Au lendemain de sa création, le Front Polisario a évité toute relation avec l'Union soviétique. Il a aussi refusé de s'allier à Cuba et à la Libye, par crainte de la réaction de l'Algérie, qui impose un «contrôle relativement strict» sur les décisions du mouvement séparatiste. En 1983, un document de la CIA (aujourd'hui déclassifié) révélait ce contrôle algérien. Depuis sa création, le Front Polisario est conscient de son incapacité à établir de relations avec des pays ou des organisations extérieures, sans l'approbation de l'Algérie. C'est ce qui explique ses réticences, durant les années 1970 et 1980, à envisager une alliance solide avec l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), considérée comme une superpuissance. Daté du 1er avril 1983 et déclassifié en juillet 2011, un document de la CIA affirme en effet que l'Algérie «contrôle les relations entre la Libye et le Front Polisario». Dans ce sens, l'agence de renseignement américaine fait savoir que le voisin de l'Est «n'autorisera pas une coopération qui nuirait, d'une manière ou d'une autre, à ses intérêts». Cela inclut notamment «le droit de transit des armes libyennes destinées au Front Polisario et les demandes d'autres formes d'assistance de Tripoli, pour que les rebelles et leurs familles puissent passer par les points de contrôle algériens». D'ailleurs, le document décrit la Libye comme «l'autre sponsor majeur du Front Polisario», d'autant que Tripoli a fourni à ce dernier «la plupart de ses principaux systèmes d'armes». En plus des «véhicules blindés, missiles SA-6 et lance-roquettes multiples», elle est disposée à continuer son appui aux rebelles. Mais pour sa part, le mouvement séparatiste n'a pas considéré Mouammar Kadhafi comme un «allié fiable». Dans le cadre d'un rapprochement avec le Maroc pour le rétablissement de relations diplomatiques, permettant à Kadhafi d'avoir le soutien du roi Hassan II (1962 – 1999), le général libyen a déjà suspendu son aide aux milices. Appelé Traité d'Oujda, l'accord bilatéral à cet effet a eu une courte vie, après laquelle Tripoli a repris son appui au Polisario. Pour les séparatistes, ces événements laissent penser que l'Algérie serait leur «principal donateur», voire «le seul capable de leur fournir un refuge durable et un soutien logistique». Sahara-CIA files #4 : Face au rapprochement entre Hassan II et Kadhafi, l'Algérie a impliqué l'Iran L'URSS et Cuba Plus loin, le document confirme que l'Union soviétique a pris «des initiatives à l'égard du Front Polisario, en fournissant une assistance directe, y compris des armes». Mais les séparatistes se montrent «réticents à établir une relation directe avec Moscou, de peur que ce [rapprochement] ne mette en péril les relations extrêmement importantes avec les Algériens, qui veulent éviter d'internationaliser le conflit». Dans le temps, selon le document, l'Algérie a voulu «réduire sa dépendance à l'égard de l'Union soviétique et améliorer ses relations avec les Etats-Unis». Elle redoute également que «les investissements soviétiques dans le Front Polisario ne conduisent qu'à une plus grande aide américaine au Maroc, pouvant conduire [Rabat] et [Alger] à une confrontation directe». Le document explique que le Front Polisario a «publiquement menacé de demander l'aide soviétique, mais hésite à franchir le pas». «Même si nous pensons que cela est peu probable à ce stade, le Front Polisario pourrait, en fin de compte, considérer que l'internationalisation du conflit et le fait d'accepter l'aide soviétique seraient la seule solution. Pour autant, cela ne se fera pas sans le feu vert de l'Algérie.» Document de la CIA Le document poursuit : «Bien que le Front Polisario ait rejeté la plupart des offres d'assistance militaire de Cuba, il a accepté une certaine aide. Nous n'avons pas pu confirmer les accusations marocaines selon lesquelles un grand nombre de conseillers cubains auraient travaillé avec le Front Polisario au Sahara occidental. L'Algérie verrait l'aide cubaine au [mouvement] du même œil que les relations étroites entre l'Union soviétique et le Front Polisario. Les éventuels risques pour le Polisario seront similaires. Nous ne pensons pas que le Front Polisario défiera l'Algérie.» Sahara-CIA files #2 : En 1985, Mouammar Kadhafi a admis avoir créé le Polisario Le Front Polisario, un outil d'hostilité pour l'Algérie contre le Maroc Concernant la Mauritanie, le document indique qu'elle n'a fourni «aucune aide au Front Polisario, mais qu'elle n'a pas pu empêcher les rebelles d'utiliser son territoire». «Bien que le président Haidalla sympathise avec la cause des rebelles, il souhaite rester en dehors du conflit», souligne la CIA. «Tant que les Algériens maintiendront un contrôle relativement étroit sur le Front Polisario», conclut le document, «il est peu probable que les milices soient capables de défier sérieusement le Maroc, d'une manière qui pourrait déstabiliser le pays à court terme». De plus, «la position actuelle semble garantir qu'il n'y aura pas d'escalade du conflit. Ce dernier pourrait conduire à une guerre plus large entre le Maroc et l'Algérie, ou à un test sérieux de la profondeur de l'engagement américain envers [Rabat], si la politique d'[Alger] change en raison de problèmes internes ou de rivalités». La CIA informe, dans ce sens, qu'en raison d'un changement dans les problèmes internes, dans le leadership ou à cause d'inquiétudes quant aux tactiques offensives marocaines, l'Algérie pourrait se servir du Front Polisario comme un outil approprié à mobiliser contre Rabat, que ce soit dans un contexte militaire ou diplomatique. Article modifié le 10/05/2024 à 14h17