C'est d'abord un journaliste de formation qui décide de venir au Maroc, ce pays en mutation qui connaît tant de bouleversements aussi bien humains que politiques et sociaux. Bernard Rouget s'installe au Maroc en 1940. Quelques années plus tard, grâce aux relations qu'il entretient avec le roi Mohammed V et son fils, le futur roi Hassan II, il deviendra le documentariste attitré de la Cour. C'est un destin tragique qui préside à la vie de ce jeune artiste. Né le 30 juillet 1914. Ses premières années sont celles du déchirement. Celui d'un orphelin dont le père sera tué à la guerre. Ce dernier est parti au front le 5 août 1914 et sera tué le 26 septembre, soit moins de deux mois après la naissance de Bernard. Cette perte prématurée aura un énorme impact sur sa vie. Il en parlera plus tard lors de nombreuses interventions et dans quelques écrits. Il évoquera toujours cette perte, mais en fera un ciment pour consolider d'autres liens. Viennent les années d'études supérieures à la Faculté catholique de Lille où il suit les cours de l'Ecole de Journalisme et, en même temps, prépare une licence de philosophie à partir de 1937. La réflexion philosophique sera toujours au centre de son travail. Il en fera une assise pour la lecture du monde, de ce qui l'entoure et des relations humaines tout court. II vient ensuite à Paris où, pendant les années 1938 et 1939, il suit à la Sorbonne et à la Faculté catholique, tout en étant maître d'étude au Collège Stanislas les disciplines de la Faculté des Lettres. À la fin de l'année scolaire 1939, il obtient sa licence ès lettres. C'est là un homme accompli qui entame le cycle de la vie et se prépare à affronter comme son père, les affres de la guerre. La guerre déclarée en septembre de cette année 1939, il obéit aux traditions familiales en se portant volontaire pour l'Armée de l'Air. Le même jour où il est reconnu apte au Personnel Navigant, une crise d'asthme l'immobilise à l'hôpital où la Commission de Réforme de Tours le déclare inapte au service armé. Toutefois, sur son insistance, le colonel, président de cette commission, accepte de surseoir à cette décision et le laisse rejoindre la base de Bordeaux-Mérignac où se retrouvaient tous les volontaires de l'aviation. Un oeil aiguisé C'est l'année de ses amours avec le Maroc, qui sera, comme il le dira maintes fois, une seconde patrie. Il croyait dur comme fer à l'indépendance de ce pays, et le jour où il y mit les pieds, est une révélation. Arrive donc l'armistice de juin 1940, C'est là qu'il sert comme aspirant d'aviation au Maroc. Il restera dans ce pays trente-quatre ans. Toute une vie où il fera le tour du pays, connaîtra du monde, photographiera des milliers de visages, découvrir la diversité de la culture à travers les paysages de la vie et consacrera son temps à l'étude et à la connaissance de ces gens qui lui ont ouvert les bras comme l'un des leurs. Au Maroc, Bernard crée d'abord, en 1941, au titre du Service de la Jeunesse et des Sports, l'hebdomadaire «Jeunesse». Puis, en 1943, après le débarquement américain du 8 novembre 1942 pour lequel il avait été pressenti une semaine auparavant par le général Bethouart, il deviendra directeur de la revue «Maroc 1943». Le journaliste prend ses quartiers. Il est au cœur du Maroc. Il voit, scrute, analyse, prend des clichés, commente la vie politique d'un pays qui change. On lit dans un texte sur sa vie au Maroc repris par Arte, que «La rentrée en guerre du Protectorat aux côtés des Alliés, lui vaut d'être mobilisé et attaché au cabinet du Résident Général au Maroc, puis du général commandant l'Armée de l'Air à Alger». Pendant la campagne de l'Armée d'Afrique, il prend part au débarquement. II est attaché à l'Etat Major de la 11ème brigade de bombardement, les Marauders, avec laquelle il participe à des missions de guerre. II a ainsi l'occasion de réaliser un livre : «Marauders 1944/1945».