L'Office des changes indique que le potentiel de substitution des importations de matériaux de construction par la production nationale au Maroc est une aubaine pour augmenter les exportations. Dans une étude sur les performances et les capacités de développement de la filière, l'instance a préconisé notamment de transformer les processus industriels et de capitaliser sur la valeur technologique. Sur ses 21 millions de dirhams d'importations de produits et de matériaux de construction, le Maroc est en capacité de transformer une grande partie en production locale. Pour ce faire, il est nécessaire de se fixer «des objectifs encore plus ambitieux» pour «conquérir des marchés à l'export, à travers, notamment, la transformation de ses process industriels en les rendant moins énergivores et plus sobres en carbone», entre autres possibilités. Dans une récente étude consacrée aux performances et aux capacités de développement de la filière des matériaux de construction, l'Office des changes rappelle que le marché mondial de ce secteur est évalué à plus de 600 milliards de dollars par an. Au niveau du Maroc, «un objectif réaliste à l'horizon 2026 serait d'atteindre une part de marché de 0,5%, ce qui permettra à l'économie nationale de multiplier par 6 ses exportations de matériaux de construction pour atteindre un flux annuel de l'ordre de 3 milliards de dollars», souligne l'Office des changes. L'instance rappelle, par ailleurs, que les volumes exportés de matériaux de construction par le Maroc sont actuellement à 580 millions de dollars, soit une valeur loin de celle atteinte par certains pays concurrents ou partenaires. Dans la région, l'Italie affiche 24,1 milliards de dollars en 2021, suivie de l'Espagne avec 17,7 milliards, de la France (16,1 MM$), de la Turquie (11,6 MM$) et du Portugal (6,5 MM$). En Egypte, «les flux des exportations de la filière «dépassent les 2 milliards de dollars en 2021, soit 3,6 fois le niveau du Maroc», souligne le document. La réduction des écarts est possible Il est possible de réduire cet écart, selon l'Office des changes, qui préconise à ce titre de privilégier «la production des produits à forte valeur technologique» ou encore de déployer «efficacement les différents outils d'incitations publiques à caractère financier, bancaire et fiscal» pour réussir la transformation structurelle de la filière, «sa modernisation et son développement à l'international». Au niveau du marché national, l'instance a recommandé notamment que les industriels des matériaux de construction puissent «compter sur une approche plus volontariste de la politique commerciale du Maroc relative à l'activation systématiquement des clauses de protection» prévues dans les accords de libre-échange. «Cette politique publique signifierait aussi d'appliquer la réciprocité en termes de protections douanières tarifaires et non tarifaires (normes de qualité et de transition écologique)», souligne l'étude. Dans le cadre de la loi de finances 2020, des mesures de protection des industriels locaux ont été adoptées, comme le «relèvement à la hausse des droits d'importations (DI) de 25% à 30% sur certains produits finis et semi-finis», rappelle le document. Dans le même sens, l'augmentation de la quotité du droit d'importation est applicable aux luminaires LED de 2,5% à 30%, afin de «renforcer la compétitivité de la branche nationale d'assemblage des appareillages d'éclairage». Le taux de DI applicable aux réfrigérateurs d'une capacité de 100 litres maximum est désormais de 30%, au lieu de 2,5%, pour «protéger la production nationale de cet article». Ce taux est passé de 2,5% à 30% pour les «tubes et tuyaux soudés en acier inoxydable pour protéger la production locale de ces tubes et tuyaux dont les débouchés se trouvent dans les secteurs de la construction, de l'automobile et de l'industrie chimique et pétrolière». «Ce droit additionnel de 25% s'inscrit dans le cadre des mesures de sauvegarde qui devraient, en principe, s'appliquer jusqu'au 5 novembre 2023», a ajouté la même source. Par mesure de sauvegarde, un droit additionnel de 25% s'applique aux tôles laminées à chaud jusqu'au 18 juin 2023. Des mesures de protection tarifaire du même genre ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances 2021 et 2022 pour différents types de produits de fabrication locale, dans d'autres filières (chocolat et cacao, cartouches TONER, fibre de rembourrage en polyester, tissus d'ameublement, étoffes de bonneterie, galettes de volaille précuites, tubes et lampes à incandescence…). Mais dans un autre registre, l'Office des changes souligne que les dispositifs non tarifaires sont aussi «d'une importance cruciale». Ils devront permettre de «protéger la production nationale d'intrants étrangers, notamment asiatiques, ne répondant pas toujours aux normes qualitatives, environnementales ou de responsabilité sociale des entreprises». Des actions au-delà des dispositifs tarifaires L'Office rappelle aussi que la filière des matériaux de construction est «une activité stratégique pour l'économie nationale», étant «créatrice d'emplois et de valeur ajoutée» et conditionnant «directement le développement de deux secteurs primordiaux pour l'essor économique et social du pays, en l'occurrence l'habitat et le BTP». Outre les éclairages sur le fonctionnement de la filière et sur ses interactions avec son environnement interne et externe, l'étude a préconisé surtout de faire de cette industrie un «rôle de moteur de croissance pour l'économie marocaine». Ce processus nécessitera notamment «un accroissement des capacités productives sur le territoire national, afin de répondre aux besoins du marché intérieur et de développer les exportations», souligne l'instance. Celle-ci recommande, par ailleurs, une politique incitative et préférentielle pour le «Made in Morocco» par le conditionnement des dérogations fiscales du secteur immobilier à l'utilisation principale des matériaux de construction de fabrication locale, ou encore par le développement du partenariat public-privé dans l'industrie des matériaux de construction. Il s'agit ainsi de «favoriser l'émergence de champions nationaux qui pourront conquérir des marchés à l'exportation, et en Afrique subsaharienne plus spécifiquement». L'Office conseille également de «soutenir l'attractivité de cette industrie par rapport aux investissements étrangers», ou encore d'«introduire une part grandissante de matériaux biosourcés et géosourcés dans les marchés publics, ce qui encouragerait à utiliser les matériaux naturels du territoire national et à faire appel aux entreprises locales qui en maîtrisent la valorisation industrielle».