Le Collectif Al Haqiqa regroupant les associations marocaines en Europe de défense des droits humains et des familles de victimes de la disparition forcée (ASDHOM, APADM, FVJ-France, KMM, AMBDH) s'est réuni ce dimanche 24 mars 2013 en marge de la conférence-débat organisée par l'AMBDH la veille 23 mars en commémoration du 40ème anniversaire de l'enlèvement de Houcine El Manouzi le 29/10/1972 à Tunis et sa disparition forcée depuis lors. Lors de cette réunion, le Collectif Al Haqiqa a fait l'évaluation de la situation des droits de l'Homme au Maroc et en dresse un constat alarmant. 1- Sur les disparitions forcées et les détentions arbitraires Si l'IER a permis de faire la lumière sur partie des cas de disparition forcée, le sort d'un grand nombre de personnes reste à élucider. Parmi ces cas figurent l'affaire Ben Barka et l'affaire Houcine El Manouzi dont les noms restent intimement associés à la disparition forcée. Et l'impunité des auteurs de ces disparitions continue à prévaloir, en contradiction avec le droit international. Bien que le Parlement marocain ait finalement ratifié la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre la disparition forcée en septembre 2012, plusieurs cas de disparition forcée ont été enregistrés, en particulier depuis l'adoption de la loi antiterroriste du 29 mai 2003. Les services de sécurité continuent de bénéficier de larges pouvoirs en matière d'arrestation et de détention de personnes dans des lieux tenus secrets, et notamment celui de la DST à Temara. La réforme de la gouvernance des appareils de sécurité conformément aux recommandations de l'IER n'a toujours pas été entamée. Pire encore, une loi adoptée en 2012 accorde aux militaires l'immunité du moment qu'ils agissent sur ordre de leurs supérieurs hiérarchiques. 2- Sur la pratique de la torture Le Maroc a enregistré une avancée importante sur ce point en adoptant en 2005 une loi criminalisant la pratique de la torture. Cependant, des rapports continuent de faire état de supplices physiques, psychologiques et sexuels, entraînant parfois des décès, dans les lieux de détention ou à l'occasion d'interrogatoires. 3- Sur l'usage excessif et disproportionné de la force publique Des manifestations publiques pacifiques sont brutalement dispersées par les forces de l'ordre et notamment celles organisées par le Mouvement du 20 février depuis deux ans, ou des sit-in se déroulant principalement devant le Parlement à Rabat ou des quartiers populaires de Sidi Ifni, Marrakech, Taza et d'autres grandes villes, blessant ainsi plusieurs manifestants. Alors que les recommandations de l'IER insistent sur la mise en place d'une stratégie nationale de lutte contre l'impunité, les forces de l'ordre responsables de ces exactions ne sont pas tenues de rendre compte de leurs actes et les victimes n'ont pu bénéficier d'aucune forme de réparation ou de prise en charge. 4- La réforme du système judiciaire La réforme du pouvoir judiciaire constitue une recommandation centrale de l'IER. Bien que des avancées aient été réalisées dans le cadre de la nouvelle Constitution du 1er juillet 2011, cette réforme tarde à se réaliser et des violations des droits de l'Homme continuent d'être observées, notamment en ce qui concerne le droit à un procès équitable. 5- La liberté d'expression et la liberté de la presse L'augmentation des procès à l'encontre de journalistes, leur condamnation à des peines de prisons et/ou à des pénalités financières importantes, ainsi que la suppression, voire l'interdiction de certaines publications montrent que la liberté d'expression n'est toujours pas garantie et a même observé, ces dernières années, un net recul. Après ce constat sévère sur la situation des droits humains au Maroc, le Collectif Al Haqiqa met en garde contre le fait que, plus de sept ans après la fin de la mission de l'IER, la Vérité sur les violations graves des droits de l'Homme durant les années de plomb et les responsabilités en la matière ne sont toujours pas connues. L'écrasante majorité des recommandations faites par l'IER en vue d'améliorer les structures institutionnelles n'ont pas été mises en œuvre. Cet échec à faire appliquer ces recommandations révèle un manque de volonté politique de mettre en place des garanties efficaces pour la protection des droits humains et de changer la structure politique qui a permis que des violations des droits humains se produisent dans un climat d'impunité quasi totale. Le collectif Al Haqiqa, attire l'attention de l'opinion publique nationale et internationale sur cette situation déplorable des droits de l'Homme au Maroc et appelle à la mobilisation de toutes les forces vives éprises de liberté et de démocratie à soutenir la lutte du peuple marocain dans son combat quotidien pour l'établissement d'un véritable Etat de droit et démocratique.