Boudé par le public, lynché par la presse, le sélectionneur national n'a plus la même aura qu'à son arrivée. Héros en octobre alors qu'il qualifiait le Maroc pour une quinzième Coupe d'Afrique, il est aujourd'hui pointé du doigt alors que les Lions de l'Atlas ont manqué de se qualifier pour une phase finale de Coupe du Monde pour la quatrième fois d'affilée. L'espoir était mince, mais permis. Ayant assuré l'essentiel samedi en disposant de la Gambie à Marrakech, le Maroc a perdu tout espoir de disputer le Mondial brésilien après la victoire de la Côte d'Ivoire en Tanzanie 24 heures plus tard. La déception de trop pour le public marocain, déjà témoin de l'élimination de son équipe dès le premier tour de la CAN cette année. L'opinion publique inconsolable réclame des têtes. Pour certains médias, l'heure du bilan a même déjà sonné pour Rachid Taoussi. Dans son édition du lundi 17 juin, Le Matin, n'hésite d'ailleurs pas à demander au sélectionneur s'il envisage de démissioner. Les autres quotidiens ne manquent pas de souligner le caractère «inutile» ou encore «insuffisant» de la victoire de samedi. Ils auraient tous souhaité une avalanche de buts contre la Gambie, et la Tanzanie une semaine plus tôt. Le bilan n'est pas pourtant pas si mauvais Même son de cloche du côté du public. Déjà contre la Tanzanie, des «Zaki ! Zaki !» étaient descendus des travées du Grand Stade de Marrakech. Des clameurs parfaitement audibles dans un stade presque vide, signe du désamour entre le coach et les supporters. Un désaveu réitéré lors du match contre la Gambie. Taoussi venait pourtant de remporter une deuxième victoire consécutive. Il semble cependant que la défaite en Tanzanie (1-3) au mois de mars n'ait toujours pas été digérée par l'opinion publique marocaine. «Elle a jeté un froid et qui a lourdement miné nos chances d'aller en Coupe du Monde. C'est de là que tout est parti» analyse Najib Salmi, journaliste sportif, contacté par Lakome. Il faut pourtant se rappeler que le bilan de Taoussi à la tête des Lions de l'Atlas n'est pas ridicule. La défaite de mars était sa première en match officiel sur le banc des Lions de l'Atlas. Il n'a d'ailleurs connu que deux défaites en tout, depuis sa nomination en septembre, pour 6 victoires sur un total de 12 matches. Rappelons aussi que malgré une regrettable élimination dès le premier tour de la CAN 2013, le Maroc a quitté le tournoi invaincu. Que peut-on lui reprocher ? «Dans ces éliminatoires, le Maroc est la seule équipe de la poule qui ait réussi à prendre un point à la Côte d'Ivoire. De l'autre côté la Gambie, dernière du groupe, a obtenu son seul point dans ces grâce au Maroc. C'est un mystère», fait remarquer Najib Salmi. Une analyse résume bien la situation du Maroc, souvent capable du meilleur comme du pire. Il faut aussi rappeler que Taoussi a pris en main une équipe, alors dirigée par Gerets, qui avait déjà laissé des points contre la Gambie (1-1) et la Côte d'Ivoire (2-2) dans ces éliminatoires. Peut-on lui en vouloir de n'avoir pu redresser la barre en une moitié de tournoi ? Aurait-il fait mieux s'il était aux commandes dès le départ ? Il est difficile d'avoir des certitudes sur ces questions. En revanche les neufs premiers mois de l'ère Taoussi ont déjà permis de dégager certains enseignements. Ainsi, la plupart des observateurs s'accordent sur le manque d'homogénéité au sein de la sélection. Pour Hamadi Hamidouch, ancien sélectionneur des Lions de l'Atlas, Taoussi n'a pas encore trouvé la formule. «Il n'a pas su imposer un style de jeu. Il n'a pas pu trouver une équipe qui aurait pu donner un peu plus que ce qu'on a vu jusqu'à présent (...) Malgré ses victoires, je ne pense pas qu'il ait trouvé une équipe sur laquelle on peut compter en 2015», a-t-il confié à Lakome. Najib Salmi constate pour sa part, que dans les listes de Taoussi «il y a 15 ou 17 clubs différents. C'est beaucoup.» Le problème du Mountakhab n'est donc pas un problème de qualité, mais plutôt celui d'une osmose qui n'a pas encore été réalisée entre les talents qui cohabitent au sein de la sélection. Un grand chantier, mais combien de temps ? Officiellement, le contrat proposé à Rachid Taoussi (un an renouvelable) court jusqu'en octobre 2013. Deux tests attendent Taoussi avant le verdict de la FRMF sur sa situation. Le premier, sans doute le plus important, consistera à qualifier la sélection des joueurs locaux pour le prochain Championnat d'Afrique des nations (CHAN) qui se tient en 2014 en Afrique du Sud. Le Maroc devra croiser le fer avec la Tunisie, championne en titre, les 6 et 13 juillet prochains, pour décrocher une première qualification en trois éditions. Réussir ce test enverra immanquablement un signal positif au public et aux dirigeants de la FRMF. Il donnera également à Taoussi les premières dates de son agenda pour la préparation de la CAN 2015. En effet, en cas de qualification, les matches de préparation et surtout les matches de la phase finale de la compétition fourniront des sparring partners de choix aux joueurs locaux. Le dernier test consistera à terminer la campagne des éliminatoires pour le mondial 2014 sur une bonne note, en septembre, en Côte d'Ivoire. Une question d'honneur mais qui posera les bases du travail de reconstruction qui attend la sélection jusqu'à la prochaine CAN. La seule inconnue reste alors l'identité du chef de ce grand chantier de reconstruction après septembre. Les noms de Baup et Domenech ont récemment été cités pour remplacer Taoussi, même si la FRMF n'a rien confirmé, signe que l'idée du retour d'un entraineur étranger est dans les esprits. Cependant elle ne s'impose pas comme la solution unique vu que les observateurs s'accordent sur le fait que Taoussi a besoin de modifier son approche pour avoir plus de succès. Jusqu'en 2015, il a donc le temps de se préparer en tirant les leçons de ses erreurs. La FRMF avait bien attendu une septième défaite de Gerets avant de le mettre à la porte.