Pointé du doigt par de nombreux Sahraouis, originaires des camps de Tindouf, pour violations des droits de l'Homme, le Polisario propose de «tourner la page en réparant les victimes», mais sans aborder le jugement des auteurs des exactions. A l'approche de l'organisation de son 16e congrès, prévue en décembre, Brahim Ghali joue la carte de la «réconciliation» avec les Sahraouis des camps de Tindouf. Le chef du Polisario a, ainsi, décidé «le lancement d'un processus de réparation des victimes des erreurs commises à leur encontre dans les étapes passées de notre lutte de libération nationale». Le Front, a-t-il indiqué dans un communiqué publié hier soir, propose de «tourner cette page douloureuse dans le but d'engager l'ensemble du corps national et de le mobiliser dans cette étape décisive de notre marche victorieuse». «Nous voudrons, au nom de tout le peuple sahraoui, rendre hommage et reconnaissance (…) à tous ceux qui ont contribué à porter ce dossier à ce stade avancé, particulièrement les personnes qui ont été touchées mais ayant décidé de mettre en avant le nombre de défis qui nous attendent alors que leurs propres plaies sont ouvertes pour panser la plaie saignante de la patrie», ajoute Ghali. La question des violations des droits de l'Homme commises par les milices du Polisario contre la population des camps de Tindouf, relevait jusqu'ici du tabou. La direction du Polisario reportait l'examen de ce dossier jusqu'à l' «indépendance» du Sahara occidental. Bachir Sayed avait déjà proposé le «pardon» Pour rappel, Bachir Mustapha Sayed avait reconnu, en octobre 2019 à Madrid dans des enregistrements sonores, que des exactions ont été perpétrées par le Polisario contre les Sahraouis ayant participé au soulèvement, durement réprimé en octobre 1988, de certaines tribus sahraouies, notamment les Oulad Dlim, contre l'hégémonie des Rguibates qui monopolisent le pouvoir dans les camps. Les Teknas et les Aït Oussas ont également souffert de la répression. Octobre 1988 : Quand les drapeaux marocains ont été brandis à Tindouf Il avait également révélé que des Sahraouis des camps de Tindouf ont été emprisonnés et torturés à cause de leur opposition à la ligne politique imposée par la direction du Polisario. «Nous avons tous fait des sacrifices. Ceux tués ou torturés dans la prison d'Errachid ont également fait des sacrifices. Dieu les récompensera pour leurs sacrifices.» Et d'ajouter que «les morts sont considérés comme des martyrs et les survivants des blessés de guerre», avait-il souligné. Sayed avait, alors, proposé de tourner la page par le «pardon». A la dernière session du Conseil des Droits de l'Homme, tenue du 12 septembre au 7 octobre à Genève, deux opposants du Polisario, Fadel Breika et Mahmoud Zeidan, avaient dénoncé leurs détentions, durant plusieurs mois en 2019, sans procès. Le même message est porté par des Sahraouis, originaires des camps de Tindouf, lors des travaux de la 4e Commission des Nations unies, qui se poursuivent encore à New York. En témoigne, l'intervention de M'Rabih Ahmed Mahmoud Adda qui vit au Maroc. Le CDH de l'ONU avait épinglé, en juin dernier, l'Algérie pour sa responsabilité dans les actes de torture et mauvais traitements qu'il a subis en 2014 par les milices du Polisario sur le territoire algérien. Dans son communiqué, Brahim Ghali a fait l'impasse sur le jugement des auteurs des violations des droits de l'Homme. Un point que les victimes sahraouies auront du mal à accepter. D'ailleurs, en Espagne, le chef du Polisario est poursuivi pour génocide.