L'artiste Joséphine Baker, devenue résistante pendant la seconde guerre mondiale, devient ce mardi la première femme noire à rejoindre le Temple républicain au Panthéon en France, destiné à rendre hommage aux personnes ayant marqué l'histoire de France. Des cabarets de Broadway aux paysages marocains, l'artiste, espionne et résistante n'a cessé sa lutte antiraciste. Née en 1906 à Saint Louis dans le Missouri, Joséphine Baker, de son vrai nom Freda Josephine McDonald, a fait ses débuts au music-hall aux Etats-Unis avant de rejoindre Paris où elle dénonçait le traitement réservé aux afro-américains au nouveau monde. Alors qu'elle faisait salle comble en France, elle ne pouvait pas dans les années 1930 utiliser l'ascenseur de son immeuble à New York. «Les autres locataires n'auraient peut-être pas aimé me rencontrer», racontait-elle au Monde. Derrière l'icône des années folles, naturalisée française le 30 novembre 1937, se trouvait une femme engagée dans les droits civiques utilisant la «revue nègre» pour «se moquer des blancs et de leur manière de gérer les colonies», disait-elle, aussi bien en France qu'au pays de l'oncle Sam. Mariée en 1937 avec un industriel français d'origine juive, la jeune artiste rejoint dès 1939 le contre-espionnage du dans le 2e Bureau de l'Etat-Major alors que la guerre venait d'être déclarée contre l'Allemagne nazie. Une espionne depuis son lit d'hôpital au Maroc De l'automne 1939 au printemps 1940, les archives de l'armée française rapportent que l'artiste participait à des concerts pour «profiter de ces mondanités pour recueillir des renseignements pour le contre-espionnage», refusant cependant de chanter devant les Allemands dans Paris occupé en 1940. Utilisant sa notoriété et sa mobilité, elle a permis au chef du Service du contre-espionnage et d'autres agents de quitter la France pour rejoindre l'Espagne le Portugal, puis le Maroc en janvier 1941 pour établir un centre de liaison et de transmission dans la résistance. En juin 1941, Joséphine Baker souffre d'une péritonite grave, provoquée par une fausse couche nécessitant une hystérectomie. Gravement malade, elle doit être transférée en urgence de Marrakech à Casablanca. Elle gardera d'ailleurs pendant plusieurs années «un fer de mulet qui lui fut offert en porte-bonheur par une infirmière à Casablanca [où] on craignit pour sa vie», rapportait le Monde en 1944. Alors qu'elle subissait de multiples opérations et une hospitalisation longue de 18 mois, et que certains journaux américains la rapportaient morte, la résistante continuait ses activités d'espionne en rencontrant depuis son lit d'hôpital des diplomates américains, des résistants français et des dirigeants marocains. Voyant depuis sa fenêtre en novembre 1942 l'arrivée des troupes américaines lors de l'opération Torch, la résistante à été officiellement déchargé de ses activités de contre-espionnage, mais a continué son engagement en suivant les troupes américaines jusqu'à Jérusalem, traversant l'Afrique du Nord en jeep. De janvier 1943 à mai 1944, elle reprend son activité artistique au service des armées françaises tout en continuant son activité de renseignement. Le jour de la Victoire en Europe, le 8 mai 1945, Joséphine se rend en Allemagne pour «chanter auprès des prisonniers et des déportés qui sont libérés». La «tribu arc-en-ciel» de Joséphine Baker Après la guerre, l'artiste décorée médaille de la Résistance Française avec rosette, de la Légion d'Honneur et de la Croix de Guerre avec palmes n'oublie pas la lutte antiraciste. En 1953, elle fait part à la presse française de son projet d'adopter cinq enfants de deux ans, «un Scandinave, un Sud-Africain, un Japonais, un Indien et un Israélien», avec le souci de respecter «coutumes et la religion» de chacun. «Je m'attacherai à ce que le plus grand respect des opinions et des croyances d'autrui soit observé», déclarait-elle au Monde, «Par l'exemple de ces enfants se développant selon leur nature. Je veux montrer aux peuples de couleur que les blancs ne sont pas tous cruels et méchants. Je prouverai que les humains peuvent se respecter les uns les autres si on leur en donne la chance». Avec son mari, le chef d'orchestre Jo Bouillon, Joséphine Baker fini par adopter douze enfants venant du monde entier, et la dernière adoptée en 1964 était une petite fille née au Maroc. Stellina, a aujourd'hui 57 ans et raconte ses souvenirs à France Bleu. «Elle se levait tôt le matin, elle enfilait une djellaba et un turban et moi je me levais tôt aussi pour avoir un moment privilégié avec elle», dit-elle. Pour sa dernière fille qui a perdu sa mère adoptive à l'âge de 11 ans, «c'était une maman qui nous écoutait, elle tenait à l'éducation» qui leur apprenait à être respectueux et tolérant, et ce, avec tout le monde, «qu'on soit prince ou non».