Le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) soulève depuis des années des interrogations légitimes et persistantes quant à son utilité, son efficacité et sa transparence. Malgré son statut d'institution constitutionnelle, ce conseil semble se contenter d'une existence purement médiatique, investissant sporadiquement dans la presse nationale sans pour autant apporter de réponses claires sur ses actions concrètes, ses orientations stratégiques, ou l'utilisation de son budget. Un «conseil fantôme» — déplore un membre de la diaspora en France. «Le président de l'institution Idriss El Yazami et le secrétaire général Abdellah Boussouf n'affichent aucun réel engagement auprès des Marocains résidant à l'étranger», a-t-il regretté. La réforme proposée par le roi Mohammed VI, mercredi 6 novembre, vient donc à point nommé et constitue un aveu de l'échec structurel de ce conseil à remplir ses missions initiales. Le monarque appelle ainsi à une refonte en profondeur de cette institution et à la création de deux entités distinctes : un nouveau Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, qui serait enfin en mesure de jouer un véritable rôle de réflexion et de proposition, et une fondation opérationnelle, chargée de coordonner et de mettre en œuvre une stratégie cohérente et efficace au service des Marocains à l'étranger. Le CCME, institué pour représenter les intérêts et aspirations des plus de 5,4 millions de Marocains résidant à l'étranger (2020), a suscité de nombreuses critiques liées à son manque d'efficacité, d'effet mesurable, de transparence dans la gestion de ses ressources et, récemment, des relations troubles d'un de ses membres avec un agitateur notoire. Créé en 2007, ce conseil devait répondre aux besoins pressants d'une diaspora dont les transferts financiers représentent environ 10 % du PIB marocain — soit une contribution dépassant les dix milliards de dollars par an, selon des chiffres officiels. Une institution opaque Depuis sa création, le CCME n'a pas publié de rapport détaillé ni de bilan financier complet accessible au public, ce qui rend difficile l'évaluation de ses réalisations. Les quelques documents disponibles indiquent que le CCME aurait organisé des rencontres et publié des études. Pour une institution dotée d'un budget annuel estimé entre 30 et 40 millions de dirhams, les résultats concrets restent limités, en particulier au regard des attentes de la diaspora qui réclame des mesures plus tangibles et orientées vers des besoins spécifiques : accès aux services consulaires, simplification des démarches administratives, et soutien aux initiatives entrepreneuriales. Selon les dernières données de la Cour des comptes marocaine, consultées par Barlamane.com, le CCME n'a consacré qu'une faible part de ses moyens, pourtant considérables, aux missions de soutien direct aux Marocains de l'étranger, privilégiant des dépenses en communication et en relations publiques. Les informations disponibles sont insuffisantes pour évaluer l'incidence directe de ces actions sur la communauté marocaine, laissant planer un doute sur l'efficacité réelle d'un organe primordial. Des attentes renouvelées pour une réforme structurelle Face à ce constat, l'initiative royale pour restructurer les institutions en charge de la diaspora apparaît comme un acte salutaire et indispensable. La proposition d'un nouveau Conseil de la communauté marocaine à l'étranger et d'une Fondation Mohammedia pour les Marocains résidant à l'étranger vise à ériger un plan centré, entre autres, sur une rationalisation des interventions menées et la création d'un «mécanisme national de mobilisation des compétences» pour encourager l'investissement et la participation des Marocains du monde dans le développement national. Actuellement, la contribution des Marocains de l'étranger aux investissements privés nationaux reste inférieure à 10 %, un chiffre qui contraste fortement avec l'engagement financier massif de la diaspora par le biais des transferts de fonds. Un déficit de gestion et de transparence à combler Selon les sources de Barlamane.com, la réussite de cette réforme dépendra de plusieurs points. La gestion des budgets alloués «doit être repensée avec un système de suivi budgétaire renforcé et des comptes rendus réguliers pour garantir l'utilisation efficace des fonds publics» afin de concrétiser «des retours d'investissement positifs avec une transparence accrue.» Par ailleurs, «une évaluation objective et chiffrée des résultats est nécessaire pour mesurer le poids réel de ces entités. La diaspora pourrait être impliquée dans des panels d'évaluation périodiques pour valider les actions entreprises et orienter les ajustements nécessaires», a-t-on précisé. En définitive, la restructuration du CCME et la création de la Fondation Mohammedia constituent des étapes «prometteuses», mais leur succès dépendra «de leur capacité à agir de manière transparente, documentée et chiffrée.» Une gouvernance «rigoureuse et une reddition de comptes régulière permettront non seulement de gagner la confiance de la diaspora, mais aussi d'inscrire ces efforts dans une dynamique pérenne et mesurable», a-t-on insisté.