Le Festival Gnaoua fait son grand retour à Essaouira, du 22 au 24 juin 2023, pour une 24e édition haute en couleurs qui fera la part belle aux musiques rythmées du monde entier, se croisant avec l'art gnaoui ancestral ainsi que les autres savoir-faire musicaux des autres pays d'Afrique. Dans une formule en présentiel à 100%, cet évènement marque ainsi sa reprise après la pandémie de Covid-19. La ville d'Essaouira accueillera le Festival Gnaoua et musiques du monde, du 22 au 24 juin 2023, pour une 24e édition qui se tiendra entièrement dans l'espace ayant vu naître cet évènement, en 1998. Après une interruption due à la crise sanitaire de Covid-19 et une édition itinérante à travers le Gnaoua festival tour en 2022, le rendez-vous se tiendra enfin en présentiel, incluant le Forum des droits de l'Homme qui fait désormais partie intégrante de son ADN. Directrice et productrice du festival, Neila Tazi a déclaré, lundi, que cette grand-messe musicale arrivait à une nouvelle étape, avec une célébration grandiose du classement de Gnaoua au Patrimoine mondial de l'UNESCO. «Ce classement est en soi une avancée conséquente et une reconnaissance à notre travail pendant 25 ans avec tous les acteurs et intervenants dans cette dynamique artistique, qui fait honneur au Maroc à l'international. Le festival reviendra aussi à son lieu naturel qu'est la ville d'Essaouira et nous remercions tous les habitants de la ville, qui veillent à la réussite de cet évènement et qui y participent activement», a souligné Neila Tazi auprès de Yabiladi, en marge d'une conférence de presse consacrée à la programmation de cette année. Elle qualifie d'ailleurs cette programmation de «très riche, éclectique, cosmopolite, sur trois jours de fête et de célébration». «Je pense que le public ne sera pas déçu. La sélection nationale et mondiale est très intéressante à découvrir sur scène et il y aura de très belles fusions en perspective, en plus du Forum des droits de l'Homme sur les identités et appartenances, avec un ensemble de chercheurs et d'intellectuels qui aborderont les questions d'ancrage citoyen local et global, en interaction avec différents pays et différentes identités culturelles», a-t-elle ajouté. De la musique et du débat mettant en avant les valeurs du dialogue La directrice estime, dans ce sens, que «ce sont là des questions essentielles à mettre en avant, si l'on veut aller plus loin sur cette dimension d'ouverture et d'universalisme dans laquelle le Maroc s'inscrit pleinement et réussit particulièrement, en étant un pays très inclusif et très ouvert». «Chaque année, nous nous sommes demandés comment aller plus loin, comment faire mieux et quelles actions entreprendre pour maintenir vivante cette extraordinaire culture des Gnaoua. Comment faire pour entretenir la flamme de ce festival dont les maîtres mots ont toujours été égalité, liberté et universalité», a-t-elle souligné. «Nous avons imaginé que nos efforts acharnés devaient aboutir à une inscription de la culture des Gnaoua sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO. Beaucoup nous ont qualifiés de doux rêveurs mais, plus de vingt ans après la création du festival, l'inscription tant espérée a eu lieu à Bogota, en décembre 2019. Et c'est une immense fierté. Pour les Gnaoua qui sont longtemps restés dans l'ombre, pour notre équipe qui a travaillé si durement, mais aussi pour tous les amoureux de cette musique aux vertus euphorisantes.» Neila Tazi, directrice et productrice du festival Co-directeur artistique du festival, Karim Ziad a déclaré à Yabiladi, dans ce même sens, que «la musique n'est qu'une, d'où qu'elle vienne». «Si on comprend la nôtre, on peut comprendre celle des autres. Gnaoua et les Tombours du Burundi, qui feront d'ailleurs l'ouverture de ce festival, sont tous les deux classés patrimoine de l'humanité. Ils parlent la même langue et le public s'en rend compte à chaque fois, en plein dialogue musical sur scène. Nous essayons donc de faire le lien entre ces cultures parce que je sens une interaction entre elles, encore plus lorsque ces musiques-là sont toutes africaines et se construisent sur le rythme des percussions», ajoute-t-il. Ainsi, le fil rouge de la programmation de cette année est «tout ce qui est ancestral à travers le monde». A ce titre, «le Pakistan a une musique ancestrale qui peut se rapprocher des Aissaoua, malgré la distance géographique. C'est pour cela que dans le cadre de cette édition, une fusion est prévue avec l'artiste Faiz Ali Faiz», souligne encore Karim Ziad. «Elíades Ochoa nous viendra de Cuba, pour nous présenter, de son côté, la musique ancestrale d'Elson qui a donné lieu à une multitude de musiques, dont la salsa actuelle», ajoute-t-il. Egalement codirecteur artistique du festival, Maâlem Abdeslam Alikane, président de l'association Yerma Gnaoua, déclare à Yabiladi qu'«il existe l'art ancestral de Gnaoua et la fusion avec d'autres musiques». «Dans le cadre du festival, nous gardons à l'esprit que Gnaoua est à la fois une école musicale et artistique et un état d'esprit rattaché à la spiritualité, mais sans idées arrêtées. C'est une culture et un art ancestral où chaque artiste et chaque Maâlem a son apport, du débutant au plus expérimenté», souligne-t-il. «Nous sommes ouverts à toutes les couleurs musicales car la musique est un langage universel, qui ne connaît pas de frontières, qui prône la paix, l'harmonie avec soi-même et avec l'autre», a ajouté le musicien. Pour lui, «ce sont autant de valeurs que prône Gnaoua et c'est qui en fait une musique intemporelle, traditionnelle, multiséculaire, multiculturelle et plusieurs fois centenaire, mais à la fois contemporaine et adaptée aux différentes musiques modernes, locales et mondiales». Des Maâlem, des artistes mondiaux et des intellectuels L'éclectisme et l'inclusion comme valeurs propres à Gnaoua se traduisent ainsi dans la programmation par la présence d'artistes d'horizons divers. Cette édition sera marquée d'ailleurs par la participation de Ky-Mani Marley, fils de Bob Marley, qui présentera son registre aux sonorités jamaïcaines teintées de hip-hop, mais qui reprendra aussi les titres phares de son père. Les femmes auront également toute leur place sur scène, avec Les Amazones d'Afrique (Mali, Bénin, Gabon), Bnat Timbuktu et Asmaa Hamzaoui (Maroc). Chacune de ces formations se produiront séparément, mais une fusion 100% féminine est prévue aussi, mettant en avant le rôle des femmes dans la conservation et la transmission des musiques ancestrales du continent. D'autres maâlem gnaoua seront sur scène également, à l'image de Majid Bekka, Hamid El Kasri, Hamid Boussou, Abderahim Oughessal et Mustapha Baqbou, entre plusieurs autres. Au-delà de l'Afrique en elle-même et de l'Amérique latine ou de l'Europe et de l'Asie, le Trio Joubran (Palestine) est également à l'affiche de cette édition. Au-delà du caractère festif du festival, des tables-rondes parallèles à la programmation artistique se tiendront dans le cadre du Forum des droits de l'Homme. A sa dixième édition allant de pair avec ce rendez-vous culturel, il aura pour thème cette année «Identités et appartenances». Appuyé par le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME), ce cycle de rencontre connaîtra la participation de plusieurs chercheurs et d'intellectuels comme Ali Benmakhlouf, Ali Bensaad, Yasmine Chami, Nadia Bouras, Bouchera Azzouz, Mohamed Sghir-Janjar, Aoma Boum et Patrick Boucheron, entre autres. Président du CCME, Driss El Yazami déclare à Yabiladi que ces débats s'inscrivent entièrement dans l'esprit d'un festival «qui s'intéresse à un patrimoine ouvert au monde, par les métissages et les fusions». «Cette réhabilitation de la culture est, pour moi, au cœur de tout projet démocratique. Il ne peut pas y avoir de progrès si on est simplement dans des démarches de consommation linéaire. Ce qui fait l'humain est d'abord la culture et la réhabilitation de ce patrimoine font le lien entre les droits de l'Homme et ce festival. Le forum est un moment qui a été créé, avec l'équipe du festival, un moment qui permet à des intellectuels, à des acteurs de la société civile, à des politiques et à des artistes d'échanger en toute liberté.» Driss El Yazami, président du CCME Driss El Yazami rappelle que «le fait de d'avoir mis en place ce Forum, dans le contexte du Printemps arabe, n'est d'ailleurs pas un fruit du hasard». «Les deux premiers thèmes choisis ont d'ailleurs été la jeunesse et la culture. Je pense que c'est aussi le festival le plus démocratique, qui attache et amène toutes les couches de la société marocaine, lesquelles cohabitent en toute harmonie dans les espaces de cet évènement, en toute harmonie, avec une affluence spectaculaire mais sans agressivités», a-t-il ajouté.