Economiste Les récentes statistiques du Haut commissariat au plan confirment un léger repli de l'inflation en mars, porté par la baisse des prix alimentaires. Mais derrière cette accalmie apparente, les tensions inflationnistes persistent. Plusieurs économistes pointent le vieillissement du panier de référence et appellent à une révision de la grille de consommation, pour que l'indice reflète mieux la réalité. Votre lecture des derniers chiffres de l'inflation ? L'indice publié n'indique pas une baisse significative mais plutôt une stagnation. On parle de -0,3%, mais ce chiffre reste symbolique. En réalité, il traduit un statu quo. L'on ne peut pas conclure à une modification substantielle de la tendance inflationniste, encore moins attribuer un quelconque effet aux autres variables économiques. À ce stade, les causes se sont peut-être simplement neutralisées les unes les autres. Le récent abaissement du taux directeur par Bank Al-Maghrib peut-il produire un effet tangible sur l'inflation ? Cette décision agit surtout par son impact psychologique. Elle envoie un signal aux employeurs, aux promoteurs, aux investisseurs. Mais il est illusoire d'imaginer qu'un ajustement de 25 points de base déclenche immédiatement un cycle d'investissement. Ce que fait la Banque centrale aujourd'hui, c'est afficher une priorité nouvelle . Elle joue la carte de la croissance, au détriment de celle de la lutte contre l'inflation. Le taux d'inflation reste relativement élevé, même s'il est en baisse par rapport aux pics de la période de Covid. Mais il faut bien distinguer une baisse du taux d'inflation d'une baisse des prix. Nous n'assistons pas à un recul des prix, mais à une progression plus lente. Autrement dit, les ménages ne perçoivent pas nécessairement cette accalmie ? Exact. L'inflation cumulée reste pesante pour les ménages. Et certains mécanismes, comme la TVA, viennent entretenir cette dynamique. Cette taxe s'applique sur le prix nominal, ce qui contribue à maintenir une pression inflationniste même lorsque la hausse ralentit. Il faut aussi dire que, pour l'Etat, l'inflation n'est pas totalement nuisible puisqu'elle alimente les recettes fiscales. Peut-on redouter un retour de l'inflation importée, notamment en raison des politiques tarifaires américaines ? C'est un risque. La hausse tarifaire annoncée par Donald Trump pourrait impacter indirectement nos échanges. Certes, notre commerce extérieur est déficitaire avec les Etats-Unis mais c'est surtout l'Europe qui est le principal partenaire commercial du Royaume (60% de son commerce extérieur). Moins d'importations en provenance d'Europe, plus de difficultés à y exporter, et potentiellement, des hausses de prix sur les intrants... Nous pourrions être exposés sur les deux fronts. Existe-t-il une réponse budgétaire possible à cette situation ? À mes yeux, la véritable voie de sortie repose sur une réduction des dépenses publiques. Le problème de fond reste l'efficacité du secteur public. Une partie de la masse salariale est peu productive, voire inactive. Et la pression budgétaire va s'accentuer avec les échéances à venir, au regard notamment des investissements en infrastructures en prélude de la CAN et du Mondial 2030. Ces dépenses, par nature, ne génèrent pas de retombées immédiates. Elles ont un coût aujourd'hui, pour un bénéfice hypothétique demain. En parallèle, la croissance reste insuffisante pour compenser. Elle ne permet pas encore d'absorber le choc inflationniste. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO