Après plusieurs jours de silence, le chef de gouvernement a rassuré, hier, l'ensemble de ses ministres affirmant qu'ils ont toujours la confiance du roi. A moins d'un coup de théâtre, ce cabinet pourrait continuer jusqu'en 2016. Chabat devra donc patienter trois années pour retourner à la primature à condition de basculer dans les rangs de l'opposition et s'allier avec l'USFP de son ami Lachgar. Pour contrer le populisme de Benkirane, il faut la collaboration de deux leaders du même acabit. Le bras de fer que se livre, depuis plusieurs mois, Chabat et Benkirane est-il entrain de tourner en faveur du PJDiste ? Le Palais a-t-il opté pour la neutralité dans le conflit opposant les deux hommes ? Certes les choses ne sont pas encore claires mais la réunion d'hier du conseil de gouvernement laisse entrevoir cette perspective. Sur un ton très rassurant, Benkirane a lancé à ses ministres, dont certains commençaient à se préparer pour plier bagage en cas de remaniement, que «le roi accorde sa pleine confiance à tous les membres de cette équipe», a affirmé, lors d'un point de presse, Mustapha El Khalfi, le titulaire du département de la Communication. Il a également fait savoir que ce cabinet est résolu à poursuivre dans la voie de la réforme, particulièrement celles qui concernent les caisses de retraite, la caisse de compensation et la fiscalité. Presque deux semaines après la décision du conseil national de l'Istiqlal de se retirer du gouvernement, c'est la première fois que Benkirane fait ce genre de déclaration. En bon représentant du pouvoir, il n'aurait jamais impliqué le roi dans la crise que traverse la majorité s'il n'avait eu le feu vert du Palais ou de son entourage pour lancer pareils propos. Lesquels tranchent avec ceux qu'il a prononcés, dimanche à Bouznika, lors de la réunion des chefs de sections du PJD. Benkirane a réitéré que «nous ne voulons ni la destruction de notre pays ni renoncer à notre monarchie». Son appel a-t-il été entendu en hauts lieux ? La réponse à cette question n'est pas encore claire, mais il y a des signaux qui convergent vers la continuité de ce cabinet aux commandes jusqu'en 2016. L'Istiqlal dans l'opposition au côté de l'USFP pour contrer le PJD en 2016 Le retour des amis de Hamid Chabat dans les rangs de l'opposition ne serait pas aussi catastrophique pour l'Istiqlal. C'est juste un moment de répit pour d'une part occuper l'espace de l'opposition au PJD, jusqu'à présent vacant et d'autre part mieux préparer l'échéance électorale de 2016. Le PI a des chances de retourner à la primature à condition de s'allier avec l'USFP. Durant les années 90, les deux formations avaient scellé une forte alliance, au point qu'elles avaient participé aux législatives de 1997 avec un seul candidat dans chaque circonscription électorale. Une première au Maroc et une tactique payante. Elle avait donné naissance au gouvernement de l'alternance dirigé par le socialiste Abderrahman El Youssoufi. La défection de l'Istiqlal aura-t-elle une incidence sur le gouvernement ? Mathématiquement, Benkirane n'a pas de soucis à se faire. En cas d'alliance PI et USFP, il pourrait compter sur le soutien des députés du RNI (52 sièges) et l'Union constitutionnelle (23 sièges), de quoi éclipser totalement les 60 élus de l'Istiqlal. A cela s'ajoute dans l'escarcelle du chef de gouvernement l'adhésion de 11 députés de petites formations. Sa majorité est assez solide pour tenir jusqu'à la prochaine échéance électorale de 2016. C'est presque chose acquise pour le PJDiste, à moins d'un coup de théâtre qui remettrait les comptes à zéro. Dans le cas contraire, seule demeure inconnue, la forme que devrait prendre l'appui surtout du RNI de Salaheddine Mezouar, ancien ministre des Finances (octobre 2007-janvier 2012), à ce cabinet : Une pleine participation au gouvernement ou juste le soutenir au moment opportun en lui assurant assez de voix pour le passage de ses projets au parlement ? Des sources que nous avons contactées, penchent plutôt pour la première option, arguant que laisser le PJD seul au gouvernail favoriserait ses chances d'arriver premier en 2016 et de rempiler pour un second mandat à la tête du gouvernement. Les prochains jours seront cruciaux pour le dénouement de cette crise. Deux options s'offre à Benkirane : la première, un remaniement ministériel, immédiat qui signifierait la sortie des ministres de l'Istiqlal et l'arrivée des RNIstes. La deuxième, demander la confiance au parlement, comme le prévoit l'article 103 de la constitution, sachant au préalable qu'il pourrait compter sur les voix du RNI et de l'UC pour réussir cet examen.