La convulsion s'est rapidement généralisée aux principales places boursières du monde, au cours des deux dernières semaines. Dans ce contexte de chaos économique, comment la «green-finance» s'est-elle comportée ? La tornade boursière qui a balayé le monde l'a-t-elle épargnée ? Comment pourraient s'apprécier les coûts réels des ambitions du Maroc dans ce domaine et y aurait-il des impacts ? Ces interrogations taraudent les esprits depuis quelque temps. Un constat surprenant s'impose : les principales matières premières du green business mondial ont su conserver leur sérénité, au moment où toutes les attentions se focalisaient sur les cours capricieux du baril de l'or noir. Pas d'envolée spectaculaire. Mieux, on observe même, globalement, une évolution dans le sens contraire du cours des évènements, avec des vrilles -parfois dangereusement vertigineuses- pour certaines ressources échangées en Bourse. Le green serait-il finalement un bon plan de financement sécurisé et de refuge d'investissements ? Le silicium est l'une des matières premières les plus en vogue depuis quelques mois. À Londres, le métal de base servant à la fabrication des cellules photovoltaïques est passé de 2.650 dollars US à 2.300 dollars la tonne, entre les mois de mars et d'août... et la dégringolade ne ferait que commencer. «Cette chute continue est en train de déteindre sur les coûts des projets solaires à technologie photovoltaïque. Cela pourrait même, in fine, réduire considérablement le prix du KWH produit à partie de tels projets», nous explique cet expert à la Société des investissements énergétiques (SIE), créée en février 2010 par la tutelle pour prendre en charge les volets investissements des projets lancés sur les énergies renouvelables. IHS iSuppli, un cabinet international d'intelligence économique, vient de publier une étude selon laquelle les prix des panneaux photovoltaïques auraient chuté de «15% au premier semestre 2011, et de près de 30% en un an», selon l'indice des prix de vente. Le royaume mise en effet sur cette technologie pour le projet solaire de Ouarzazate qui vise, pour rappel, une capacité globale installée de 500 MW en 2015. L'une des prochaines phases, qui devrait être lancée avant la fin de cette année, sera en effet dédiée à cette variante de source d'énergie solaire. Seulement là, il y a un problème. La première phase de ce projet en cours de développement, et dont les appels d'offres sont encore attendus, sera plutôt consacrée à une autre technologie, celle des capteurs cylindro-paraboliques (solaire thermique). Pourtant, une situation de marché insolite se fait jour depuis quelque temps. Plusieurs grands projets solaires thermiques ont été abandonnés ou, au moins, transformés en photovoltaïque ces derniers mois, suite à la baisse continue du prix des panneaux photovoltaïques. L'exemple le plus récent est le site de Blythe en Californie, le deuxième plus grand site mondial de centrale solaire thermique, sera, pour moitié, transformé en centrale photovoltaïque. Ce projet est développé par le groupe allemand Solar Millennium. Cela ne sera-t-il pas à terme le cas au niveau des projets de Moroccan agency for solar energy (MASEN) si le photovoltaïque poursuit sa descente ? «Le mixte énergétique a bien été pensé et nous expérimentons toutes les technologies», déclarait Mustapha Bakkoury, en marge des dernières Assises de l'énergie. Cependant, le silicium est loin d'être la seule ressource cotée à la Bourse et présentant des intérêts pour le royaume. Le gaz naturel, quant à lui, connaît une évolution en dents de scie, rarement stable, sur les derniers mois de tension généralisée sur l'économie mondiale. Son cours est actuellement suspendu à 3,88 dollars US/Mbtu à New York (Soit 3,8 millions en British Thermal Units), en variation annuelle de près de -6%. Le cours de cette ressource avait atteint son plus haut niveau le 8 juin dernier, avec un plafond de 4,8 dollars US/Mbtu. Là aussi, les services du département de l'Energie et des mines ne manqueront pas d'y porter une attention particulière. Le Maroc vient de s'engager dans un contrat d'approvisionnement auprès de l'Algérie, pour alimenter entre autres centrales, celle thermosolaire de Aïn Beni Mathar, d'une puissance installée de 472 MW, dont il constitue l'une de principaux facteurs de production. Il s'agit en effet d'un contrat commercial portant sur la livraison d'un volume de 0,64 Gm3 (640 millions de m3) par an, sur une durée de 10 ans. En troisième lieu figure une autre ressource énergétique, le lithium, devenue l'élément de base pour l'industrie automobile électrique. C'est en effet à partir de cette matière que sont fabriquées les batteries destinées aux véhicules électriques et d'autres à technologies hybrides. Ici, pas de cours en Bourse à dompter, mais plutôt le monopole d'une importante compagnie extractrice, la Société chimique et minérale du Chili (QCM). Ce pays recèle près de 58% des réserves mondiales de lithium, estimées à quelque 13 millions de tonnes. Les cours élevés et le quasi monopole qui règne sur cette filière a fait de QCM le principal acteur des fluctuations des prix de cette ressource. Il y a un peu plus d'une année, QCM annonçait une chute de près de 20% sur les prix de cette matière première. La compagnie voulait à l'époque ranimer une demande qui avait fortement baissé, suite à la crise économique. Aujourd'hui, QCM a une capacité d'exploitation de 40.000 tonnes, et distribue dans pas moins d'une centaine de pays à travers le monde. Biocarburants gourmands D'autres sources d'énergie propre n'ont pas connu la tendance globalement observée à la baisse des ressources précitées. C'est le cas des biocarburants. L'éthanol, en est le produit phare pour l'heure... et le plus inflammable en termes de prix appliqués ces derniers mois. La cause est bien connue : elle est étroitement liée aux cours des matières agricoles de première nécessité, dont le blé et le maïs. «Le développement des filières de bio carburant est aujourd'hui parmi les causes de la spéculation sur les cours mondiaux des céréales, en l'occurrence le blé», accuse un membre de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (COMADER). Pour le premier, les dernières actualisations relevées à Chicago se fixaient à 736,75 dollars/tonne, le 22 août dernier. Cela, après une chute éphémère des cours au 1er du mois de juillet dernier, pour s'établir à près de 581 dollars US/tonne. Idem pour le maïs. Cette matière agricole est en train de grimper mois après mois, pour atteindre aujourd'hui un sommet de 727 cents US/boisseau, contre à peine 400 cents US/boisseau au cours de la dernière semaine d'août 2010. Il y a là de quoi affoler les grands marchés traditionnels de l'éthanol, fabriqué à base de cette plante. C'est le cas des Etats-Unis par exemple. Le 4 août dernier, en pleine crise de la dette et d'affolement sur les marchés financiers mondiaux, un rapport de la banque HSBC recommandait aux autorités américaines d'abandonner les subventions accordées au bioéthanol, produit spécifiquement à partir du maïs, pour réduire la dette du géant économique mondial. Point de vue: Dr. Mohammed-Saïd Karrouk, Professeur de climatologie et membre du GIEC/IPCC Nous n'avons pas encore pris conscience du potentiel que nous offrent les énergies renouvelables. Et le fait est que nous venons de découvrir que le monde peut aujourd'hui se fournir jusqu'à 80% de ses besoins énergétiques en 2050, à partir des énergies renouvelables. Cela est une grande première sur les plans économique et scientifique. Ce qui veut dire qu'à partir de là, les scenarii de politiques énergétiques envisageables deviennent de plus en plus clairs. Il est quasi certain qu'il faudra remettre en question le protocole de Kyoto. Nous allons d'ailleurs en entendre parler de moins en moins, puisqu'il n'a pas fonctionné comme nous l'aurions souhaité. Alors qu'en ce moment il existe bien plusieurs technologies pour gérer la question des réductions des émissions atmosphériques. Par ailleurs, au-delà de l'élaboration de politiques énergétiques, l'autre question qui se pose est relative au «comment» ? Là, il faudrait s'attendre donc par exemple que les gouvernements déterminent des subventions et autres méthodes incitatives. Il est en effet important pour développer les investissements et innovations dans le secteur de disposer de formules incitatives, fiscales ou financières. Point de vue: Helmut Hoedt: Ingénieur chimiste H2 Energy SA Maroc Un nouveau programme nucléaire pour la production d'hydrogène a démarré au Canada, auquel participe la société Atom Energy Canada et l'Ontario Power Generation, ainsi que différentes universités de la même région. Pour établir un lien avec le Maroc, il faut savoir que le royaume, grâce à son ensoleillement, a une meilleure chance que le Canada pour accéder à une telle énergie. Les nouvelles technologies, telles que le photovoltaïque, pourraient en effet dans un proche avenir dominer le marché solaire mondial, avec d'autres solutions aussi comme la technique des lentilles de concentration. L'usage de ces nouvelles technologies est une décision qui doit être prise au niveau politique et parlementaire. Mais avant cela, on doit faire une étude dans ce sens et pouvoir installer un projet pilote dans ce domaine. Au sud du royaume, nous sommes en partenariat avec des sociétés et des producteurs allemands pour construire une telle centrale sur la base des nouvelles technologies de lentilles de concentration de la société Jungbecker en Allemagne. Par ailleurs, de façon plus globale, il faut savoir que l'augmentation irréversible du coût du pétrole, les menaces de dérèglement climatique liées aux émissions de gaz à effet de serre, le développement des pays en croissance rapide tels que la Chine, l'Inde ou le Brésil, sont autant de facteurs déterminants à l'origine de la crise énergétique qui menace le monde. Le besoin en énergies alternatives s'impose. L'institution financière parlait d'une économie de 18 milliards de dollars (près de13 milliards d'euros) entre 2012 et 2014. Il se trouve en effet que les producteurs américains de carburant à base de maïs bénéficient de plusieurs formes de soutien de la part de l'administration Obama. «Un crédit d'impôt leur est accordé proportionnellement à leur production et une taxe est appliquée sur l'éthanol étranger», note-t-on dans le rapport de HSBC. Pourtant, cet avertissement ne semble pas faire de l'effet. Avec le Brésil, deuxième producteur mondial de biocarburant, les Etats-Unis viennent d'annoncer un «nouveau cycle de relations approfondies» dans ce secteur. À la clé, il y a de nouvelles mesures, prises par les deux pays. Elles sont relatives, entre autres aspects, «au soutien technique et politique du développement des biocarburants en Amérique latine, dans les Antilles et en Afrique». Même cher, le biocarburant semble bien avoir encore de beaux jours devant lui...