D'un pays à l'autre dans le monde, la réglementation sur les OGM est très variable. Si seulement trois pays sur la planète interdisent la culture et l'importation d'aliments génétiquement modifiés, plusieurs autres imposent l'étiquetage de ces produits. Mais certains Etats, dont le Maroc, donnent libre cours aux industriels. Même si les autorités chérifiennes ont toujours nié la présence d'OGM dans ce que nous consommons, la réalité prouve le contraire. Urgence. Le Maroc a une réglementation très laxiste sur les Organismes génétiquement modifiés (OGM), révèle une carte dynamique de la législation mondiale sur les OGM récemment réalisée par le Center for Food Safety, une ONG américaine dénonçant les risques pour la santé et l'environnement en matière d'alimentation. Sur l'étendue de la planète en effet, seul trois pays interdisent la culture et l'importation d'aliments génétiquement modifiés : le Bénin, la Zambie et la Serbie. En Europe, si l'importation est possible, la plupart des pays impose l'étiquetage. Certains pays dans le monde imposent l'étiquetage dès que le produit commercialisé contient plus d'1% d'OGM. D'autres Etats n'imposent l'étiquetage que sur certains produits bien définis. Cependant tout comme les Etats-Unis, la majorité des pays africains et du Moyen Orient, le Maroc ne pratique pas d'étiquetage sur les produits contenant des OGM, d'après la même source. Pourtant, depuis des années, les dangers liés à la consommation de ce type de produits, tant pour l'humain que pour l'environnement, sont abondemment dénoncés. Les autorités ont toujours voulu nier la réalité En septembre 2012, une étude réalisée par des chercheurs français démontrant que «les OGM sont des poisons» avait semé la panique au Maroc. Les gens s'interrogeaient quant à la nature de ce que nous mangeons. Le ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, avait très vite réagit. «Au Maroc, et en application du principe de précaution, les aliments transgéniques sont interdits à la consommation humaine», avait-il affirmé, voulant apaiser les esprits. Mais, ingénieurs agronomes et écologistes marocains se sont toujours accordés pour dire que les affirmations du gouvernement sont loin de la réalité. Bien au contraire. Selon la secrétaire générale du parti des Verts au Maroc, Fatima Alaoui, une étude réalisée à El Jadida en 2006, par des ingénieurs français à l'initiative de son mouvement révélait la présence de plants de tomates OGM dans cette zone. Pour le professeur Najib Akesbi, économiste et enseignant à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II à Rabat, «la situation est beaucoup plus grave que cela». Il faut noter, souligne-t-il à Yabiladi, que l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis a donné libre accès aux produits contenant des OGM. «Tout le monde sait que le mais importé des Etats-Unis est bourré d'OGM», lance l'économiste, déplorant le manque de législation claire et l'absence de débat social avant l'autorisation de ces produits. Une entreprise américaine implantée au Maroc fournirait des OGM Les Etats-Unis sont en effet réputés pour tolérer une grande utilisation des OGM dans l'alimentation. Selon les chiffres avancés par la presse locale, 80% des aliments emballés vendus sur le marché national contiennent des ingrédients génétiquement modifiés. Les écologistes ont réussir à créer le débat, mais l'Etat de Washington vient de rejeter le projet de loi pour l'étiquetage des produits contenant des OGM. De plus, de grandes compagnies comme Monsanto (entreprise américaine spécialisée dans les biotechnologies agricoles) et Pepsi ont investi plusieurs millions de dollars pour financer une campagne médiatique prônant le rejet de la mesure. Si les produits vendus sur le territoire américain comportent autant d'OGM, qu'en sera-t-il pour les pays importateurs de ces produits et qui dispose d'une réglementation laxiste en matière d'OGM ? D'autant plus que les exportations américaines vers le Maroc bénéficient d'avantages douaniers en raison de l'accord de libre échange. De plus, les grandes sociétés américaines largement investies dans la production des aliments génétiquement modifiés sont présentent au Maroc. Mosanto, à titre d'exemple, a son bureau à Agadir depuis lequel la firme fournirait au royaume des semences agricoles dont les OGM, d'après le Magazine du développement durable (MDD). Législation et compétences pour le contrôle, des impératifs «Déjà, le fait qu'il n'y ait pas de réglementation précise au Maroc est un véritable problème. Mais le plus grave au Maroc c'est qu'il manque les ressources humaines pour assurer le contrôle», estime Najib Akesbi. L'économiste marocain relève que lors de l'opération DVR (Départ volontaire à la retraire), certains des cadres partis étaient des spécialistes du contrôle sanitaire. «Du jour au lendemain, l'Etat – qui a le devoir d'assurer le contrôle de ce que mangent les citoyens – s'est soudainement retrouvé en carence de compétences», se souvient-il, ajoutant que «pourtant, il faut - après les diplômes - de longues années de formation et d'expérience pour prétendre être spécialiste». «Nous sommes tous en train de manger les OGM chaque jour, du matin au soir, sans que rien ne soit fait», regrette le professeur Akesbi. Ce spécialiste de la question agricole reconnait qu'accepter ou non les OGM relève d'une décision politique. «Mais à ce moment, le gouvernement doit prendre ses responsabilités, en veillant au moins à assurer le minimum de sécurité sanitaire des citoyens», dit-il avant de conclure : «pour régler une fois pour toute le problème des OGM, il faut un arsenal juridique clair et transparent et des RH compétentes pour exercer les contrôles, comme c'est le cas dans les autres pays qui autorise ces produits».