Rongés par l'angoisse, les étudiants marocains bloqués en Ukraine sont partagés entre fuire le pays vers l'ouest, ou se mettre à l'abris dans les stations de métro des grandes villes. Une assistance des ambassades marocains des pays de la région a été mise en place. Depuis les premières frappes aériennes russes en Ukraine, le 24 février, les étudiants étrangers s'empressent de quitter le pays par tous les moyens. Parmi eux, les étudiants marocains sont de plus en plus nombreux à témoigner des difficultés de cette opération périlleuse. Les vidéos se sont multipliées ces derniers jours, documentant leurs longues marches à pied vers les frontières Ouest ; la fermeture des espaces aérien et maritime au début des manœuvres militaires de Moscou ayant réduit les possibilités. A Kharkov, ville qui compte le nombre de plus importants d'étudiants marocains, l'un d'eux indique que les groupes se rassemblent dans la gare de train pour rejoindre les villes les plus proches des frontières avec la Roumanie, à leurs risques et périls. «Au moins en étant à la gare, nous ne sommes pas loin du métro et nous pouvons donc accéder à un abris souterrain, en cas de frappe aérienne», a-t-il dit. Il s'inquiète notamment de «l'insécurité qui commence à s'installer et des denrées alimentaires qui manquent peu à peu, avec de longues files d'attente parfois de 200 personnes devant les rares commerces ouverts». Dans sa vidéo, l'étudiant a adressé par ailleurs ses critiques aux services consulaires du Maroc, après que certaines universités en Ukraine ont posé des conditions de retour ou de non-départ. «On nous dit que nous avons été avertis de l'urgence de quitter le territoire, mais en même temps nous avons été laissés en confrontation directe avec nos universités, qui nous avertissaient de leur côté que nos départs nous exposaient à une expulsion de nos établissements», déplore-t-il. «Nous étions tiraillés entre l'inquiétude sur l'avenir de nos études et notre volonté de prendre des précautions pour nos vies bien entendu, mais on a été laissé seul face à ce dilemme», a-t-il estimé. Sur les réseaux sociaux, certains témoignages évoquent des situations de blocage, particulièrement en direction des zones frontalières avec la Pologne, où les contrôles seraient rigoureux et conduiraient au refus de passage aux étudiants, généralement issus du continent africain. ⚠️BREAKING NEWS⚠️ En #Ukraine, des personnes Noires sont empêchées de quitter le pays lorsque d'autres ne sont pas autorisées à entrer en Pologne. Une source sur place nous confirme avoir vu des étudiants Noirs empêchés de prendre le train vers la Pologne.#Racisme #UkraineRussie pic.twitter.com/VIyctyI6FX — Decolonial News (@DecolonialNews) February 26, 2022 Les Marocains d'Ukraine dans l'enfer des bombardements russes Des frontières pas toujours faciles à atteindre Pour leur part, des étudiants qui se trouvent dans l'Est de l'Ukraine restent les plus angoissés, à l'idée de parcourir plus de 2 000 kilomètres par voie terrestre pour rejoindre des frontières accessibles à l'Ouest. «Nous voulons partir et nous avons pris connaissance des cellules d'accueil mises en place par le Maroc dans des pays voisins, mais c'est vraiment dangereux pour nous de traverser pratiquement toute la largeur de l'Ukraine pour y arriver enfin», a confié à Yabiladi Walid, étudiant en médecine dentaire à Zaporizhzhia. «Il y a une probabilité importante que l'on soit impacté par une manœuvre aérienne, si jamais on se trouve au mauvais endroit au mauvais moment, en entreprenant ce périple et en arrivant par exemple dans une zone sans abri souterrain. En étant dans nos domiciles, nous savons au moins que nous pouvons accéder rapidement au sous-sol sécurisé près de notre immeuble, même si l'angoisse est bien là.» Walid, étudiant en médecine Gare de Zaporijia. Les images font penser à l'exode de 1940. Ici la foule prend d'assaut les trains qui partent vers Kiev. Dans le chaos, des dizaines d'étudiants en médecine marocains. #Ukraine pic.twitter.com/dI6h7Gj6NN — Nicolas Delesalle (@KoliaDelesalle) February 26, 2022 «Nous comptions rentrer au Maroc lorsque les autorités de notre pays nous l'ont recommandé et ont mis à notre disposition des vols de rapatriement, mais chacun de nous s'est retrouvé bloqué jusqu'au jour des bombardements ici, pour différents motifs contraignants et hors de notre volonté, face au manque de garanties sur la suite de notre année universitaire, pour des raisons administratives et de lenteurs des procédure auprès de nos établissements, ou encore face à l'obligation de passer nos examens en présentiel», a ajouté Walid. Ukraine : Les étudiants marocains entre le dilemme du rapatriement et la continuité de leur cursus Sur les réseaux sociaux, des étudiants sont revenus plus en détail sur certaines contraintes administratives. «Afin de quitter le pays, je n'ai pu récupérer mon passeport qu'à l'heure où je vous parle, après avoir poussé un coup de colère contre la direction de mon université, même au risque d'être viré de l'établissement», a indiqué l'un des étudiants, qui a expliqué que cette difficulté a constitué un obstacle majeur pour son retour avant le début des frappes ruses. Waut what ! Les écoles en #Ukraine détenaient les passeports des étudiants marocains pour les forcer de rester, c'est légal ça ? #UkraineRussie #maroc pic.twitter.com/bb1yCCUbz9 — leprasso (@jemamusecesttou) February 25, 2022 Depuis plusieurs jours, Salma El Kiram a pour sa part relayé une vidéo depuis Kharkov, sur ses réseaux sociaux. Elle a expliqué elle aussi ne pas avoir quitté l'Ukraine plus tôt, à cause de lenteurs administratives. Sur son compte Instagram, elle a transmis des images des nuits passées dans les abris souterrains avec plusieurs autres étudiants marocains et citoyens locaux. Après avoir envisagé de quitter le pays dans le cadre des opérations de rapatriement aussi, Douha, étudiante en pharmacie à Dnipro dans l'Est ukrainien s'est trouvée dans l'obligation de rester plus longtemps. «Il y a des établissements qui n'ont pas permis le départ sans conditions de leurs étudiants étrangers, car ces derniers risquent d'être expulsés des universités», a-t-elle précédemment expliqué à Yabiladi. Au lendemain des attaques aériennes dans sa ville de résidence, Douha, comme de nombeux étudiants, a été prise de panique à l'idée de ne pas pouvoir trouver un abri sûr en cas de nouvelles offensives militaires russes. Elle a exprimé son souhait qu'une solution soit trouvée pour une évacuation sûre vers l'extérieur du pays.