En annonçant le durcissement de sa loi sur les étrangers la semaine dernière, l'Espagne entendait profiter de l'accord avec le Maroc pour appliquer la réadmission systématique. Mais là-dessus, le Conseil général des avocats espagnols est ferme, indiquant qu'une telle mesure est juridiquement incorrecte. «Aucune convention de réadmission d'immigrants signée par le Maroc ne pourra permettre la réadmission systématique des immigrants qui sont entrés en Espagne, puisque dès lors qu'une personne est sous l'autorité espagnole, c'est la loi sur l'étranger qui doit être appliquée», a déclaré lundi à Europa Press Francisco Salans, porte-parole du Sous-comité sur l'immigration du Conseil général des avocats espagnols (CGAE). Il réagit ainsi à l'annonce faite, la semaine dernière, par le ministre de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, sur le durcissement de la loi sur les étrangers. Ce dernier souhaite y ajouter la réadmission systématique au Maroc des immigrants entrés irrégulièrement en Espagne, en référence à l'accord bilatéral entre les deux royaumes signé en 1992 et officialisé en 2012. Proposition officielle au Maroc Pourtant cet accord évoque certes la réadmission, mais sous certaines conditions, dont, l'enregistrement du migrant en Espagne, la formulation de la demande de réadmission au maximum dix jours après l'arrivée du migrant sur le sol ibérique. Or, ce que veulent faire les autorités espagnoles, c'est renvoyer automatiquement au Maroc tout immigré arrêté qui serait entré clandestinement en Espagne. Déjà au lendemain de l'annonce ministérielle, syndicat et politiques s'y sont ouvertement opposés, dénonçant une mauvaise interprétation de l'accord. Il semble que le ministre se soit rendu compte de son erreur et a publié un communiqué de presse, vendredi, annonçant avoir officiellement proposé la réadmission systématique à son homologue marocain lors de la rencontre à Paris des ministres de l'Intérieur du Maroc, de France, d'Espagne et du Portugal. «Juridiquement inadmissible» Mais selon Francisco Salans, une telle mesure est «juridiquement inadmissible ». «Le rejet vers l'autre frontière ne peut être applicable à l'immigrant qui a franchi la barrière frontalière de Melilla ou de Ceuta ou qui a déjà atteint cette frontière, parce qu'il est déjà sur le territoire national. Il bénéficie donc de certains droits et est soumis à des lois pour le meilleur et pour le pire», explique l'avocat. En effet, la loi sur les étrangers en Espagne stipule notamment que l'immigrant arrivé irrégulièrement dispose du droit de demander l'asile. «Donc, attraper un homme se trouvant à l'intérieur de la frontière et le renvoyer au Maroc, relève de la détention illégale», a-t-il ajouté. L'Espagne est actuellement sous pression. Accusé de violation des droits de l'homme après les décès de migrants qui tentaient d'entrer à Ceuta le 6 février dernier, le royaume ibérique tente par tous les moyens de légaliser la réadmission systématique des migrants vers le Maroc. Que fera Rabat ? Alors que Madrid a parfois voulu jeter la responsabilité de cette situation sur la police marocaine, Rabat reste toujours discret sur le sujet. Rappelons que l'accord de réadmission signé en 1992 a trainé pendant de longues années, avant d'être adopté, justement parce l'Etat chérifien s'opposait à la réadmission systématique. Mais malgré les conditions émises, cela n'a pas empêché Rabat de récupérer, en 2012, une centaine de migrants refoulés par l'Espagne. Mais il n'a jamais été dit si l'accord avait été ou non respecté. Ces derniers jours, les entrées irrégulières des migrants à Melilla se multiplient. Ce lundi encore, une centaine de migrants ont réussi à passer la frontière. Le Maroc va-t-il réadmettre tous ces migrants après sa concertation parisienne ?