La dernière livraison du Pew Research Institute est édifiante de bêtise. Le sondage, mené sur 39 pays avec un échantillon de 38 000 personnes sur les 1,6 milliards de musulmans du monde, soit moins de mille personnes par pays, ou encore 0,0024 % de la population concernée, sert à donner un semblant de rationalité aux fantasmes anti-musulmans qui prolifèrent sans retenue depuis tellement longtemps. Ainsi, l'avis d'un millier de personnes est censé donner la tendance pour les plus de 34 millions de Marocains ou les 243 millions d'Indonésiens. Outre le manque de rigueur liée à une aussi petite taille de l'échantillon, les auteurs de ce sondage tombent dans le piège classique d'une religion vécue de manière monolithique qui gomme toutes les dimensions éducationnelles ou culturelles en homogénéisant l'identité d'un Marocain et celle d'un Chinois de la minorité Ouighour. Quand on voit comment dans un pays comme le Liban où cohabitent tant bien que mal autant de nuances de l'Islam, ou la guerre qui se développe entre sunnites et chiites au Moyen-Orient, il devient difficile d'accorder à ce sondage le moindre crédit, sinon celui de renforcer les populismes et l'islampohobie, qui deviendra bientôt un droit constitutionnel à ce rythme. L'analyse faite par certains organes de presse qui s'empressent de titrer sur l'adhésion «de musulmans à la charia» en gros titre pour ensuite laisser leur argument se dégonfler dans les lignes de l'article s'inscrit dans une méconnaissance absolue de l'Islam et s'enferme dans le schéma manichéen du choc des civilisations. Comment en effet pourrait-on vivre en bonne entente avec les gens décrits par ce sondage ? Ce sondage, qui, espérons-le, part d'une position de neutralité statistique, nous renvoie collectivement à l'urgence de défendre les valeurs de nos cultures et de notre diversité, tout comme il nous incite à faire la promotion active de notre humanité et des valeurs de notre héritage, en occupant le terrain médiatique, culturel ou tout support pour contrebalancer le poids de telles ignominies.