Les Américains s'intéressent de très près à l'évolution des sociétés musulmanes. Le centre Pew Research Center vient de publier un sondage sur la religion et la politique dans ces sociétés. Sur certaines questions, les Marocains sont plus conservateurs que les Egyptiens ou les Jordaniens. 83% des Marocains sont pour l'application de la Charia. C'est la conclusion du tout dernier sondage, publié mercredi par l'Américain Pew Research Center sur les tendances dans 39 pays musulmans. Ce pourcentage est l'un des plus élevé dans le rapport. Il dépasse ceux enregistrés en Egypte (74%), la Jordanie (71%), deux pays connus pour être de forts bastions de la confrérie des Frères musulmans. Au Caire elle détient d'ailleurs le pouvoir. Pour la Tunisie le taux descend à 56%. Dans la case réservée à la région MENA, seuls les territoires palestiniens et l'Iraq dépassent le royaume, avec respectivement 91% et 89% des partisans de la Charia. L'héritage : 15% des Marocains seulement pour l'équité Le conservatisme des Marocains se manifeste par un autre chiffre sur le refus de la majorité des sondés de partager l'héritage entre les femmes et les hommes à parts égales. En effet, seule 15% sont favorables à une telle option. C'est, d'ailleurs, le même score enregistré en Tunisie, pourtant ce pays est réputé pour être laïc. Ce pourcentage est parmi les plus bas figurant dans le rapport du Pew Research Center. En revanche, c'est en Europe de l'Est où se situent les plus fervents défenseurs de la parité sur l'héritage : 88% dans la Turquie dirigée par les islamistes de l'AKP d'Erdogan, 79% en Bosnie, 76% en Kosovo et 61% en Albanie. Ces quatre pays ont un point en commun : leurs constitutions ne prévoient pas que l'islam est la religion de l'Etat. En Tunisie, cette question n'est pas encore tranchée par l'Assemblée constituante. Elle est au cœur d'un vif débat entre laïcs et les islamistes du parti Annahda soutenu par la mosaïque des groupes salafistes. Le conservatisme des Marocains s'exprime, également, par ce chiffre : 92% des sondés sont convaincus que la femme doit obéissance à son mari. 74% des Marocains contre les attentats suicides Une large majorité des Marocains, 74%, s'oppose aux attentats terroristes. Un bon score en trompe-l'œil. Pour avoir subi ce genre d'opérations en 2003 et 2007, ce pourcentage aurait pu être bien supérieur. Par rapport aux autres pays de la région MENA, le Maroc figure en queue de peloton. En Irak, ils sont 94% des sondés contre ces actes, En Tunisie, 84% et en Jordanie, 82%. Avec 74%, nous faisons juste mieux que les Egyptiens et les Palestiniens, avec respectivement 68% et 49% contre les attentats suicides. 39% seulement des Marocains favorables aux partis islamistes En politique, les partis islamistes marocains (légalement au nombre de deux : le PJD et Annahda wal Fadila de Mohamed Khalidi) n'ont pas encore réussi à enrôler la majorité des Marocains. Le sondage du Pew Research Center le prouve. Dans le détail : 9% ont une mauvaise opinion des formations dites islamistes, 39% pensent le contraire et 32% estiment qu'elles ne valent pas mieux que les autres enseignes partisanes. Ce résultat est une remise en question de certaines enquêtes, publiées dernièrement, octroyant au PJD de Benkirane entre 70 et 80% de confiance des Marocains. En Tunisie et en Egypte, ils sont 55% des sondés à apprécier les islamistes. Les deux pays sont dirigés par les conservateurs, en Tunis c'est Annahda de Rached Ghannouchi et au Caire, les Frères musulmans de Morsi. Une méthodologie discutable Si les résultats du sondage du Pew Research Center sont intéressants, notamment dans la comparaison entre les différents pays musulmans, la méthodologie reste discutable. Dans le premier chapitre du rapport, on associe charia, droits des femmes et attentats suicides. Si le lien entre charia et droits des femmes fait sens, il est surprenant de trouver la question sur les attentats suicides dans un seul et même chapitre. Une orientation fallacieuse qui s'explique peut être par la proximité idéologique entre le Pew Research Center et les milieux conservateurs américains (en).