Le bout du tunnel pour une normalisation des relations entre le Maroc et l'Espagne est encore loin. Tel est le constat fait par le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares. Pour la première fois depuis sa nomination, en juillet, à la tête de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares modère son optimisme quant à une reprise des relations avec le Maroc. Le ministre des Affaires étrangères a admis que la résolution de la crise avec le royaume exige beaucoup du temps. «Je vais prendre le temps qu'il faut» pour une normalisation des relations, a-t-il reconnu, vendredi lors de sa participation à un forum organisé par l'agence Europa Press. Les tensions persistent toujours avec Rabat. En témoigne, la non-programmation de son voyage, une tradition, à Rabat pour y rencontrer son homologue marocain, Nasser Bourita. Et il en est de même pour le retour à Madrid de l'ambassadrice du royaume, Karima Benyaich, rappelée pour consultations depuis mai dernier en plein affaire de l'hospitalisation, en catimini et sous une fausse identité, du chef du Polisario en Espagne. Hier, Albares ne s'est pas aventuré à aborder l'organisation du sommet entre les deux pays, reporté en décembre 2020 pour des «raisons sanitaires» selon la version officielle. Il a également fait l'impasse sur la réunion tant attendue du côté ibérique entre Pedro Sanchez et le roi Mohammed VI. C'est dire que le dialogue maroco-espagnol fait face encore à des obstacles dont la question du Sahara. Le bout du tunnel est encore loin Mercredi 20 janvier, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a invité les pays cherchant à nouer une alliance avec le Maroc à être «fidèles à la cause nationale du Sahara», reconnaissant qu'«il existe de nombreux Etats avec lesquels le ministère des Affaires étrangères accélère actuellement les relations». «Ceux qui n'ont pas compris mettront du temps à comprendre», a-t-il ajouté. Un message indirect adressé à l'Espagne, d'autant qu'il s'est félicité du changement de la position de l'Allemagne à l'égard de ce dossier. Sauf que José Manuel Albares a estimé que le chef de l'exécutif marocain n'a pas mentionné l'Espagne. Néanmoins, le lendemain, le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustafa Baitas a été plus clair et plus direct que son supérieur hiérarchique. «L'ambition existe, et l'Espagne aussi a exprimé son ambition, mais pour que cette ambition soit renforcée, nous avons besoin de beaucoup de clarté», a-t-il précisé. Pour mémoire, dans son discours du 6 novembre, le roi Mohammed VI a lancé une mise en garde «à ceux qui affichent des positions floues ou ambivalentes» sur la marocanité du Sahara. «Nous déclarons que le Maroc n'engagera avec eux aucune démarche d'ordre économique ou commercial qui exclurait le Sahara marocain», a déclaré le souverain. Les messages d'Aziz Akhannouch et de Mustafa Baitas interviennent dans le sillage des déclarations faites par José Manuel Albares sur la question du Sahara au terme de sa réunion, tenue aux premières heures du mercredi à Washington, avec Antony Blinken. Le chef de la diplomatie d'Espagne a affirmé que son pays et les Etats-Unis «se sont mis d'accord pour unir» leur «forces pour résoudre ce conflit qui n'a que trop duré et pour lequel une solution doit être trouvée». Or, le Département d'Etat, dans sa communication sur la rencontre, n'a pas mentionné le dossier du Sahara. Ceux qui croyaient chez le voisin du nord que le passage réservé au Maroc par Felipe VI dans son allocution, du lundi 17 janvier prononcée devant le corps diplomatique accrédité dans son pays, allait ouvrir une nouvelle page dans les relations avec le royaume, doivent s'armer de patience. Les différends existent et la partie marocaine ne se prive plus de les étaler sur la place publique. Une manière pour elle d'exercer une pression sur Madrid, d'autant que le contexte international lui y est favorable.