Après Paris et Lyon, Manuel Valls a mis le cap hier sur Ozoir-la-Ferrière, pour y rompre le jeûne. Lors de son allocution, le ministre de l'Intérieur n'a parlé que d'«actes anti-musulmans», se refusant d'employer le terme «islamophobie». Une sorte de mise en pratique d'une décision évoquée dans une interview la veille. Les associations s'indignent et le CCIF dénonce une «polémique sur les mots», pendant que le plus important est mis au placard. «La République, ne tolèrera jamais un geste dirigé, ou une parole prononcée, contre un musulman. La République protègera toujours les musulmans de France », a déclaré le ministre français de l'Intérieur, Manuel Valls, lors de son allocution à la mosquée d'Ozoir-la-Ferrière en Seine-et-Marne, où il a participé, jeudi 1er août, à la rupture du jeûne, rapporte Libération. Il s'agit du troisième f'tour auquel participe le ministre, depuis le début du ramadan, après ceux des grandes mosquées de Paris (17 juillet) et Lyon (18 juillet). M. Valls aurait porté cette fois son choix sur la petite mosquée d'Ozoir-la-Ferrière en raison de la profanation qu'elle a subi en février dernier. En effet, des croix gammées et des slogans comme «vive la Gaule» et «Nike l'Islam» avaient été taguées à la bombe noire sur la façade du bâtiment. Le fait avait suscité une grande indignation auprès de la communauté musulmane, tout comme les multiples autres profanations perpétrées durant cette période. Valls s'appuie sur le raisonnement de la journaliste Caroline Faurest S'exprimant devant une soixantaine de fidèles de tous âges, le ministre de l'intérieur a affirmé qu'il ne «laissera jamais dire, ni croire que les forces de l'ordre [...] privilégieraient davantage les actes antisémites que les actes antimusulmans ou antichrétiens». Il estime cette rhétorique «fausse» et «infamante», considérant qu'elle est souvent source de «haine des uns envers les autres». Tout au long de son intervention, Manuel Valls, n'a pas une seule fois employé le terme «islamophobie». Il n'a fait que parler d' «actes anti-musulmans. «Les mots ont un sens, et le terme [islamophobie, ndlr] suscite la polémique. Moi, je choisis ceux que j'emploie», a-t-il dit dans une interview accordée au Nouvel Obs, le 31 juillet dernier. «L'islamophobie est le cheval de Troie des salafistes», a-t-il déclaré. Si le terme évoque en effet, pour certains, le racisme contre les arabo-musulmans, explique le ministre, les défenseurs d'un islam fondamentaliste l'utilisent dans le but d'«empêcher toute critique de la religion et s'opposer aux principes de la République». «Je ne peux, moi, accepter cette tautologie», se défend M. Valls. Il a notamment donné raison à la journaliste française Caroline Fourest, pour qui le mot «islamophobie» est un «piège», car il aurait été employé pour la première fois en 1979 par des mollahs iraniens. Le CCIF dénonce une «polémique sur les mots» et un double jeu du ministre La raisonnement de Valls et tous les autres intellectuels ne convainct pas les associations de défense des droits des musulmans. Déjà, le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) signale une «erreur». Le terme aurait été plutôt employé pour la première fois en 1921 par Etienne Dinet, pour dénoncer les élucubrations de certains auteurs de l'époque à propos de l'islam, explique-t-il dans une note publiée sur son site. Le Collectif estime que Manuel Valls «polémique sur les mots». «M. le ministre, nous avons beaucoup de mal à comprendre votre démarche. […] Vous prétendez adresser des signes d' "affection" aux musulmans de France, mais votre posture, vos prises de paroles vis-à-vis de l'Islam et ses symboles disent pourtant le contraire», relève le CCIF. Cette nouvelle sortie de Manuel Valls pourraient ouvrir la porte à une autre série de débats sur l'islam en France, d'autant qu'il n'est pas le seul. Le président de la république aussi ne veux pas employer le mot «islamophobie». Mais là-dessus, le CCIF veut couper court. «Ne jouons pas avec les mots, le sujet est bien trop grave… Nous insistons, l'islamophobie discrimine, divise et engendre la violence… il y a donc urgence !». En effet, les actes islamophobes en France atteignent des proportions inquiétantes. Le dernier rapport du CCIF en a révélé une hausse de 57,4% en 2012.