Les provinces du sud du Royaume sont «le nouvel horizon des actions et stratégies» de la France. Par cette phrase, l'ambassadeur de France résume le nouveau prisme par lequel la diplomatie française considère le dossier du Sahara. Les ambassadeurs se succèdent, mais les relations diplomatiques entre la France et le Maroc ne se ressemblent pas. Entre 2023 et 2024, elles sont passées du froid au chaud bouillant. Pour la première visite officielle d'un ambassadeur français au Sahara occidental, Christophe Lecourtier a été accueilli dans une ambiance chaleureuse. À la tête d'une forte délégation, l'ambassadeur français a eu droit à tous les honneurs et égards, dans la plus grande tradition sahraouie. À Laayoune comme à Dakhla, il s'est vu offrir une daraâ par Moulay Hamdi Ould Errachid et Khattat Yanja, respectivement président de la commune de Laayoune et président du Conseil de la région Dakhla-Oued Eddahab. Imaginez le chemin parcouru. Bien plus que les 1 000 kilomètres à vol d'oiseau entre Rabat et Laayoune, c'est l'évolution de la position française qui est remarquable. Nous sommes passés d'une diplomatie qui refusait de nourrir la symbolique de la souveraineté marocaine sur les provinces sahariennes à un ambassadeur tout sourire qui embrasse les notables sahraouis, discute avec les élus locaux et walis, et annonce des investissements français et l'appui de Paris pour des projets socio-culturels et éducatifs sur ce territoire désormais considéré comme partie intégrante du royaume. L'ambassade de France au Maroc, de Tanger à Lagouira La présence de l'ambassadeur à Laayoune et Dakhla vient non seulement appuyer l'évolution de la position française suite à la lettre du président Macron adressée au souverain lors de la Fête du trône et à la visite présidentielle au Maroc du 28 au 30 octobre dernier, mais elle officialise l'extension de la couverture consulaire à l'ensemble des provinces sahariennes. Même si aucune annonce d'ouverture de consulat n'a été faite, cette extension consulaire constitue une mise en application sur le terrain de la reconnaissance politique de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. On pourrait traduire cette visite de l'ambassadeur par cette phrase : «Françaises, Français, venez y investir, y vivre, ou en touriste, de Tanger à Lagouira, vous pourrez vous adresser à l'ambassade de France au Maroc.» Christophe Lecourtier n'était pas né lors de l'indépendance du Royaume, ni au moment des frappes de l'aviation française sur l'Armée de Libération Nationale qui affrontait l'occupant espagnol dans les provinces sahariennes en 1958, lors de l'opération Ecouvillon. Si la France a une responsabilité historique dans le conflit du Sahara occidental et le long processus pour que le Maroc recouvre son intégrité territoriale, le changement de position et cette visite de l'ambassadeur permettent d'écrire les premières pages du nouveau livre, tel qu'imaginé par Emmanuel Macron. Dans le vol retour de Dakhla à Rabat, Christophe Lecourtier a probablement repensé à l'accueil des Sahraouis et à l'histoire commune franco-marocaine. Sur les traces d'Antoine de Saint-Exupéry, quelle belle manière d'écrire ce premier chapitre tout en poésie.