Depuis 5 ans, contre 4 prévus, le CCME travaille théoriquement à la proposition de réformes des politiques publiques marocaines à destination de la diaspora marocaine. Pourtant, sa direction n'a rendu aucun rapport final. Abdelkrim Belguendouz, chercheur spécialisé en matiére de migration, à Rabat, explique, notamment, le silence du CCME par de graves problèmes de fonctionnement interne. Heureusement que le Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger (CCME) a été constitutionnalisé. Sinon, son avenir aurait été très incertain et compromis au vu de la médiocrité des résultats obtenus jusqu'ici, comparés au cahier de charges déterminé il y a de cela cinq ans par le dahir royal numéro 1.07.208 du 21 décembre 2007, portant sa création. Certes, un certain nombre de rencontres, de colloques et d'activités d'ordre culturel (cinéma, expositions, scène musicale) ou éditorial (édition de livres présentés notamment au SIEL à Casablanca) ont été organisés dans le cadre des «événements du Conseil» ou en partenariat avec des organismes très différents. Ils ont eu une grande visibilité médiatique et des effets d'annonce. Mais ces activités, qui sont à prendre en considération, ne vont pas à l'essentiel des missions fondamentales de l'institution. Aucun avis consultatif Conçu comme une instance consultative, le Conseil n'a présenté jusqu'ici, contrairement à ce que stipule l'article 2 du dahir, aucun avis consultatif. Son champs d'attribution en matière de suivi et de propositions de réforme des politiques publiques marocaines en direction des citoyens marocains à l'étranger est pourtant très vaste. Créé aussi comme structure de prospective, le CCME devait produire, selon l'article 4 du dahir, tous les 2 deux ans, un rapport stratégique dans le domaine de l'émigration marocaine, or aucun rapport de ce genre n'a été élaboré à ce jour. Par ailleurs, et en violation du même dahir, l'avis consultatif concernant le futur conseil, qui devait initialement remplacer la première version après une période de quatre ans, n'a pas été élaboré. La composition même de l'institution, fixée à 50 nominations, n'est pas allée au delà de 37 personnes nommés par le Roi, et au niveau de la gouvernance, la défaillance a été absolue. Dirigé, selon des témoignages internes, de manière très autoritaire et sans partage, sous l'ombrelle d'un dahir sur mesure et d'un règlement intérieur tatillon, le Conseil n'a tenu que l'assemblée générale de lancement à Rabat les 6 et 7 juin 2008, alors que l'article 14 du dahir prévoit une assemblée plénière, chaque année en novembre, afin notamment de fixer le plan d'action, de déterminer le budget, d'évaluer les actions entreprises, de statuer sur les recommandations, les divers rapports ainsi que les projets d'avis consultatifs préparés par les groupes de travail internes au Conseil. La liste des «nominés» controversée Contrairement à une idée largement véhiculée en coulisse par les responsables du Conseil, ces anomalies, dysfonctionnements et non respect des textes, ne sont pas dus à des considérations protocolaires qui échappent à leur volonté. Elles sont en fait fondamentalement liées, d'une part, aux conditions très discutables et controversées de l'établissement de la liste des «nominés» proposés par l'ex-CCDH pour le CCME, d'autre part, aux graves problèmes de gestion et de fonctionnement du Conseil dont sont responsables les membres du trio dirigeant qui refuse de rendre des comptes aussi bien en interne qu'au niveau parlementaire par le biais du président. Ceci, rappelons-le, a failli faire aboutir un amendement de la majorité à la Chambre des représentants, consistant à faire baisser le budget 2013 du Conseil de 49 à 9 millions de dirhams, «en raison de l'absence de transparence dans la gestion financière du CCME», comme ceci était précisé par écrit dans l'explication de la justification du projet d'amendement. L'avenir du CCME, qui est un acquis important en soi, dépend maintenant de toutes les leçons à tirer de sa conception initiale sur la base de l'avis consultatif très controversé de l'ex-CCDH, de la gestion défectueuse du Conseil suivie jusqu'à présent et de la manière dont l'article 163 de la nouvelle Constitution va être opérationnalisé. Jusqu'ici, le plan législatif annoncé par le gouvernement pour la présente législature n'a pas encore été rendu public. S'agissant plus particulièrement du projet de loi concernant le futur Conseil, et compte tenu de la sensibilité de la thématique et de son caractère stratégique, il serait hautement souhaitable que sa préparation, dans le cadre de consultations démocratiques et ouvertes et d'un véritable débat national, se fasse avec la participation d'une commission spéciale désignée par Sa Majesté le Roi. Coller au discours royal L'exigence de changement concernant le CCME est d'actualité. À notre sens, il s'agit déjà de traduire dans la pratique la vision royale pertinente selon laquelle ce Conseil doit être, au plan de la communauté marocaine à l'étranger : «constitué de façon démocratique et transparente et bénéficiant de toutes les garanties de crédibilité, d'efficience et de représentativité authentique» (discours royal du 6 novembre 2005 à l'occasion du 30e anniversaire de la Marche Verte) ou, selon des précisions ultérieures, «alliant dans sa composition les exigences de compétence, de crédibilité et de représentativité» (discours du Trône du 30 juillet 2006) ainsi que «d'efficacité» (discours royal du 6 novembre 2006). En somme, dans le cadre des grandes avancées de la Constitution du 1er juillet 2011, en particulier en direction des citoyens marocains à l'étranger (articles 16, 17, 18, 30,163), il s'agit d'attribuer au CCME, les qualités qui lui ont fait défaut jusqu'à présent, dont la nécessaire parité, aussi bien au niveau des membres, que des instances de direction de l'institution elle même.