La femme a été au coeur du discours royal à l'occasion de la fête du Trône. Le souverain a appelé à dépasser la réforme du Code de la famille de 2004, qui n'est plus suffisante dans le contexte actuel. Le Roi Mohammed VI a adressé, samedi, un discours à la nation à l'occasion du 23ème anniversaire de l'accession du Souverain au Trône. La condition de la femme marocaine était au centre de l'attention du souverain qui a pointé les points de blocage pour lui accorder «la place qui lui revient de droit». Le Roi a rappelé l'importance de la promulgation du Code de la famille (2004) et l'adoption de la Constitution (2011), qui «consacre l'égalité homme-femme en droits et en obligations et, par conséquent, érige le principe de parité en objectif que l'Etat doit chercher à atteindre». Revenant sur l'esprit de la réforme, il a souligné qu'elle «ne consiste pas à octroyer à la femme des privilèges gracieux, mais, bien plus précisément à lui assurer la pleine jouissance des droits légitimes que lui confère la Loi». Pour qu'elle ne soit plus privée de ses droits, le Roi Mohammed VI appelle à l'opérationnalisation des institutions constitutionnelles concernées par les droits de la famille et de la femme, à l'instar de l'Autorité pour la parité. Il demande également la mise à jour des dispositifs et législations nationales dédiés à la promotion de ces droits. Le Souverain n'a pas hésité à s'éloigner de l'auto-satisfecit pour pointer les lacunes du Code de la famille. Même s'il a représenté «un véritable bond en avant» à l'époque, «il ne suffit plus en tant que tel», affirme Mohammed VI. Il a pointé de nombreux écueils qui empêchent de parfaire la réforme initiée, comme «l'application incorrecte du Code en raison de divers facteurs sociologiques». Les responsables des blocages pointés du doigt Ainsi, «une catégorie de fonctionnaires et d'hommes de justice» sont tenus pour responsables de ces blocages. Ces personnes n'ont pas compris que le Code n'est pas spécifique aux femmes, mais à la famille entière, en tenant compte particulièrement de l'intérêt de l'enfant. Une allusion probable à l'étude sur les mariages des mineures, présentée par le ministère public en décembre 2021, selon laquelle les juges de famille ont accordé 80 599 autorisations entre 2015 à 2019. Face à la persistance et la recrudescence du mariage des mineures, plusieurs partis politiques réclament la suppression de ce régime dérogatoire. Des propositions de loi ont ainsi été déposées pour supprimer l'article 20 du Code de la famille accordant cette souplesse aux juges de famille. «Il convient aussi de dépasser les défaillances et les aspects négatifs révélés par l'expérience menée sur le terrain et, le cas échéant, de refondre certaines dispositions qui ont été détournées de leur destination première.» Roi Mohammed VI Le Souverain ne se contente pas de pointer les responsables de ces blocages dans la réforme mais oeuvre pour donner plus de moyens pour que l'élan réformateur aille plus loin et améliore la condition de la femme. «Nous appelons à ce que les tribunaux de la famille soient généralisés à l'échelle des régions du pays, qu'ils soient dotés de ressources humaines qualifiées et que leur soient affectés les moyens matériels nécessaires à l'accomplissement efficace de leur mission», a-t-il plaidé. Réformer sans braquer les religieux Pour sensibiliser l'opinion publique à l'importance de l'amélioration de la condition des femmes, le roi Mohammed VI a fait preuve de pédagogie. Il a ainsi souligné que lorsque «les femmes accèdent pleinement à leurs droits, elles ne portent aucun préjudice aux hommes, pas plus qu'elles ne se font tort». Au contraire, il estime qu'en occupant «la place qui leur échoit» c'est «la condition sine qua non pour que le Maroc continue de progresser». L'argument religieux étant souvent opposé par les conservateurs pour maintenir le statut quo, le Souverain a, là aussi, fait preuve d'équilibre. «Nous nous attachons à ce que cet élan réformateur soit mené en parfaite concordance avec les desseins ultimes de la Loi islamique (Charia) et les spécificités de la société marocaine», a-t-il assuré. «En qualité d'Amir Al-Mouminine, et comme Je l'ai affirmé en 2003 dans le Discours de présentation du Code devant le parlement, Je ne peux autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé, en particulier sur les points encadrés par des textes coraniques formels.» Roi Mohammed VI Pour le Roi Mohammed VI, toute réforme concernant le statut de la femme doit se faire dans la modération, l'ouverture d'esprit dans l'interprétation des textes, de volonté de concertation et de dialogue. Mais pour se faire, elle doit s'appuyer «sur le concours de l'ensemble des institutions et des acteurs concernés».