De nombreuses familles touchées par le séisme du 8 septembre de l'année dernière dans la région de Marrakech-Safi peinent encore à retrouver une vie normale. Interrogées par Yabiladi, elles pointent une aide insuffisante, ainsi que la lenteur et les retards des chantiers de reconstruction. Près d'un an après le séisme dévastateur qui a frappé les provinces d'Al Haouz (région de Marrakech-Safi) et de Taroudant (Souss-Massa), faisant près de 3 000 morts, de nombreuses familles touchées ont toujours du mal à trouver un abri. Entre retards et obstacles, certaines parmi elles se disent également exclues de l'aide. Peu après le tremblement de terre de magnitude 6,8 qui a frappé la région, le gouvernement a annoncé un plan de reconstruction et de financement pour reloger les populations sinistrées. Les familles qui ont entièrement perdu leur maison ont reçu 140 000 dirhams à cet effet, tandis que celles dont les habitations ont été partiellement endommagées ont perçu 80 000 DH. Mais selon des associations locales et des rescapés, certaines familles qui estiment avoir droit aux fonds de reconstruction affirment en avoir été exclues. Parmi celles ayant ont reçu une aide, certaines signalent des retards et des irrégularités. Un membre d'une association locale de Moulay Brahim, commune rurale d'Al Haouz fortement touchée par le séisme, a décrit la situation comme une «réalité amère». Un processus long «Aucune famille n'a pu entièrement ni se réinstaller dans ses maisons, ni parachever les travaux de reconstruction», a-t-il expliqué. Dans cette seule zone, plus de 200 familles ont perdu leurs maisons à cause du séisme. «Seules 15 ont commencé à reconstruire, et elles en sont tout juste au stade de la pose des tôles. Six autres en sont encore au début, faute d'équipements nécessaires», a ajouté la même source. Ces difficultés sont dues en premier lieu au montant accordé à ces familles – 80 000 dirhams – qui, selon le militant des droits humains, «est totalement insuffisant, d'autant qu'il est distribué en quatre tranches de 20 000 dirhams chacune, alors que le coût de reconstruction d'une maison est d'environ 120 000 dirhams». Par conséquent, beaucoup sont obligées de recourir à des emprunts pour achever le processus de construction. «Plus de 120 familles vivent dans des abris temporaires, comme les tentes, ce qui est un nombre important. En tant qu'association, nous avons acheté des maisons pour 20 familles et installé 50 conteneurs avec de l'eau et de l'électricité pour les personnes ayant des besoins spéciaux, les malades et les femmes qui ont accouché pendant cette période», a-t-il indiqué. Selon le militant, aucun progrès tangible n'a été réalisé dans la reconstruction des maisons endommagées, notamment dans les zones désignées comme «rouges» où la construction est interdite. «Ces zones regroupent la moitié de la population touchée ici (100 familles), et la recherche de sites de relogement adaptés est toujours en cours». L'activiste indique que près de 30% de la population touchée à Moulay Brahim n'a pas bénéficié de l'indemnisation. «Les touristes avaient pour habitude de visiter le mausolée et la zaouïa, qui ont également été endommagés et sont en train d'être reconstruits», a-t-il noté. «Autrement dit, Moulay Brahim a subi une paralysie économique générale». «A ce jour, les décombres de cette catastrophe n'ont pas été déblayés, aucun accord n'a été trouvé avec les hôteliers et les commerçants, et aucune mesure concrète n'a été prise pour inciter les gens à revenir à Moulay Brahim et à reconstruire la zone», a-t-il soutenu. Obstacles à la reconstruction Les habitants de Talat N'Yaaqoub, dans la province d'Al Haouz, également touchée par le séisme, expriment des inquiétudes similaires. Les rescapés, qui ont reçu des fonds pour reconstruire leurs maisons endommagées ou complètement détruites, ont jugé ce montant «insuffisant». «D'abord, les prix des matériaux de construction sont élevés», explique un membre d'une association locale. «Les fonds commencent par une première tranche de 20 000 dirhams, ce qui n'est même pas suffisant pour poser les fondations», explique-t-il à Yabiladi. Selon lui, le reste de la tranche n'est alloué qu'une fois les fondations posées. «Certaines familles ont dû débourser de l'argent pour reconstruire. Même celles qui ont reçu le premier versement attendent toujours le deuxième, qui prend trop de temps», a-t-il expliqué. L'activiste a également signalé que certaines familles touchées ont été empêchées d'utiliser des techniques et des matériaux locaux lors de la reconstruction, «qui sont moins chers», selon lui. Par ailleurs, la même source a souligné un autre problème auquel certaines familles seraient confrontées : «Si une maison endommagée abritait trois ou quatre familles, une seule bénéficierait de l'aide au logement. Où sont censées aller les autres ?», s'est-il demandé. Des ménages exclus Dans d'autres villages, certains survivants affirment avoir été «exclus» des fonds gouvernementaux alloués aux ménages sinistrés. A Tanamart, Adassil, dans la province de Chichaoua, Said Akhomach a déclaré qu'aucun fonds de reconstruction ou de réhabilitation ne lui avait été accordé, alors que sa maison avait été fissurée lors du séisme. «Notre village compte 140 foyers, mais seulement 30 d'entre eux ont reçu des fonds pour commencer la reconstruction», a-t-il déclaré à Yabiladi aujourd'hui. Akhomach, qui est membre d'une association locale, a déclaré que «certaines maisons sont sur le point de s'effondrer. Malgré les tentatives de protestation et d'expression de notre frustration, rien n'a changé». «Lorsque la commission en charge de la question a visité ma maison, elle a décidé qu'elle devait être démolie et que je pouvais la reconstruire», a-t-il ajouté. «Mais il s'est avéré que ce n'était pas le cas. Mon nom n'était pas inscrit sur la liste des bénéficiaires des fonds, ni pour la reconstruction, ni pour la reconstruction», a-t-il déploré. «Je continue à vivre dans cette situation parce que je n'ai pas d'autre choix. J'ai déposé plainte à deux reprises, mais rien n'y fait. Je ne suis pas le seul, beaucoup d'autres riveraibs sont confrontés à des difficultés similaires», a-t-il affirmé. Said Alhoucine, de Tasskourt, un village de la province de Chichaoua, a pour sa part affirmé que «la lutte continue». Alhoucine, qui est président de l'Association de Tasskourt pour le développement, a dénoncé ce qu'il qualifie d'«irrégularités». Dans son entretien avec Yabiladi, il a expliqué que dans son village, «ceux qui n'ont pas reçu de fonds ont tout simplement été informés qu'ils n'étaient pas inclus». D'autre part, «certains ménages ont été jugés inéligibles aux fonds, alors que leurs maisons étaient clairement affectées, tandis que d'autres ont reçu des fonds alors que leurs maisons n'étaient pas endommagées», a-t-il affirmé. Il a en outre affirmé que «10 des familles qui ont bénéficié des fonds ne vivent même pas ici à l'année ; elles vivent à Casablanca», tandis que «d'autres qui vivent au village à l'année sans autre logement n'ont rien reçu». Une situation frustrante Dans d'autres villages, les progrès sont jugés lents, même un an après le drame. A Angokht, un village de la commune d'Imindounit, sur 120 ménages, quarante n'auraient «reçu aucun financement un an après le séisme», a déclaré Mohamed Al Guamal, président de l'Association pour le développement et la solidarité d'Angokht, insistant sur le fait qu'Imindounit est l'une des zones les plus touchées par le séisme. «Certaines familles vivent encore dans des abris de fortune. Une association a aidé à construire des maisons temporaires, des dalakits, où deux familles se partagent chacune une maison», a-t-il déclaré. «Notre association a tenté de faire entendre la frustration des habitants, en déposant de nombreuses plaintes et en alertant les autorités, mais sans succès. Nous voulons que les personnes qui méritent vraiment d'être financées reçoivent le soutien financier dont elles ont besoin», a-t-il conclu. Les derniers chiffres communiqués lundi 2 septembre indiquent que 49 632 logements ont été construits, suite à la délivrance de 55 142 autorisations de reconstruction. La première tranche de 20 000 dirhams pour la reconstruction et la réhabilitation des logements a été perçue par 57 805 familles, la deuxième tranche par 20 763 familles, la troisième tranche par 8 813 familles et la quatrième et dernière tranche par 939 familles. Par ailleurs, onze des douze mensualités de la subvention de 2 500 dirhams ont été versées, bénéficiant à 63 862 familles.