La malédiction qui traque notre équipe nationale chaque fois qu' elle participe à la phase finale de la CAN, est devenue une spécialité, une sorte de leitmotiv. Cette triste réalité, nous rappelle par bien des aspects le mythe de Sisyphe. Franchir le 1er tour pour s'offrir les quarts de finale de la CAN tourne chaque fois à l'obsession. Et l'objectif finit par se muer en mirage. En trente six ans, le Maroc a réalisé deux exploits d'inégale importance. Un trophée remporté en 1976 par des locaux à Addis-Abeba et une finale perdue en 2004 à Tunis. Ces échecs à répétition qu'on traîne comme un boulet, n'ont jamais donné lieu à un débat doctrinaire sur notre football. C'est là que le bât blesse. Absence quasi-totale de la planification stratégique en la matière. Depuis des décennies, on vit le supplice de Sisyphe. Cycliquement nous subissons un constant ballotage entre la désillusion et le réel, à telle enseigne que nous sommes tous devenus, à notre corps défendant, de potentiels sisyphiens. Le mythe de Sisyphe, l'éternel recommencement Pour les profanes, le mythe de Sisyphe, est un essai philosophique rédigé par Albert Camus en 1942. L'idée basique en est l'illustration de ce qu'est une situation absurde répétitive dont on ne voit jamais l'aboutissement. Les Dieux avaient condamné Sisyphe à rouler indéfiniment une énorme pierre jusqu'au sommet d'une montagne. Et quand il était sur le point d'en atteindre le faîte, le rocher retombait par son propre poids. Notre football vit la même situation. La sélection nationale fait office de Sisyphe, et la CAN en est le rocher. Après chaque élimination, le microcosme sportif, le citoyen lambda dégoulinent, donnent libre cours à leur cogito. Les sorties en cascade de l'équipe nationale dés le 1er tour se transforment ainsi en exutoire cathartique, nos médias écrits et audiovisuels en agora; où tout le monde indistinctement s'exprime librement, fait valoir ses approches, extériorise ses frustrations et ses attentes. C'est l'overdose médiatique qui nous pénètre jusqu'aux os. Ces échecs à répétition se sont poursuivis avec le coach marocain Taoussi. La désignation aux allures rocambolesques de ce dernier n'a pas désamorcé au grand dam des mordus du foot le supplice. Bien au contraire, elle l'a accentuée. Taoussi, la continuation de Gerets par d'autres moyens Après s'être débarrassée dans des conditions douloureusement financières et humiliantes de Gerets, la FRMF a porté son dévolu sur Taoussi. D'entrée de jeu, il s'est fourvoyé dans un excès de communication qui s'apparente au star-system. L'image prenant le pas sur l'action, discours émaillés de références à la morale et à la religion, ciblage maladroit des priorités. Imbu de sa légitimité professionnelle (formation académique à l'institut My Rachid, expérience acquise sur le terrain, titre africain gagné avec les juniors, trois titres d'affilé avec le club MAS), le coach marocain voulait se surpasser pour nous faire oublier les déboires de Gerets. Mais un bon coach se doit en toute humilité de faire de l'autocoatching; sinon c'est la déroute, la bérézina. Auréolé, grisé par la victoire du Maroc contre le Mozambique par 4 buts à zéro (faites en un parallèle avec la fameuse victoire contre l'Algérie qui nous a qualifié pour le Gabon et la liesse populaire qui s'en est suivie ), notre coach national s'est mélangé les pinceaux. L'obligation de moyens qui consiste à former une équipe forte et homogène pour les futures échéances, est érigée en obligation de résultat. C'est-à-dire se qualifier pour le second tour et chemin faisant, corriger la trajectoire jusqu'à la finale. En faisant du démarchage – à la manière d'un VRP - auprès des joueurs d'origine marocaine par filiation évoluant à l'étranger, le sélectionneur marocain s'est confondu en nécessité. Le déplacement à l'étranger de Mr Taoussi avec son staff était-il nécessaire ? productif ? Traditionnellement les fiscalistes disent «Que trop d'impôts tuent l'impôt». Trop de communication inhibe la communication. D'ailleurs , le ratage de cette édition de la CAN a apporté un sanglot démenti au bien fondé de cette approche. Est-il de bon aloi d'aller faire le porte à porte pour prier des joueurs de venir en équipe nationale ? Et ce sont ceux – là mêmes qui ont berné le pauvre Taoussi : Les Belhanda, les Amrabat, les Assaïdi, les Hamdaouis et les Chafnis. Six joueurs qui sont aisément remplaçables par des locaux . Soit une équipe à 99% locale. Je conçois difficilement Mr Taoussi lors de son périple en Europe; organiser des séances d'introspection ou enseigner la méthode Coué, dite pensée positive (du nom de son inventeur Emile Coué pharmacien et psychologue, 1857- 1926), une approche efficace pour renforcer la confiance en soi. Cette méthode est utilisée par les entraîneurs dans le sport de haut niveau qui demande une force mentale décisive pour le succès : skieurs , golfeurs... Rendons hommage à ce talentueux joueur Taarabt, qui a eu l'audace de refuser pour des considérations somme toute convaincantes de ne pas répondre à l'appel. Comment doser la composition de l'équipe nationale : Le choix cornélien Au niveau du choix des joueurs pour la CAN, le coach national a tenu un discours ambivalent. Il a laissé entendre, une fois désigné par la FRMF, qu'il réhabilitera le joueur local sans écarter pour autant les professionnels de l'étranger. Condition physique et titularisation du joueur dans son club, tels sont les termes de référence de Mr Taoussi. Mais en fait, il n'a fait que reproduire le système de Gerets : Donner la prépondérance aux internationaux, mais qui ne sont à mon sens marocains que par le jus sanguini ( droit du sang ). Ces joueurs diasporés sont de cœur et de culture belges , hollandais, français , et j'en passe. Et in fine, les locaux se doivent d'avoir un rôle d'appoint, leur apport à l'équipe nationale ne relevant que de l'accessoire. Cette hiérarchisation- subordination entre joueurs locaux et internationaux a été maintenue par notre coach lors des deux premiers matchs de la CAN. Il s'est racheté piètrement d'ailleurs , contre l'Afrique du sud en alignant deux attaquants marocains. Comment gérer à l'avenir cette contrainte ? Quel vade-mecum faut-il élaborer pour surmonter ce dilemme ? Ce choix cornélien entre les locaux et les joueurs de la diaspora ? Ce questionnement appelle des réponses. L'approche maximaliste qu'on peut qualifier d'expérimentale consisterait à préparer les futures échéances (la CAN 2015 au Maroc) avec une équipe composée intégralement de joueurs locaux. C'est le scénario de rupture. L'approche minimaliste ou pragmatique. Celle–ci ferait des locaux le noyau dur de l'équipe nationale. Ce scénario de semi-continuité aurait le mérite de ne pas couper les ponts avec les internationaux. Cette stratégie, nécessiterait une politique de motivation ou d'intéressement des joueurs locaux. Comme disait Jean Bodin ( 1529-1596) philosophe et théoricien français «Il n'est de richesse que d'hommes». Il faut investir dans le capital humain qu'est le joueur local. A cette fin, j'appelle de tous mes vœux les responsables de la fédération royale à créer cinq prix FRMF du meilleur gardien du championnat, du meilleur défenseur, du meilleur milieu défensif, du meilleur milieu offensif, et du meilleur attaquant . Qu'est-ce que ça coûterait à la fédération , si elle affecte annuellement une enveloppe budgétaire de deux millions de DH aux meilleurs joueurs de la botola ? Voilà un levier de choix pour booster et rehausser le niveau du football national.