2021 se clôture sur près d'un an de tensions entre le gouvernement français et les instances représentatives du culte musulman, particulièrement à cause des désaccords sur la Charte de l'islam. Après les pressions du ministre de l'Intérieur, puis ses propos polémiques sur l'existence même du CFCM, quelle place aura encore l'instance auprès de l'Elysée ? Au lendemain de la présentation d'une proposition de loi par cinq députés du parti Les Républicains (LR), pour «rendre obligatoire la signature de la charte des principes de l'islam de France par toutes les mosquées de France», trois organisations représentées au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM) et réfractaires à l'égard de la Charte de sont empressées d'annoncer leur adhésion. Cette sortie est intervenue une dizaine de jours après que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a qualifié le CFCM de «mort», provoquant une énième polémique après des mois de pressions du gouvernement pour faire signer la Charte à l'ensemble des représentations cultuelles musulmanes. Dans ce contexte, la proposition de loi des députés a d'ailleurs proposé de pousser le caractère contraignant de cette adhésion jusqu'à la fermeture de mosquées, en cas de refus. Mais le retour précipité des trois organisations pour mettre fin aux désaccords internes du CFCM sur la Charte de l'islam de France est-il intervenu trop tard ? L'islam consulaire dans le viseur Le 26 décembre, au lendemain de l'annonce tripartite, le Journal du dimanche (JDD) a révélé que dans tous les cas de figure, un forum devrait se substituer, dès janvier 2022, au Conseil. «L'objectif est de promouvoir un islam de France indépendant des puissances étrangères et sans lien avec les courants radicaux», a rapporté le média français. Fortement acerbe envers le CFCM, le département de Darmanin estime que sur 19 ans, rien n'aurait été réalisé. «Certes, on a entendu les présidents de l'association dénoncer le terrorisme au lendemain d'un attentat. On les a vus assister aux cérémonies officielles et poser devant les caméras pour rappeler que l'islam était 'une religion de paix et d'amour'», mais «aucun travail de fond n'a été engagé», a confié un cadre auprès du JDD. France : L'islam et le séparatisme au cœur du discours du président Macron Le rôle du CFCM est remis en question dans la mise en œuvre des programmes de prévention de la radicalisation, de lutte contre les courants extrémistes ou encore contre «les cercles qui instrumentalisent l'islam à des fins politiques, à l'instar des Frères musulmans». Ces derniers seraient toujours «une composante importante du CFCM à travers l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), rebaptisée MF pour Musulmans de France». D'autres récentes révélations auraient également pesé en défaveur de l'instance et particulièrement son président. Le 1er décembre, le magazine Le Point a évoqué des liens entre Mohamed Moussaoui et «les institutions sécuritaires de son pays d'origine», c'est à dire le Maroc. Selon le média français, le représentant du CFCM «était pris en charge par un agent traitant, recherché par la justice française, pour avoir détourné des fiches confidentielles ou des passe-droits pour faire entrer en France des ressortissants marocains». L'appartement parisien aurait ainsi été «payé par les services de renseignement marocains, qui cherchent à contrôler leur diaspora et à utiliser la question islamique comme vecteur d'influence diplomatique, tout comme les Turcs ou les Algériens». Depuis, le numéro un du Conseil ne serait plus reçu que par les responsables du Bureau central des cultes du ministère de l'Intérieur, a encore fait savoir Le Point, dans un contexte où Darmanin a appelé dès octobre 2020 à «rompre avec l'islam consulaire». Darmanin veut tourner la page du CFCM En janvier prochain, le Forum de l'islam de France (FORIF) fera office «d'un collectif né des assises de l'islam de France, qui se sont tenues dans les territoires», de manière à faire adhérer les religieux à deux points «non négociables» sur «l'indépendance à l'égard des puissances étrangères et l'indépendance à l'égard des courants transnationaux». L'islam de France se pliera-t-il au programme politique de l'Intérieur ? Le JDD rapporte que quatre groupes de travail sont déjà constitués au sein de l'instance. Le premier groupe supervise les actions des aumôniers, le second recensera les actes «antimusulmans» et les deux derniers se pencheront sur la «formation des cadres», dont les imams, et la mise en œuvre des termes de la loi dite contre le séparatisme dans le milieu du culte musulman. Selon la même source, «le président Emmanuel Macron et le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, ont scellé début décembre le sort du Conseil français du culte musulman (CFCM), créé en 2003, et décidé de ne plus travailler avec ses habituels représentants». Cité dans l'article, l'entourage du ministre fait part d'«une profonde restructuration de la représentation et du dialogue». Des mots qui sonnent comme une fin proche du CFCM dans la gestion du culte auprès de l'exécutif et de l'Elysée.