Les élections législatives de 2011 ont été particulières dans l'histoire du pays. Particulières parce qu'il s'agit d'élections anticipées mais elles le sont surtout parce qu'elles ont eu lieu sous une nouvelle Constitution ayant apporté des nouveautés importantes à la fois sur le plan politique et législatif. Au Maroc, il y a donc un avant et un après juillet 2011. Certes, le Maroc avait entamé plusieurs réformes depuis les années 90, mais la nouvelle Constitution a permis de consacrer définitivement les choix démocratiques et d'ouverture. La première véritable déclinaison de la nouvelle Constitution du pays fut sans nul doute les élections législatives qui ont eu lieu le mois de novembre la même année. Le Maroc allait donc avoir un chef de gouvernement et non plus un Premier ministre, nommé exclusivement parmi le parti politique arrivé premier dans les élections. Ce parti fut le PJD (Parti de la justice et du développement) et son secrétaire général, Abdelilah Benkirane, fut chargé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI de former une majorité parlementaire et un gouvernement. Quelques semaines après naissait le gouvernement Benkirane I suite à la formation d'une majorité composée du PJD bien évidemment ainsi que de l'Istiqlal, le Mouvement Populaire et le PPS (Parti du progrès et du socialisme). Mais très vite des divergences profondes sont apparues essentiellement entre le PJD et le parti de l'Istiqlal surtout lorsque ce dernier a élu un nouveau secrétaire général en la personne de Hamid Chabat. Les jours du gouvernement Benkirane I étaient alors comptés. Si la tradition voulait que le gouvernement marocain procède à un remaniement à son mi-mandat comme ce fut le cas pour le gouvernement de Me Abderrahmane El Youssoufi ou encore l'équipe de Abbas El Fassi, le chef de gouvernement devait très vite trouver un successeur à son allié de l'Istiqlal pour pouvoir rester à la tête de l'Exécutif. Benkirane va finalement opter pour le RNI (Rassemblement national des indépendants). Le gouvernement Benkirane II voit alors le jour. Autant la lenteur des négociations qui a accompagné les négociations avait fini par plonger la scène politique dans une longue période d'attentisme, autant ces négociations avaient permis à la majorité de rectifier le tir sur un certain nombre de sujets, à commencer par la participation des femmes. La présence d'une seule femme dans le gouvernement Benkirane I avait suscité beaucoup d'interrogations surtout que la Constitution de 2011 a souligné l'importance d'aller vers une meilleure parité entre les deux sexes. La représentativité de la femme a donc été renforcée dans la version II de l'Exécutif avec l'octroi de quatre portefeuilles ministériels à des femmes. Le remaniement gouvernemental a également permis de revoir l'ordre des priorités, notamment sur le plan économique. Mais si l'entrée du RNI au gouvernement a permis au pays d'éviter d'aller vers des élections anticipées en moins de deux années, l'action gouvernementale et le rythme des réformes n'ont pas encore atteint la vitesse de croisière escomptée. Ceci fait de nouveau resurgir le débat sur l'homogénéité au sein de la majorité. Il faut rappeler que le PJD, chef de file de la majorité, participe pour la première fois au gouvernement depuis sa création au milieu des années 90 du siècle dernier. Quant aux trois autres composantes de la majorité actuelle, à savoir le PPS, le Mouvement populaire et le RNI, ils ont participé à tous les gouvernements depuis l'expérience de l'alternance politique en 1997. Rien donc ne prédestinait ces quatre formations à devenir des alliés politiques à la veille des Législatives de 2011. Le RNI et le MP avaient même conclu une alliance avec six autres formations politiques juste avant le scrutin mais cette alliance, en raison des résultats mitigés dans les élections, s'est vite effondrée. Plus loin encore, aucun élément n'indique aujourd'hui que l'alliance gouvernementale actuelle se poursuivra au-delà des élections de 2016. Si le PPS semble s'entendre trop bien avec le PJD, la différence béante sur le plan idéologique – le premier étant un parti de gauche anciennement communiste alors que le deuxième est un parti conservateur à référentiel religieux – empêche les deux de bâtir une alliance stratégique à terme. Quelle peut être la carte politique marocaine dans les prochaines années ? Il ne s'agit nullement de s'adonner à une partie de tarot mais plutôt analyser les données actuelles pour faire des pronostics. Il faut tout d'abord préciser que les élections municipales et régionales de 2015 seront déterminantes pour les Législatives de 2016. C'est une réalité marocaine qui veut que les présidents de communes ou d'arrondissements aient plus de chances d'accéder au Parlement puisque de nombreux électeurs votent encore plus pour une personne connue capable de leur rendre service que pour un parti politique et un programme digne de ce nom. Par ailleurs, des doutes planent aujourd'hui sur la capacité du PJD de conserver sa première place au Parlement. Dans un tel scénario, le parti pourrait revenir à l'opposition puisqu'il n'a pas réussi à bâtir une alliance solide avec ses actuels alliés. Ces derniers peuvent avoir aussi leurs propres calculs. Le RNI a probablement mis de côté ses ambitions de gagner les élections mais il ne les a pas totalement abandonnées. Dans ce sens, une nouvelle alliance pour la démocratie pourrait voir le jour à l'approche des prochaines élections. Si la première version de ce pacte avait réuni le RNI avec sept autres formations politiques, celle du futur pourrait se faire avec quatre partis tout au plus. De son côté, le Mouvement populaire a toujours fait preuve de pragmatisme et rien n'empêche cette formation de s'allier avec d'autres partis en fonction notamment des résultats. Enfin, le PPS pourrait retrouver ses premières amours au sein de la Koutla que les partis de l'Istiqlal et l'USFP sont en train de réanimer. Bien évidemment, tous ces pronostics supposent que le gouvernement gardera toujours le même découpage électoral et mode de scrutin. Le débat actuel entre le gouvernement et les partis politiques sur les lois électorales pourrait déboucher sur quelques changements mais le scénario d'une refonte totale de ces textes reste pour le moment peu probable.