Le 9 mars, la presse a révélé que des Belgo-marocains rejoignaient les rangs des rebelles en Syrie. Député au Parlement bruxellois et Echevin à Molenbeek-Saint-Jean, commune de Bruxelles qui regroupe un grand nombre de Belgo-marocains, Ahmed El Khanouss, explique que ce phénomène, bien que marginal, inquiète beaucoup ses habitants. Yabiladi : Vendredi 22 mars, la Dernière Heure (ici) indique que la commune de Molenbeek Saint-Jean au sein de Bruxelles, est directement touchée par ce phénomène. L'avez-vous constaté directement ? Ahmed El Khanouss : Il y a une très grande inquiétude dans la communauté belgo-marocaine aujourd'hui. Les parents, en particulier, s'inquiètent au plus haut point. J'ai rencontré, personnellement, une famille dont le fils est parti pour la Syrie. Ses parents sont sous le choc, dans le désarroi le plus total, d'autant plus que la rupture a été brutale. Après son départ, ils ont appris qu'il était en Turquie, puis ils ont reçu un message selon lequel il était en Syrie et en bonne santé. Depuis, plus rien. Ils ont informé d'eux-mêmes les autorités belges. Comment ces jeunes décident de partir pour la Syrie ? Ces jeunes hommes partent pour différentes raisons, pour différentes motivations. Certains veulent combattre l'injustice. Le conflit en Syrie a fait des milliers de morts sans que la communauté internationale ne soit intervenue. Dans le cas de Molenbeek Saint-Jean, il y a aussi des jeunes qui ont été en contact avec des groupements que l'on connaît bien. Le fils de la famille que j'ai rencontrée a été conditionné par un mouvement salafiste pur et dur qui a un fonctionnement sectaire. Ses membres expliquent aux jeunes qu'ils sont dans le vrai et que tous les autres sont des ennemis potentiels. Ces recrutements ne se font absolument pas dans les mosquées, mais dans des endroits reculés. A Molenbeek des membres de cette mouvance salafiste jihadiste - il faut appeler un chat un chat - avait aménagée un appartement où elle initiait discrètement les jeunes qui adhéraient à ce groupe. Quel est l'ampleur de ce phénomène de départ ? Les ministres de l'Intérieur belge et français, se sont rencontrés, deux fois, ces dernières semaines pour identifier le problème. Selon les rapports de la Sécurité nationale, 70 jeunes sont aujourd'hui en Syrie. Aujourd'hui, la presse parle d'embrigadement de mineurs c'est encore plus grave. Cependant, il faut savoir relativiser en toute chose. 70 personnes sur 600 000 à 1 million de musulmans en Belgique ; la proportion est plus que faible. De plus, des jeunes gens qui quittent leur pays pour combattre l'obscurantisme dans un autre, ce n'est pas un phénomène nouveau. Rappelez-vous les membres de l'Internationale socialiste partant combattre le franquisme en Espagne. Pour autant, c'est un phénomène très grave contre lequel toute la communauté musulmane belge est mobilisée. Nous ne pouvons pas accepter l'embrigadement de nos jeunes. Comment pouvez-vous lutter contre ce phénomène ? Partir combattre à l'étranger est-il illégal ? Il existe une loi, datant de 1979, en Belgique, pour sanctionner les gens qui partent faire la guerre à l'étranger. Elle n'a jamais été mise en application, il manque les décrets royaux. Aujourd'hui, plusieurs parlementaires belges demandent à la modifier et à la faire appliquer. Ce serait une bonne chose, à condition de l'appliquer équitablement dans tous les cas de figures y compris pour les Belgo-turques ou les Belgo-israëliens qui dans le cadre de leur service militaire peuvent être envoyés sur le front.