allégations en touche. Quoi qu'il en soit, la question de l'avortement reste très un sujet polémique. Chafik Chraibi, le président de l'Association marocaine pour la lutte contre l'avortement clandestin (LAMAC), a prévenu qu'il y avait de plus en plus de médecins emprisonnés au Maroc à cause de cette pratique. Les restrictions par rapport à l'avortement sont, selon lui, notamment à l'origine d'autres problèmes sociaux tels que les cas d'infanticide, des enfants dans la rue, la mortalité maternelle, le suicide et les divorces.