Actuellement dans les rangs de l'opposition, le PJD bénéficie d'une marge de manœuvre assez large pour exprimer haut fort son soutien au mouvement palestinien Hamas, saluer les attaques menées, le 7 octobre, par sa branche armée et même demander l'expulsion du chef du bureau de liaison israélien au Maroc. La guerre à Gaza offre au PJD une occasion d'effectuer son grand retour sur la question palestinienne. Les islamistes, autrefois pointés du doigt par des organisations marocaines et arabes pour avoir signé la déclaration tripartite du 22 décembre 2020 entre le Maroc, les Etats-Unis et Israël, se positionnent, depuis le 7 octobre, comme l'un des principaux animateurs de la vague de solidarité avec les Palestiniens au Maroc. Cet appui des islamistes de la formation de la Lampe répond-t-il à des considérations politiciennes ? Une question que Yabiladi a partagée avec Abdelali Hamieddine, ancien conseiller parlementaire du PJD, et l'universitaire Driss Kassouri. «Par ce soutien inconditionnel à la résistance palestinienne, le PJD ne fait que réaffirmer ses positions traditionnelles contre la normalisation, bien inscrites dans les résolutions des sessions de son conseil national et le secrétariat général», explique Hamieddine. «Il ne s'agit ni de surenchères politiciennes, ni d'une tentative de notre parti de tourner la page de la signature de la déclaration tripartite. En décembre 2020, nous avons assumé notre responsabilité à la tête du gouvernement au service des intérêts de la nation. Maintenant, le parti est dans l'opposition, et sa marge de manœuvre est plus large pour défendre ses positions». «Le PJD est tenu de convaincre l'opinion publique» La signature de la déclaration tripartite par l'ancien chef du gouvernement, Saad-Eddine El Othmani, était «technique et sa responsabilité était symbolique, sachant que la constitution confie au roi de conduire la politique étrangère du pays et non aux partis», précise l'universitaire Driss Kassouri. «Une signature qui traduisait le respect du PJD de l'unité de la décision au niveau de l'Etat marocain. Dans l'opposition, le PJD n'a plus cette obligation. Il a le droit de changer de position, comme les autres formations politiques. Toutefois, le PJD est tenu de convaincre l'opinion publique que ses prises de décisions, de décembre 2020 et actuelles, ne sont pas motivées par des considérations politiciennes mais plutôt le fruit d'une lecture objective des situations», explique l'universitaire. Celui-ci voit dans le soutien de la cause palestinienne par les Marocains, y compris des islamistes du PJD, «un appui à la position de l'Etat marocain dans ce contexte» de guerre à Gaza. Au lendemain de la conclusion de la déclaration tripartite, la participation du PJD dans des organisations nationales et arabes de soutien à la Palestine avait été suspendue. Une signature défendue, dans le temps, par Abdelilah Benkirane. «Le n°2 de l'Etat ne peut être contre le n°1. Nous n'abandonnons pas notre pays dans ces circonstances. Il n'y a pas un Marocain qui ne serait pas avec la reconnaissance de la marocanité du Sahara. Mais en tant que parti politique issu du mouvement islamiste, nous sommes contre la normalisation», avait-il affirmé dans un message diffusé le 22 décembre 2020 sur les réseaux sociaux. Après son retour aux commandes du PJD, Benkirane avait reproché à ses «frères» arabes de ne pas saisir les «problèmes» qui s'imposent à Mohammed VI sur le dossier du Sahara. «Sa Majesté le roi ne cesse de réitérer son appui aux Palestiniens mais il fait face à des problèmes et à des circonstances particulières. Et si vous n'êtes pas d'accord avec lui, respectez-le (…) Il a avec lui 40 millions de personnes qui comprennent les circonstances et le problème que nous avons dans des provinces du sud», avait martelé Benkirane le 5 décembre 2021, soit deux semaines après la conclusion de l'accord de coopération militaire avec Israël.