En Israël, des médias ont qualifié d'«antisémites» les manifestations de soutien à la Palestine, qui se déroulent dans de nombreuses villes marocaines depuis deux mois. Selon eux, ces rassemblements traduisent un changement de l'opinion sociétale au Maroc à l'égard des juifs, au lendemain de l'opération menée par le mouvement de résistance islamique Hamas, le 7 octobre, sur les colonies les plus proches de la bande de Gaza. Depuis le début de l'offensive israélienne sur la bande de Gaza, il y a plus de deux mois, le gouvernement et les médias de l'Etat hébreu ont vigoureusement promu l'idée que l'antisionisme et l'antisémitisme seraient les deux faces d'une même médaille. Le but est ainsi de faire taire toute critique de la politique d'occupation, qui se poursuit à travers l'intensification des opérations aériennes et terrestres dans les territoires palestiniens. Alors que l'antisémitisme est considéré comme la haine des juifs en raison de leur religion, l'antisionisme fait plutôt référence à l'opposition à l'idéologie sioniste. C'est donc l'expression d'une critique de la politique spécifique suivie par le gouvernement israélien, basée sur le déplacement forcé du peuple palestinien et son expulsion de ses terres, afin d'établir un Etat juif dans la région historique d'Israël, mentionnée par la Torah. Le Maroc n'a pas fait exception de la campagne médiatique d'Israël, qui a visé les expressions de soutien à la Palestine dans plusieurs régions à travers le monde. Dans ce sens, les manifestations ayant eu lieu dans plusieurs villes marocaines ont été qualifiées d'actions antisémites. Dans un article intitulé «Les juifs marocains songent à l'avenir : ce n'est pas le pays que nous connaissions», le Jewish News Syndicate a rapporté que nonobstant l'amélioration des relations entre le Maroc et Israël au cours des dernières années, «des dizaines de milliers de Marocains sont descendus dans les rues, après le 7 octobre, et beaucoup ont scandé des slogans antisémites ou affiché des banderoles contre le sionisme, pour la Palestine et pour le Hamas». Plus loin, l'agence a cité Kobi Ifrah, membre-fondateur de l'ONG Kolna pour la promotion du patrimoine judéo-marocain. Selon lui, «de nombreux juifs israéliens considèrent le Maroc comme leur deuxième maison». «Depuis le début de la guerre, nous considérons les manifestations ici comme une expression de haine contre les juifs et les israéliens, aussi bien qu'un avis en faveur du Hamas», a-t-il poursuivi. «Nous nous attendions à des degrés élémentaires de solidarité ; nous ne les avons pas eus», a encore déclaré l'associatif. L'agence a par ailleurs soutenu que de nombreux restaurants casher avaient été fermés au Maroc, après le 7 octobre. Aussi, des pèlerinages juifs (Hiloula) ont été annulés. La même source cite un acteur de la production casher et des célébrations religieuses juives, Raphael Trojman, selon qui la situation aurait changé «du jour au lendemain». En l'espèce, il pense que «les juifs doivent réévaluer leur lien avec le pays et leur relation avec les Marocains, jusqu'à ce que les autorités clarifient leur position envers les juifs marocains et les Israéliens». «Autrement, nous déplacerons nos activités ailleurs», a-t-il fait miroiter. Un «antisémitisme» trouvant écho auprès de la classe politique De son côté, le journal Israël Hayom a consacré un article à ce même sujet. En référence aux manifestations de solidarité avec les Palestiniens, il renchérit que «l'antisémitisme s'est intensifié au Maroc, après l'attaque du 7 octobre». L'écrit va jusqu'à évoquer la présence d'un «sentiment anti-israélien». Plus loin, la même source accuse d'antisémitisme des personnalités politiques marocaines, à commencer par l'ancien chef du gouvernement et actuel secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane. En cause, ce dernier a précédemment formulé des critiques à l'encontre de la politique d'Israël, tout en exprimant son soutien au mouvement Hamas, qualifié de «terroriste» dans l'article. Le journal porte la même accusation contre l'ancienne secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU), Nabila Mounib. Il rappelle que la députée de gauche accuse «un juif marocain nommé Guy Déry, âgé de 80 ans, d'être un infiltré sioniste auprès du gouvernement marocain, alors qu'il y travaille depuis de nombreuses années». La même source a ajouté que Nabila Mounib avait «affirmé que la plupart des descendants des juifs marocains avaient participé à une guerre contre nos frères en Palestine et avaient massacré un grand nombre d'entre eux». «Est-ce un juif ? Non. C'est un sioniste. Le sionisme est une idéologie extrémiste et dangereuse», avait-elle dit, reprise par le média. La campagne médiatique israélienne ne se limite pas au Maroc. Depuis le début de la guerre en cours dans la bande de Gaza, Israël, ses médias et les pays qui la soutiennent s'obstinnent à accuser quiconque s'oppose à la politique du gouvernement d'extrême droite de Tel-Aviv d'être «antisémite». L'antisémitisme est aussi délibérément confondu avec l'opposition au sionisme, afin de réprimer toute critique dirigée contre Israël, dans le contexte de ses crimes quotidiens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, lesquels ont coûté la vie à des dizaines de milliers de civils, depuis le 7 octobre, y compris un grand nombre d'enfants.