Le Maroc a choisi pour la centrale solaire de Ouarzazate la technologie solaire la plus coûteuse, s'alarme un spécialiste des énergies renouvelables. Entre avantages comparés, coût et lobbying, les enjeux du choix technologique fait par le Maroc est plus complexe qu'il n'y parait. Le Maroc a fait le choix de la technologie solaire la plus chère, la CSP (Concentrated Solar Power), aussi appelé solaire thermique, s'inquiète Gerard Wynn, analyste des marchés, spécialiste des énergies renouvelables pour l'agence de presse américaine Reuters. Le Maroc devrait «passer à des technologies solaires moins chère plus concurrentielle face à l'énergie éolienne, au pétrole ou au charbon», conseille-t-il dans une tribune publiée le 8 mai. «Le Maroc devrait bien passer au photovoltaïque qui donne accès à une chaîne d'approvisionnement et de produits plus complète et à une énergie plus compétitive d'autant plus que les difficultés économiques du pays rendent plus risqué d'expérimenter des technologies moins rependues», insiste Gérard Wynn. Le choix du plus cher Le Maroc a effectivement eu tendance à préférer le solaire thermique au photovoltaïque. La première centrale solaire de Ain Beni Mathar, est basée sur cette technologie. Celle de Ouarzazate, dont la première phase de construction a débutée, selon la société saoudienne Acwa Power, installera également des panneaux solaires en miroir. Il est également exact que cette technologie coûte plus chère que le photovoltaïque dont les prix se sont effondrés. L'institut allemand Fraunhofer a publié l'an dernier, une étude détaillée comparant photovoltaïque et solaire thermique pour arriver à la conclusion que le premier coûte deux fois moins cher que le second, rappelle Gerard Wynn. Cependant, selon une autre analyse réalisée par la banque UBS, en 2009, l'énergie solaire thermique devrait être dans 10 ans moins chère que le solaire photovoltaïque, grâce au développement massif de cette technologie dans le monde. L'Australie et l'Espagne, en particulier, ont misé dessus. Le choix du solaire thermique par le Maroc se justifie également parce qu'il est mieux adapté au climat du Sahara. Le solaire photovoltaïque a paradoxalement la particularité de mal résister à la chaleur. Son fonctionnement lui-même produit de la chaleur «si cette énergie non convertie en électricité n'est pas évacuée. Les performances électriques d'une cellule solaire au silicium sont très sensibles à la température,» indique K. Agroui, dans une étude du comportement thermique de modules photovoltaïques de technologie monoverre et biverre au silicium cristallin. Au contraire, le solaire thermique, comme son nom l'indique, exploite la chaleur produite le rayonnement solaire pour produire de la vapeur. Intérêts économiques et lobbying Derrière la guerre des technologies et les avantages comparés de chacune d'elle se cachent aussi, voire surtout, des actions de lobbying menées par les sociétés qui produisent les panneaux photovoltaïques et les panneaux solaires thermiques. Gerard Wynn s'étonne et s'inquiète du choix adopté par le Maroc, car «cela contraste avec la façon dont les développeurs ont abandonné le CSP au profit du photovoltaïque, alors qu'une surproduction mondiale a fait chuter le coût du photovoltaïque.» Et pour cause, les sociétés américaines de panneaux photovoltaïques ont été les premières à souffrir de la concurrence chinoise et plusieurs d'entre elles ont fermé leurs portes. Aujourd'hui, plusieurs sociétés américaines restent toutefois dans les leaders du marché du photovoltaïque et ont bien besoin de nouveaux clients, alors pourquoi pas le Maroc ? Au contraire, pour la technologie CSP, l'Espagne est leader du marché. A ce titre Gerard Wynn a raison de souligner les rapports diplomatiques étroits entre le Maroc et l'Espagne qui ont encore fait leur preuve sur le dossier de la Minurso, il y a quelques semaines. Le solaire thermique est une «technologie défendue par les producteurs d'équipements en Espagne, voisin du Maroc et l'un de ses alliés diplomatiques les plus proches», remarque-t-il. La société espagnole Acciona fait ainsi partie du consortium qui a remporté le marché public pour la construction de la première phase de la centrale solaire de Ouarzazate.