Cela fait plus de cent jours que les habitants de la ville de Figuig manifestent contre la décision de leur municipalité, qui a délégué la gestion d'eau potable et d'électricité au groupement intercommunal de distribution dans la région (Oriental Distribution). Hier, des figures du mouvement protestataire ont été arrêtées, ce qui a attisé le climat de tensions. Depuis plus de 100 jours, la ville de Figuig connaît des manifestations. Les habitants exigent l'annulation d'une décision du conseil municipal, qui a attribué la distribution d'eau potable, d'électricité et d'assainissement au groupement intercommunal de la région (Oriental Distribution). Cette passation est considée par les riverains comme une démarche de privatisation d'un secteur vital, dans une zone où l'accès aux ressources hydriques est déjà difficile. Membre du conseil municipal, Ali Zizah a déclaré à Yabiladi que tout avait commencé fin octobre 2023, lors de la tenue d'une «session extraordinaire du Conseil (26 octobre 2023), qui a abordé trois points», y compris l'adhésion au groupement intercommunal pour lui attribuer la distribution d'eau potable et d'électricité, le traitement et l'assainissement. Selon le responsable, le conseil a refusé à l'unanimité cette initiative. «Le lendemain, nous avons été surpris que le préfet convoque le président de la commune et certains de ses adjoints à Bouarfa. Le président m'a dit qu'il était question de discuter les raisons de ce refus. Je l'ai mis en garde contre toute démarche dans laquelle le conseil ne serait pas consulté en amont.» Ali Zizah Deux jours plus tard, le président a convoqué les membres du conseil. «Il nous a dit que nous tiendrions une autre séance, afin d'attribuer le secteur de l'eau au groupement intercommunal, sachant que la gestion de l'eau est l'une des seules sources de revenus de la commune, considérée parmi celles ayant les recettes les plus limitées au Maroc», a ajouté Ali Zizah. Ce dernier a confié que la décision leur est tombée dessus «comme un couperet». «Contrairement à ce qui pourrait être prétendu, nous avons su désormais que le conseil municipal n'était pas maître de ses décisions. Depuis ce jour, la population manifeste presque quotidiennement», a ajouté l'élu local. La commune de Figuig réagit Réagissant à la situation, la commune de Figuig est finalement sortie de son silence. Dans un document à l'attention des habitants, elle a affirmé que ses membres n'avaient subi aucune pression de la part des autorités régionales pour les faire changer de position quant à la gestion de la distribution d'eau potable dans la ville. «Le vote unanime des membres lors de sa session extraordinaire, tenue le 26 octobre 2023, portant sur le refus d'adhérer à la Société de l'Oriental, visait à préserver l'équilibre financier de la commune, qui pourrait perdre près de 2,2 millions de dirhams provenant des recettes de ce secteur», fait savoir le document. Selon la même source, la révision de cette décision s'expliquerait par «une entente avec l'autorité régionale», à travers un commun accord trouvé entre les deux parties, en vertu duquel la première s'engage à garantir le remboursement du déficit à la collectivité. Cette option, toujours selon le document, a finalement été approuvée par la majorité des membres de la municipalité de Figuig, lors de sa séance extraordinaire tenue le 1er novembre 2023. Un tournant dans les manifestations Alors que les habitants ne decolèrent pas, un incident survenu mercredi 14 février a attisé les tensions. «Hier, le pacha a agressé physiquement et verbalement une femme, après que cette dernière lui a demandé une autorisation pour creuser un puits. Le soir, une marche spontanée a eu lieu et le militant Mohamed Ibrahimi, a fait un discours dans lequel il a déclaré qu'à cause de ce virage dangereux, tout pourrait arriver au pacha. Il a alors été convoqué et arrêté», nous raconte Ali Zizah. Le membre du conseil communal a estimé que cette arrestation «ne ferait pas reculer le mouvement». «Ce sont ces habitants qui nous ont élus et nous sommes avec eux. Aujourd'hui, nous nous sommes retirés de la session de février du conseil», a-t-il ajouté auprès de notre rédaction. Alami Harouni, coordinateur du «Comité national de soutien au mouvement de la ville de Figuig et aux revendications des citoyens de la région de l'Oriental», a déclaré à Yabiladi qu'un convoi de solidarité en direction de la ville est prévu. «Nous exigeons un dédommagement à Figuig. Les recommandations de l'Instance équité et réconciliation (IER) prévoyaient une réparation collective, à travers des investissements publics. L'accès difficile à l'eau ne fera que vider les poches des riverains alors que ces derniers s'opposent à cela.» Alami Harouni Selon le militant, le dialogue avec la société civile est dans l'impasse, dans un contexte où les incidents de la veille ont accru les tensions. Dans ce sens, Alami Harouni dit «tenir le pacha de la ville de Figuig responsable de ce qui s'est passé».