Le Maroc y est depuis quelques semaines déjà. Face aux défis énergétiques qui se dressent devant le monde en ce début du troisième millénaire, maîtriser les énergies renouvelables s'est imposé comme la solution adéquate pour répondre à deux besoins très spécifiques: assurer une source d'énergie pérenne, d'une part et prendre soin de l'environnement qui nous entoure et qui a déjà assez souffert des nos rejets, d'autre part. De fait, depuis quelques temps, la tendance de la production énergétique a viré au « vert »...en l'occurrence le solaire. Au Maroc aussi, cette tendance commence à peine à se faire sentir. Cela s'est traduit, et se traduit encore, par de grands projets, les uns plus vastes que les autres, que le gouvernement a lancés, ou qu'il est sur le point de lancer. Son but étant de jouer ce rôle de locomotive qui lui est propre. Mais, avant d'aller plus loin, voilà des chiffres qui permettent d'avoir une visibilité sur la situation énergétique du pays et de mieux appréhender l'urgence de développer des sources d'énergie renouvelable du type solaire. De 1999 à 2007, « la demande en énergie électrique est passée de 13.263 GWh à 22.608 GWh », soit une augmentation de 6,9%, d'après un document du ministère de l'Energie, rendu public en octobre 2008 et résumant les « principales réalisations dans les secteurs de l'énergie et des mines ». Autres chiffres : en 2008, cette demande avait atteint la barre des 24.168 GWh, «en augmentation de 7,1% par rapport à 2007», précise le même document. En 2009, cette tendance haussière devrait logiquement se maintenir, vu la croissance démographique, l'expansion des centres urbains, ainsi que le développement industriel qui en résulte. De nos jours, toute cette énergie électrique consommée par nos ménages et nos industries provient d'usines hydroélectriques (1.265 MW de puissance installée), une station de pompage à Afourer (464 MW) et des centrales thermiques (3.449 MW). Les énergies renouvelables ne sont représentées que par les parcs éoliens à Tétouan et à Essaouira, avec une puissance totale installée ne dépassant pas 114 MW. Une goutte d'eau certes, dans l'immense océan de la production électrique au Maroc, d'une puissance totale installée de 5.229 MW en 2008. Nul besoin de dire alors l'importance de développer ces énergies que la nature nous fournit gracieusement. La leçon a été comprise Et cette importance, le gouvernement marocain semble l'avoir comprise. Le coup d'envoi - ou le coup de soleil - a été donné par le roi qui s'est rendu compte tout d'un coup du manque à gagner sur le volet solaire, le Maroc étant un pays largement – voire très largement – baigné par les rayons de Rê. Et cette prise de conscience subite a donné naissance à ce que les « cols blancs » du Makhzen ont appelé « Une nouvelle stratégie énergétique 2007-2012», en mars dernier. Nouvelle ? Certes oui, mais uniquement au Maroc alors, parce qu'à cette époque déjà, le solaire était devenu un outil de production très usité dans les pays européens. Et puisqu'on a pris l'habitude de réagir toujours en dernier lieu, c'est cette année seulement en effet que la salive et l'encre ont commencé à couler autour du terme « solaire ». Par « nouvelle stratégie », le roi Mohammed VI entend « une feuille de route qui vise à doter notre pays des moyens nécessaires pour assurer la disponibilité pérenne de l'énergie, préalable nécessaire à son développement durable », précise t-il dans le discours de lancement. En filigrane, les souhaits du roi portaient surtout sur « l'élaboration d'une Charte nationale de l'énergie ». Le ministère d'Amina Benkhadra, la « dame énergie » du pays, s'est alors tout de suite mis à l'œuvre pour élaborer les grandes lignes de la nouvelle stratégie énergétique (2020-2030), dans laquelle le solaire, en particulier, et les énergies renouvelables en général, seraient bien représentées. Un projet, un budget et une agence « Le rêve de produire de l'électricité solaire à grande échelle, la plupart de nos compatriotes le pensaient irréalisable », avoue un cadre du ministère de l'Energie. La surprise fut donc grande - et agréable en même temps - lorsque le ministère de Benkhadra, en marge de la dernière visite de la secrétaire d'Etat américaine à l'étranger, Hillary Clinton, a dévoilé un vaste projet portant sur la réalisation, à l'horizon 2020, d'un champ de production d'énergie solaire sur cinq différents sites à travers le pays, d'une puissance totale installée de 2.000 MW, soit une capacité de production annuelle de 4.500 GW, constituant près de 20% de l'énergie électrique produite de nos jours au Maroc. Le projet coûtera la somme non négligeable de 9 milliards de dollars. Cette somme sera fournie en partie par l'Etat marocain, le secteur privé, avec la contribution de fonds internationaux comme la Banque mondiale et le gouvernement américain (la présence de Hillary Clinton n'était pas due au hasard). Les cinq sites localisés pour accueillir le projet sont à Ouarzazate - le plus important – à Ain Béni Mathar, à Foum Al Oued, à Boujdour et à Sebkhat Tah. Et, faisant d'une pierre deux coups, une agence marocaine de l'Energie, la Moroccan agency for solar energy (MASE), sera également créée pour s'occuper de la concrétisation des ambitions du royaume relatives au solaire. Le projet de loi de création de cette agence a d'ailleurs, d'ores et déjà, été adopté la semaine dernière lors d'un conseil de gouvernement. Les choses semblent avoir pris une allure plutôt accélérée pour rattraper le retard concédé par le Maroc dans le domaine des énergies renouvelables, à l'instar des autres pays en voie de développement. Le « solaire » oui, mais à quel prix ? Dans la plupart des pays, notamment européens, le prix à payer pour acquérir un panneau photovoltaïque ou un chauffage solaire sont relativement à la portée du citoyen moyen, d'autant plus que le prix du silicium, le principal composant des modules solaires photovoltaïques a entamé cette année une baisse de plus de 50%. Au Maroc, pour s'offrir un chauffe-eau solaire, le citoyen moyen doit débourser entre 15.000 et 20.000 dirhams pour une contenance de 300 litres. Les prix affichés pour les chauffe-eau solaires de 200 litres varient de 11.000 à 16.000 dirhams. Le business du solaire demeure néanmoins très concurrentiel au royaume avec de nombreuses PME et TPE qui ont investi le secteur. Elles sont localisées surtout dans les grandes régions comme Casablanca ou Marrakech. La révolution solaire, ces entreprises aussi y trouvent leur compte! Copenhague réveille les consciences Simple coïncidence ou réelle volonté de changer les choses? Depuis l'annonce du forum mondial sur le climat à Copenhague, les projets et stratégies de développement des énergies renouvelables, notamment le solaire, se multiplient. Le monde semble avoir aperçu de loin l'impasse catastrophique sur lequel il risque de buter s'il continue à ce même rythme le développement et la pollution de la planète. En effet, depuis près de deux siècles, la croissance démographique s'accélère à un rythme effréné (nous serons 10 milliards sur la terre en 2025!), les pays aspirent de plus en plus à la prospérité et de ce fait, deviennent de plus en plus gourmands en énergie de toute sorte. La terre est plongée depuis longtemps dans un état proche du pitoyable qui s'empire de jour en jour. Autant de facteurs et de problèmes, qui in fine, se retournent contre l'Homme lui-même, avec la prolifération de catastrophes naturelles et leur cortège de désastre, les sécheresses, la fonte de la banquise, l'augmentation du niveau de la mer, qui met en sursis plusieurs populations insulaires. Ce qui est clair, c'est que la prochaine rencontre de Copenhague sera décisive pour le climat – dans le sens positif et négatif du terme. En effet, au risque de passer pour de simples discours de circonstances, les plus grands pollueurs du monde à savoir, les Etats-Unis et la Chine et certains pays de l'UE, n'ont de cesse d'afficher leur ferme volonté de mettre un terme, ou au moins ralentir, leurs rejets en CO2, principale cause de destruction de la couche d'ozone. ça bouge de partout! L'engouement dont le solaire fait l'objet ces derniers temps, n'est pas seulement marocain. En Inde, par exemple, l'objectif est d'occuper la position de leader mondial dans ce domaine, ce dernier vise 200 MW de capacités à installer en 2012, contre 6 MW actuellement, selon un projet de développement préparé depuis plusieurs mois et adopté il y a quelques jours par le gouvernement. Au-delà, ce pays s'est fixé un objectif de 20 GW en 2022 et de 100 GW en 2030 (le Maroc en serait à 2000 MW). Pour se payer un tel projet, 922 millions de dollars ont déjà été réservés à la réalisation de la première phase. Au total, ce sont quelque 20 milliards de dollars qui pourraient être investis. Plus proche de nous, la Sonelgaz algérienne se dotera à partir de 2012 d'une usine de panneaux photovoltaïques, qui aura une capacité de production annuelle de 50 MW, pour un investissement de 100 millions de dollars. À ces projets s'ajoute les dernières innovations : Après les cellules au silicium, puis celles à couche mince (constituées d'une mince couche de métal), une nouvelle génération en relation avec la fibre optique, arrive sur le marché! Lorsque le désert devient une centrale électrique Transformer la vaste étendue du désert du Sahara en une centrale électrique tout aussi immense, c'est le rêve que tente de réaliser, à travers le projet Desertec, un groupe d'entreprises formant le « club de Rome ». Il s'agit plus précisément d'un consortium de 12 entreprises et institutions financières européennes parmi lesquels on peut citer l'allemand Munich Re, le groupe Siemens, les électriciens Eon et RWE, et la Deutsche Bank. Le but du projet, qui devrait couter la rondelette somme – à l'image du projet – de 400 milliards d'euros sur une période de quarante ans, est d'exploiter l'ensoleillement qui règne dans le désert pour en produire de l'électricité destinée à alimenter toute la région EUMENA (Europe, Moyen Orient, Afrique du Nord). Techniquement, il s'agit d'implanter en plein désert un dispositif comprenant, dans un premier temps, des centrales thermiques solaires à concentration (Concentrating Solar-Thermal Power, CSP). Ces dernières sont constituées de batteries de miroirs de forme cylindro-parabolique qui réfléchissent la lumière du soleil dont ils suivent le déplacement, en la concentrant vers un tube contenant de l'huile de synthèse. Cette lumière solaire concentrée est ensuite transformée, contrairement à la technologie photovoltaïque, en vapeur qui alimente des turbines productrices d'électricité. Ces types de capteurs existent déjà d'ailleurs aux Etas Unis dans le désert de Californie, et récemment encore, en Espagne et dans le Nevada. Desertec ne peut cependant pas se réaliser sans le concours des pouvoirs publics, notamment celui des pays se trouvant dans la zone désertique du Sahara.