Inspiré par le nom phonétique du village de ses parents, Ouaoumana, près de Khénifra, Fouad Almoudihane a créé la marque Umana, pour rendre hommage aux tisseuses qui font la réputation de l'artisanat de cette région. Il ambitionne désormais d'être un relais en France pour les détenteurs de ce savoir-faire ancestral, dans une démarche de commerce équitable. Il y a quelques mois, le jeune entrepreneur franco-marocain Fouad Almoudihane a créé une marque, qui sonne comme un écho à l'appel du pays d'origine. En effet, Umana reprend le nom du village des parents, issus d'Ouaoumana, dans la province de Khénifra. Alors que son père et sa mère s'installent à Aurillac (France) en 1970, toute la famille élargie vit encore au Maroc, dans cette commune rurale du Moyen-Atlas où elle conserve la tradition du tissage à travers les générations. «Dans mon questionnement à propos de ma place dans la double culture que je porte, j'ai décidé de la vivre pleinement et fièrement dans ses doubles aspects, en parfaite harmonie avec ce que m'apportent l'une et l'autre à la fois : plutôt que d'en renier une, j'ai souhaité mettre les deux au profit de mon village familial, tout en chérissant ainsi la richesse que m'apportent les deux pays», a-t-il déclaré à Yabiladi. Pour avoir sillonné plusieurs régions du monde, en Asie, en Océanie et en Afrique, Fouad Almoudihane affirme aujourd'hui que «le Maroc a une très belle culture», qui peut avoir un grand apport, autant sur le plan touristique qu'au niveau des différents secteurs économiques et d'investissement. «Je suis issu d'une famille amazighe où l'artisanat est réellement un art-de-vivre quotidien. Depuis quatre générations à Ouaoumana, mes tantes sont tisseuses de tapis et mes oncles font de la production d'huile d'olive. Avec le bagage apporté grâce à mon parcours professionnel, j'ai vu le potentiel pour valoriser ce travail ancestral, dans une démarche de reconnaissance à nos confectionneurs locaux et au savoir-faire qu'ils pérennisent», nous a confié l'entrepreneur. Célébrer sa double culture par un apport aux deux pays «Le but est de promouvoir l'artisanat marocain à travers la France, l'Europe et le monde, en mettant en avant nos produits et nos savoir-faire du terroir, mais aussi en racontant et en faisant connaître les histoires, les hommes et les femmes qui perpétuent ces traditions à travers les siècles», souligne Fouad Almoudihane. Plus qu'une simple marque de tapisserie et d'huile d'olive, Umana propose en effet une immersion dans l'univers dont sont issus les produits qui font la réputation internationale de l'artisanat marocain, avec des interviews à la rencontre d'artisans dans différentes villes et à travers des récits documentés au plus près de chaque métier. «L'idée est par ailleurs de commercialiser des tapis amazighs. Beaucoup d'Européens achètent énormément d'articles de l'artisanat à bas prix, surtout de la tapisserie, sans connaitre justement l'histoire des tapis qu'ils revendent ailleurs pour très cher. Les artisans au Maroc, à l'origine de ces œuvres d'art, ne touchent finalement pas le prix réel de ce labeur», indique Fouad. «Il ne faut pas avoir peur de montrer aux clients comment se confectionnent les tapis, pour inclure l'artisan dans cette boucle. C'est une forme de commerce équitable, car l'idée est de refléter les riches aspects de l'artisanat marocain en France, sans en aucun cas s'approprier le savoir-faire des artisans. Je ne me pas me permettre de ne pas mettre en avant leur travail.» Fouad Almoudihane, Umana Une rétribution directe aux tisseuses C'est ainsi que Fouad a créé Umana en novembre 2022, après trois ans de réflexions sur ce projet. «Je me suis beaucoup documenté, j'ai déjà quelques tapis faits sur mesure et sur commande. Je passe par des transporteurs pour le moment et en termes de certification, j'espère créer mon propre label, avec un cahier des charges sur les normes pour confectionner les tapis, les conditions de transport, de livraison, de communication sur les matières premières, sur le traitement de la laine. J'ai longtemps échangé avec les femmes tisseuses pour savoir comment elles travaillent. Le but est de valoriser leur labeur pour qu'elles aient un retour financier proportionnel à la valeur marchande réelle de ce qu'elles font et de ce qu'elles produisent. Au-delà de réinvestir les revenus de ces ventes dans sa marque, Fouad prône la rétribution directe de ces femmes tisseuses, «sous forme de participation à l'entreprise ou par la création d'une association qui vient en aide aux gens vivant dans ces villages-là». Pour lui, c'est même «l'aspect le plus important du projet Umana». «Il y a une attache sentimentale et familiale qui est le fil rouge de ce projet. Ayant déjà un emploi, je l'ai créé d'abord pour nos artisans et non pas pour en faire ma principale source de revenu dont je vis», nous confie-t-il. «Je fais quelque chose qui me tient à cœur et qui me rapproche de mes racines. Je suis plus parti d'un constat local propre au Maroc, de façon à rendre les choses plus transparentes et plus équitables pour les personnes dont les œuvres se retrouvent ailleurs dans le monde, mais qui sont anonymisées.» Fouad Almoudihane Converger l'apport de différents métiers Titulaire d'un baccalauréat technologique tourné vers le marketing et la communication, Fouad obtient un DUT en techniques de commercialisation, avant de se lancer dans la gestion de projets. Après un voyage de plus d'un an l'ayant guidé en Australie, à Hong Kong, au Japon, en Indonésie et en Malaisie, il retourne en France pour enchaîner les petits boulots. De téléconseiller, Fouad devient commercial en assurance à Lyon. Après le lancement d'une entreprise de communication par son ami, il se voir proposer de le rejoindre à Clermont-Ferrand, en tant que chargé de développement commercial. Cet univers lui aura ouvert la porte vers l'entrepreneuriat, puisqu'il y a côtoyé beaucoup de personnes travaillant à compte. «Etant entouré de vidéastes et de graphistes dans le cadre de l'entreprise, je travaille avec ces mêmes personnes pour la production des contenus d'Umana», souligne-t-il, joignant ainsi l'utile à l'agréable. Au sujet de la concurrence qu'il risque d'avoir de la part de grands opérateurs déjà installés dans ce marché international, Fouad répond qu'il part du «principe que le soleil se lève pour tout le monde afin de faire les choses avec sincérité, sans faire de l'ombre à qui que ce soi». «Au-delà du produit, l'idée est de mettre l'humain en avant», souligne-t-il. En 2024, son objectif est ainsi de sillonner le Maroc, dans le cadre de séries vidéo autour de l'artisanat et des artisans.