Hier matin, nous vous annoncions que les gravures préhistoriques de Yagou, dans le Haut Atlas, n'auraient pas été endommagées. Cet après-midi, un militant des droits humains, Omar Louzi, revient à la charge en affirmant «formellement» qu'au moins 7 d'entre elles l'ont été. Selon lui, le PJD aurait crée une «diversion» en focalisant l'attention des journalistes sur une seule gravure afin de camoufler l'état de celles qui ont été le plus endommagées. Mais dans quel intérêt ? Eléments de réponses ci-après. Info ou intox ? Après les déclarations fraîchement démenties du responsable de la Ligue amazighe des droits de l'Homme (LADH), Aboubakr Anghir, c'est au tour du militant des droits humains, Omar Louzi, de monter au créneau aujourd'hui. Il dénonce, à son tour, la «dégradation criminelle» des gravures préhistoriques du plateau du Yagour, dans le Haut Atlas. «Plusieurs gravures rupestres ont été endommagées. (…) J'atteste formellement qu'au moins sept d'entre elles l'ont été» persiste et signe le président-fondateur du Festival International sur les droits humains. Et de renchérir : «D'après les villageois qui ont surpris les assaillants, nous savons qu'il s'agit d'un groupe de salafistes.» Le démenti démenti La sortie d'Omar Louzi, contacté par Yabiladi, s'aligne donc sur les déclarations d'Aboubakr Anghir qui avait alerté les médias nationaux et internationaux la semaine passée après que les gravures millénaires du plateau du Yagour aient été «attaquées» par un groupe de salafistes. Une déclaration démentie dimanche 21 octobre par le ministre de la Culture et son porte-parole, Nabil Belghazi, qui a qualifié ces propos de «dénués de fondement». Le ministère a d'ailleurs organisé une excursion spéciale durant le week-end pour que les chercheurs, universitaires et journalistes du monde entier puissent constater, de visu, l'absence de dégâts sur les vestiges. Une de nos journalistes a pris part à la randonnée. «Le ministère n'a montré qu'une seule gravure à la délégation de journalistes (ndlr. «la plaque du soleil»). Or, le site en compte plus de 1200. Pourquoi n'a-t-il donc pas laissé les journalistes aller faire un tour et voir l'état des autres pierres ?» s'interroge M.Louzi. «Le PJD cherche à minimiser cette affaire» Légitime, cette question l'est moins que rhétorique car M. Louzi a déjà ses propres pistes de réponse. Pour lui, le ministère aurait savamment calculé le coup en créant cette «diversion» pour camoufler la vérité aux journalistes. Mais dans quel intérêt ? «L'objectif est de minimiser la chose. (…). C'est une position idéologique du gouvernement Benkirane qui s'est, à titre personnel, toujours opposé à l'officialisation de la langue amazighe. Le PJD, plus largement, a pour sa part toujours été contre la constitutionnalisation de la culture amazighe. Preuve en est : avec l'Istiqlal, c'est le seul parti à avoir voté contre son entrée dans la nouvelle constitution. (…) En minimisant l'impact médiatique de cette affaire, ou tout bonnement en camouflant la vérité, le PJD dévie les regards de cette 'sous-culture' qu'il ne veut pas 'placée' au centre du débat» explique M. Louzi Objectif : Effacer les vestiges de l'histoire antérieurs à l'arrivée de l'Islam Pour soutenir ses allégations, ce fervent défenseur de la culture berbère avance plusieurs indices. «D'un, comment se fait-il que l'Unesco – qui a demandé de participer à l'excursion – n'ait pas pu y prendre part ? (…) De deux, pourquoi ne pas avoir invité des associations de défense de la culture amazighe à y participer également ? (…) De trois, comment se fait-il que le ministère de la Culture – que j'ai été alerté vendredi 12 octobre au sujet des dégâts subis par les gravures – n'ait réagi que le 17, curieusement juste après que les médias nationaux et internationaux se soient saisis de l'affaire ?» Pour M. Louzi, la levée de bouclier des médias serait précisément la raison pour laquelle le PJD aurait réagi. «Sans cela, rien n'aurait été fait» assure-t-il. Pour corroborer ses dires, le président fondateur du «Green Day festival» rappelle qu'une charte pour la sauvegarde des gravures berbères avait été signée à Semara en 2006 entre les associations amazighes et les ministères de la Culture et de l'Intérieur de l'époque. Or, «aujourd'hui, aucun alinéa de cette charte n'a été respecté» s'indigne-t-il. Et ce n'est pas avec le PJD que les choses risquent de s'arranger. «Le PJD s'aligne sur ces courants politiques contemporains qui tendent à vouloir effacer tous vestiges de l'histoire antérieur à l'arrivée de l'Islam dans le monde arabe. La culture berbère en fait précisément parti. (…) Qui plus est, deux des plus grandes figures de la culture amazighe, Averroès et Saint-Augustin, ont très tôt milité pour la sécularisation, à savoir la séparation de la religion et de l'Etat.(…) Inutile de vous dire que cela n'est pas du goût du PJD. D'où cette volonté non-affichée de vouloir effacer tout ce qui appartient à cette culture» conclut M. Louzi.