Quand vous achetez votre baguette de pain le matin, vous vous posez certainement la même question: «Pourquoi la baguette est devenue plus légère que celle qu'on a connu dans le passé ? Pourquoi est-elle plus volumineuse, plus gonflée alors qu'elle est presque vide de l'intérieur ?». Explications. Sachez que votre remarque n'est pas farfelue car, effectivement, beaucoup de boulangeries ne respectent pas le minimum des 200 grammes que doit peser une baguette basique comme le stipule la loi. Le décret du 15 janvier 1975 impose des poids minimums aux différents pains fabriqués par les boulangers au Maroc. Et le pain entrée de gamme doit avoir au moins 200 grammes avec un seuil de tolérance de 5%. Mais la réalité est tout autre. Beaucoup de boulangeries descendent jusqu'à 150 grammes. Ce qui est bien évidemment une infraction à la loi. Le gouvernement ferme les yeux car derrière cette question toute banale sur le poids du pain, se cache un vrai problème de gestion de la filière. Le pain, symbole politique Depuis toujours et surtout depuis les évènements de Casablanca de 1981 (les martyrs de la baguette ou Chouhada Koumira), le pain a été un produit politique et aucun gouvernement n'a voulu toucher son prix. Au début des années 80, la baguette se vendait à 1,10 dirhams. En 2013, elle se vend à 1,20. Seulement 10 centimes de plus en presque 30 ans. «Comment voulez-vous respecter les 200 grammes légaux alors que tous les intrants du pain ont flambé ?», s'indigne Saleh Jamali, membre de la Fédération Nationale des Boulangers et des Pâtissiers (farine, levure, eau et électricité, matériel de cuissons, main d'oeuvre...) Si on fait rentrer tous ces ingrédients, la baguette entrée de gamme aura un prix de revient de 1,40 dirhams. Ce qui veut dire que le boulanger perd de l'argent en la vendant à 1,20 Dh. Mais il se rattrape en contournant la loi à travers l'adjonction de certaines matières dans le pain basique. C'est ainsi qu'un pain normal auquel on ajoute trois petites olives ou une couche de semoule est vendu à 2,50 dirhams. «Dans les boulangeries dites haut de gamme, on arrive parfois à des pains à 6 dirhams sans réelle mesure avec les coûts de production», fait remarquer Bouazza Kherrati, président de la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur. Faites ce que vous voulez ! C'est la fraude depuis que l'Etat a notifié aux boulangers qu'il n'y aura pas d'augmentation des prix pour qu'ils puissent rentrer dans leurs frais. En Septembre 2012, cela a failli tourner à la confrontation entre le gouvernement et les professionnels. Pour maintenir le prix plancher de 1,20 auprès des boulangers, l'Etat a dû débourser une subvention de 1 milliard de dirhams. Il a également fermé les yeux sur la diminution du poids qu'ils pratiquent. En plus clair, «n'augmentez pas le prix, mais faites ce que vous voulez !». Et bien sûr, ce message n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Surtout que les boulangers réglementés font face à la concurrence déloyale des boulangeries clandestines. La baguette est devenue plus légère mais, pour sauver les apparences, on l'a dopé de poudre de pain qui augmente son volume. Cette poudre de pain contient de l'acide ascorbique (E300) qui aide à une rapide maturité de la pâte, raffermit le gluten et surtout permet de gonfler le pain. L'Etat considère peut-être qu'il a déjà assez de problèmes avec sa subvention de la farine et ne veut pas s'ajouter une autre charge à la source chez les boulangers eux-même. Mais jusqu'à quand ? Visiter le site de l'auteur: http://www.mdd.ma